Côte d’Ivoire, pôle Gbagbo : la génuflexion avant la chute ?

La guerre des camps et des clans se poursuit en Côte d’Ivoire. La fin des temps approche. Les temps de disette et les temps de vaches grasses. Pour les uns et pour les autres. A force d’impatience, Alassane Dramane Ouattara continue de ronger son frein. En président élu et privé de son fauteuil. Laurent Koudou Gbagbo se démène quant à lui pour le conserver. Et les jours passent qui ne se ressemblent pas. Les forces des uns et des autres s’amenuisent. Et dans cette spirale, c’est le camp Gbagbo qui semble y perdre des plumes et son latin. Des plaintes contre la CEDEAO. Des banques commerciales qui ferment leurs portes. De plus en plus de difficultés à payer les salaires. Le trafic portuaire au ralenti. Des impôts qui tarissent… De toute évidence, Laurent Gbagbo est aux abois. Et il ne lui reste plus grand-chose à faire que du dilatoire pour continuer de gagner du temps.

Depuis environ deux semaines, la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine a accordé un répit consenti ou non de 30 jours et peut-être plus au régime de Laurent Gbagbo. Des experts chargés d’évaluer la situation doivent chercher et trouver la fameuse « solution africaine à une crise africaine » prônée par Jean Ping dans une situation dont les aboutissants sont connus mais dont les tenants se dissipent dans les méandres de l’histoire de cette crise qui n’a que trop duré. Pendant ce temps, la situation se délite pour le camp du président sortant. Les mesures annoncées plus tôt et mise en œuvre par les « faucons » de la CEDEAO commencent à faire leur effet. Les flux financiers s’assèchent. Les circuits économiques se grippent. L’activité gouvernementale s’amenuise, même si les alliés, un peu plus nombreux aujourd’hui qu’hier, tentent de maintenir l’existence diplomatique du pouvoir. Concrètement, ce sont plusieurs importantes banques commerciales du pays qui viennent de fermer les unes après les autres leurs portes, laissant des milliers, voire des millions d’Ivoiriens sur le carreau, évoquant des questions de sécurité.  Dans ces circonstances, c’est un nouveau coup dur pour le régime Gbagbo, obligé de trouver de nouvelles solutions pour le virement en fin de mois du salaire des fonctionnaires. A moins que cette situation ne se mue désormais en prétexte pour le régime qui, de toute façon, ne dispose certainement plus des moyens de payer la totalité des salaires des fonctionnaires.

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Néanmoins, Laurent Koudou Gbagbo dans ces circonstances, ne reste pas inactif. Pas question de se rendre sans combattre ! Et comme adversaire, le Président Gbagbo en a choisi un de bien particulier. Qu’il entend combattre d’une arme très originale. La CEDEAO fait depuis le 14 février 2011 l’objet d’une plainte inédite devant la Cour de justice faisant partie des organes de l’institution. Laurent Gbagbo entend faire invalider la reconnaissance par l’institution de coopération sous-régionale de la reconnaissance de son adversaire comme Chef de l’Etat élu. Par ricochet, cela devrait assurer la suspension de la menace d’intervention militaire qui plane contre son régime et ouvrir la voie à la levée des sanctions de la CEDEAO, mais aussi de l’UEMOA qui font tant de mal à l’Etat ivoirien.

D’un certain point de vue, la démarche n’est pas superflue. Elle va forcément donner lieu à une jurisprudence importante qui guidera désormais les interventions des institutions sous-régionales africaines dans ce type de crise militaro-politique qu’elle soit postélectorale ou non. Mais on est forcé d’admettre que les chances de cette démarche de prospérer sont pour le moins limitées. Pour deux raisons au moins. Les interventions des forces de l’ECOMOG, bras armé de la CEDEAO en Sierra Leone et au Liberia ont été menées sans que le rôle éminemment économique de l’organisation y ait posé le moindre problème. Les différentes résolutions du Conseil de sécurité qui ont entériné ces interventions leur ont en plus conféré une force juridique additionnelle. Par ailleurs, Laurent Kouou Gbagbo, pour un historien, a la mémoire bien sélective. La CEDEAO à qui il tente de dénier aujourd’hui le droit d’intervenir dans la crise dans son pays, est pourtant partie prenante à tous les accords internationaux depuis Marcoussis en 2003 jusqu’à Ouagadougou en 2007. A ce titre, elle a entériné à partir de 2005 la conservation exceptionnelle du pouvoir par Laurent Gbagbo dont le mandat avait en fait échu en octobre de cette année-là. A en croire le président ivoirien sortant, elle peut lui permettre de rester, mais pas l’obliger à partir. Erreur.

Sans préjudice du verdict que donnera la cour de justice de la CEDEAO, on peut se rendre compte que le Président Laurent Gbagbo tente encore de gagner du temps. Achevé le délai imparti à son panel de Chefs d’Etats par l’Union africaine, il se trouvera de ses partisans pour appeler à attendre le verdict dans cette action en justice avant d’envisager une nouvelle solution. La solution ultime. La solution exécrée. Mais la solution imparable.

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