Chaudes alertes et bruits de bottes, dans la folle nuit à la Cena

C’est le cinquième jour, depuis la tombée du rideau sur la présidentielle du dimanche 13 mars dernier. De la journée, le secrétariat de la Cena avait fait inviter les médias accrédités, à sa cérémonie d’annonce des tendances du scrutin. 9h 15, ce vendredi 18 mars 2011. La cour de la Commission électorale nationale Autonome (Cena), du quartier commercial Ganhi à Cotonou, grouille de son petit monde qui s’affairait.

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S’y étaient mêlés des prestataires de service, surpris et cloués sur place par la tournure des événements. Autour de la concession, dans un rayon de 150 mètres, des barrages policiers et militaires en cercles concentriques se signalent à tout visiteur s’y rendant. Avant d’y avoir accès, journalistes et leaders politiques… devraient montrer pattes blanches. Exhibitions de badge, déclinations d’identité, pièce justificative à l’appui, le spectacle auquel on a droit n’a rien d’amusant. Dans une obscurité relative, entretenue par des lampes électriques permettant à peine aux objectifs de cameras de pouvoir saisir la portée des images, des animateurs de la presse nationale et internationale ainsi que du personnel de l’institution allaient et venaient. Les premiers en quête de la moindre source crédible pouvant leur indiquer, ne serait-ce que les grandes tendances du scrutin, les seconds apportant qui, des cantines vides, qui rangeant du matériel électoral, qui de retour d’une course commandée par un responsable hiérarchique. Tous étaient mus dans une orchestration guidée par le sens du service national de faire aboutir le processus électoral.  Au bout d’une demi heure d’attente, les uns commençaient à désespérer, tandis que les autres, à s’impatienter quand, subitement la porte principale de la salle de conférence du siège de la Cena s’entrouvre. Elle laisse s’échapper, en premier, Joseph Gnonlonfoun, reconnaissable à son teint d’albinos, habillé d’un boubou marron brodé et scintillant.

Des organes de presse triés sur le volet

A sa suite, des conseillers de l’institution s’éjectent dehors. D’un cri strident, il y en a un qui lui lance: «Monsieur le président, vous n’allez pas faire ça, puisque nous n’avons pas eu la plénière!», pendant qu’un autre, plus menaçant lâche: «Si vous osez cela, vous en serez seul responsable!». A l’unisson, ils hurlent comme à l’intention des témoins que nous étions: «La plénière n’a pas eu lieu, il n’y a donc pas de résultats à annoncer». On reconnait tour à tour le vice-président, Jérôme Alladayé, les conseillers Dandoga et Issifou-Razacki Amouda. A pas saccadés coordonnés par le cordon sécuritaire formé par ses gardes du corps –une bonne dizaine- qui l’ont bien ceinturé, le président de la Cena rejoint en deux temps trois mouvements, les marches de l’escalier menant à son bureau, distant de la salle de conférence d’une trentaine de mètres. Là, le cortège est bloqué. Rapidement, dans une opération digne des GIS americains,  les gorilles organisent l’exfiltration de Gnonlonfoun qui se retrouve, comme porté sur leurs épaules, à l’étage pour ensuite se retrouver dans le fauteuil douillet qui est le sien depuis le debut de la mission de la Cena, dont il est le président. Forçant le barrage au cri de: «Nous sommes membres de la Cena et nous avons le droit de le suivre», les contestataires montent après moult supplications qui ont fini par payer. Mais sans leur garde de corps.

Sur le parcours musclé, comparable à un exercice rodéo, les flashs de cameras crépitent, et on imagine les micros et autres téléphones portatifs multifonctions ouverts pour immortaliser –en sons et images- la bousculade ainsi que les échanges pas très tendres entre membres de différentes obédiences d’une même institution. On pouvait aussi percevoir des voix de reporters de chaines de radios faire en direct –pour certains- la relation des faits qui rendent compte de leur présence sur le terrain, et pour d’autres faire noter a leur rédaction les points essentiels des derniers instants précédant l’annonce promise par Joseph Gnonlonfoun.

Quelques instants plus tard, un soldat en treillis camouflet jaillit de là-haut et, sans arme, traverse la foule devenue compacte puis en quelques bonds rejoint ses camarades postés de l’autre cote de l’édifice centrale et disparait dans l’obscurité. Personne ne saura ce qu’il est advenu de lui. On sait seulement que, par ses roulades avant, il alerta les siens qui, aussitôt, braquèrent leurs armes en direction du bâtiment abritant le bureau du président Gnonlonfoun. Il y avait la comme une déclaration de guerre mettant aux prises deux armées qui se faisaient face, attendant le signal de leur chef de troupe respectif pour agir.  Des cliquetis de kalachnikovs et d’armes de toutes sortes se font entendre.

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Dans la débandade qui s’ensuit et, pris de panique, une partie de la foule déjà compacte se détache. A la manière de bétails affolés, par suite d’orages annonçant la saison des pluies, certains se rendent à gauche, puis à droit, reviennent sur leurs pas, cherchant désespérément un refuge. De guerre lasse, sans en trouver ils restent prisonniers des échauffourées. Soudain, les ardeurs se calment. Au même moment, une 4×4 rutilante, immatriculée CD (corps diplomatique) vrombit de son moteur. En trombe, elle se dirige vers le portail qui s’ouvre devant elle, lui permettant de disparaitre, par le grand portail, dans le noir enveloppant des lieux. Elle entraine dans son sillage une partie de l’assistance médusée-dont les reporters de votre quotidien- qui a préféré revenir, une fois la sérénité rétablie. Hélas, avant notre retour à la Cena, le président de l’institution chargée de l’organisation des élections avait déjà annoncé des chiffres, presque en catimini, dans son bureau, en présence d’une vingtaine de journalistes d’organes de la presse nationale et internationale triés sur le volet. Vu son admiration pour votre quotidien -l’aveu est de lui- Joseph Gnonlonfoun nous aurait fait l’amitié de nous compter parmi les médias privilégiés ayant eu la primeur de l’information. Mais un seul coup de fil aura suffi pour obtenir les chiffres authentiques communiqués, lesquels ont été aussitôt traites puis balancés sur notre site Internet. Et il fallait mettre le cap sur la rédaction. Il sonnait 21h 30 et Cotonou arborait un calme inhabituel, semblable a celui d’un cimetière ou d’un instant de deuil.  Les gens vaquaient tranquillement à leurs activités. Pourtant, LC2, la chaine de télévision privée diffusait déjà l’annonce par le président de la Cena des tendances provisoires de la présidentielle. C’est à peine que les populations se sont senties concernées par l’histoire qui s’écrit en leur nom. Pas de liesse populaire, ni d’explosion de joie pour marquer l’événement. Le succès du candidat-président qu’on dit avoir gagné les élections haut-la-main et d’un coup K.O devrait passer inaperçu. Seules, des estafettes de la police nationale se faisaient visibles dans leurs tournées pour des rondes de routine. Des leurs, armés jusqu’aux dents, sont également postés aux principaux carrefours de la ville. Dans les gargotes et autres points de restauration, les commentaires sont allés bon train pour s’estomper progressivement, tard dans la nuit.

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