Personne ne le conteste : les Béninois vivent, en ce moment, le scrutin le plus controversé de leur histoire. La vitalité d’une démocratie, pensent certains, s’apprécie à la tension que celle-ci sait entretenir. Aussi soutiennent-ils que la confrontation des êtres et des choses, au milieu des coups et des cris, est préférable au calme stressant des cimetières.
Le premier tour de l’élection présidentiel, qui a conduit les Béninois aux urnes le 13 mars dernier, réunit les ingrédients d’une élection tam-tam au son discordant, dans une démocratie naguère flamboyante mais qui commence malheureusement à perdre de son lustre. Toutes les étapes de ce scrutin ont enregistré de graves discordances et dissonances. Une vraie cacophonie. Ces diverses étapes rendent compte moins de la vitalité d’une démocratie que de l’évolution tragique d’un mal mortel. En effet, la prolifération anarchique des cellules, détruisant les tissus voisins, n’est pas signe de bonne santé. C’est ce par quoi se diagnostique un cancer.
Nous sommes formels : toutes les étapes de ce scrutin présidentiel ont montré et montrent des failles inquiétantes. C’est à douter de notre capacité à poursuivre, chez nous, la construction d’une démocratie modèle. Il est plus juste de parler d’une marche à reculons sur les sentiers cahoteux d’un avenir sombre et incertain.
La première étape est celle de la mise en place de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) et du vote des lois électorales particulières. Malheureuse partie de pingpong entre le Parlement et la Cour constitutionnelle. L’un s’applique à voter des lois que l’autre s’évertue à casser. Une passe d’armes entre deux institutions de la République. Les causes de cette mésentente cordiale resteront inconnues du bon peuple. Pourtant, c’est en son nom qu’on se bat, qu’on dit défendre les intérêts..
La Lépi, est un gâchis. N’ayons guère peur des mots. Nous l’attendions comme une libération. Mais elle nous a plutôt bouclés à plusieurs tours dans la prison de la fraude, dans le cachot infect des irrégularités. Toutes ces déviances ont la vertu diabolique de transformer nos élections en des exercices ridicules et peu intelligents. C’est ainsi que les saints vont en enfer et que les voyous se retrouvent au paradis. La lépi n’a pas été la solution. Elle se révèle un problème, sinon le problème.
La deuxième grande étape de nos élections est celle relative à la campagne électorale. En lieu et place des catalogues de vœux pieux que les différents candidats, disposés en rang d’oignon, débitent comme des robots, nous aurions préférés la confrontation des projets de société. A présenter, à défendre, à argumenter par les candidats eux-mêmes, sous le feu roulant des questions de journalistes avertis. Il faut appeler ceux-ci à arbitrer de vrais duels sur le sol concrets des idées et des engagements des uns et des autres. Que penser, à côté de ces monologues ennuyeux et fastidieux, de l’action corrosive de l’argent ? On a tôt fait de l’utiliser comme l’ultime argument qui a la force de transformer le citoyen-électeur en une marchandise.
L’élection elle-même et tout ce qui l’entoure jusqu’à la proclamation des résultats constituent la dernière étape du scrutin. Sont en vedette, les organes officiels chargés de conduire le processus électoral jusqu’à son terme. La Commission électorale nationale autonome (Céna) est-elle restée rigoureusement fidèle au serment prêté par ses membres ? Si c’était le cas, nous aurions fait l’économie de l’impasse où se trouve actuellement plongé le pays, suite à la publication des premières tendances. Un président de Céna qui joue en solo. Des membres de l’institution qui conteste et font entendre un autre son de cloche. Tout cela fait désordre.
Il était une fois un pays, le Bénin. L’on estime ce pays intelligent à maints égards. Mais ce pays, à travers ces cadres notamment, affiche des résultats qui démentent l’intelligence supposée de ces derniers. Ici la réalité dépasse la fiction. Nous avons compris, en effet, que l’intelligence peut servir aussi bien le mal que le bien. A voir ce que nous voyons ces jours-ci, au service de qui et de quoi les Béninois mettent-ils leur intelligence ? La question mérite d’être posée.
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