Mali – Qu’un astrophysicien de la trempe de Cheikh Modibo Diarra, l’africain le plus célèbre de la NASA, ait la tête dans les étoiles, cela ne devrait étonner personne. C’est son job. C’est à cela qu’il’ doit d’être devenu célèbre et réputé. Sauf que les étoiles dans lesquelles il engage ses neurones depuis son retour des Etats-Unis d’Amérique, et plus ces derniers jours que jamais, n’ont rien à voir avec Saturne, Jupiter ou Mars. C’est à présent le firmament de la vie politique malienne qui attise les ambitions du Cheikh. Sauf que sur le coup, il me semble bien que Modibo Diarra devra concocter un programme autrement plus élaboré que celui qui lui a permis d’envoyer la première mission exploratoire jamais organisée sur la planète rouge. Un programme et un profil pour convaincre des hommes.
C’est ces derniers jours que Cheikh Modibo Diarra laisse le mieux transparaître, mieux que jamais, les ambitions qui sont les siennes pour l’élection présidentielle prévue au Mali en 2012. Dans cette optique, il a notamment créé son parti politique le dimanche 6 mars 2011 dans une ferveur populaire et une ambiance digne d’un grand show à l’américaine, dont il doit, pour avoir si longtemps vécu aux Etats-Unis, connaître les moindres rouages. La mise en scène en tout cas était haute en couleurs. Et dignement animée. De quoi alimenter les rumeurs sur une éventuelle candidature de l’homme de science lors de la présidentielle prévue en 2012. Rumeurs ? Plutôt certitudes. Il ne fait plus l’ombre d’un doute que Cheikh Modibo Diarra sera candidat. Et rêve donc de présider aux destinées des maliens. Sans doute oublie-t-il ou fait-il volontairement litière de tous les obstacles qui se dressent sur le chemin qui doit le conduire à cette fin. Obstacles tous plus robustes les uns que les autres. Et qui portent des noms.
Cheikh Modibo Diarra est un personnage populaire. Cela ne fait aucun doute. Pour la plupart des Africains, il est même un modèle. Un modèle de réussite dans un univers pour le moins fermé aux gens de sa race, de son origine. Il laisse nourrir l’espoir qu’à force de travail, l’homme noir peut exceller dans des domaines que l’imaginaire populaire interplanétaire pense à tort être le domaine réservé de certaines races et pas d’autres. Rien que pour cela, Cheikh Modibo Diarra mériterait bien d’être appelé à de hautes responsabilités sur le continent. Mais de là à pouvoir compter réellement sur l’échiquier politique d’un pays comme le Mali, le pari n’est pas gagné d’avance. Encore lui faudra-t-il donner les gages d’une connaissance profonde de la société malienne qui a sans doute besoin, après deux décennies de démocratie peu productive en termes de développement, de se lancer sur la voie du progrès économique. Et de ce point de vue, l’absence prolongée du Cheikh de la terre malienne durant de nombreuses années, ne plaide pas forcément en sa faveur.
Par ailleurs, surmonté cet obstacle primaire, le Cheikh va devoir en affronter d’autres qui ne sont autres que les animateurs traditionnels de la vie politique malienne, que son intrusion n’a pas dû remplir d’aise. De Soumaïla Cissé, en qui je vois un DSK malien au vieux briscard Ibrahim Boubacar Kéita, en passant par l’actuel Premier Ministre Modibo Sidibé, Cheikh Modibo Diarra aura fort à faire pour se frayer un chemin jusqu’à la magistrature suprême du Mali qu’il convoite en même temps que ces hommes. En effet, Soumaïla Cissé, candidat malheureux au second tour de la présidentielle en 2002, arrive en 2012, auréolé de son passage à la tête de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) où il a peaufiné sa stature d’homme d’Etat en contact avec les réalités de toute la sous-région et imprégné de l’expérience de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement partenaires. De son côté, Ibrahim Boubacar Kéita peut penser qu’avec l’élection récente d’un Alpha Condé en Guinée, l’issue attendue de la présidentielle au Niger où Mahamadou Issoufou est en passe de se faire élire, son heure, comme celle de ces vieux routiers de la politique est enfin arrivée. On aura l’occasion de vérifier, mais ses chances semblent en tout cas réelles. Quant au premier Ministre Modibo Sidibé en place depuis 2007, il récoltera en partie les lauriers du bilan du Président Amadou Toumani Touré, auquel il saura sans doute ajouter sa personnalité de technocrate attitré.
Modibo Diarra en politique, c’est indubitablement à un autre type de politique que les Maliens sont appelés. S’il leur prenait l’envie de rompre d’avec leur classe politique traditionnelle à qui l’on peut imputer les errements de ces décennies perdues, le Cheikh incarnerait sans ambages la rupture. C’est peut-être le pari qu’il fait aujourd’hui. Et dont la réponse sera pour demain.
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