Bénin – La Cour Constitutionnelle,
VU la Loi n° 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;
VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ;
VU le Décret n° 94-012 du 26 janvier 1994 modifié par le Décret n° 97-274 du 09 juin 1997 portant attributions, organisation et fonctionnement du Secrétariat Général de la Cour Constitutionnelle ;
VU le Décret n° 96-34 du 05 février 1996 portant création, organisation et fonctionnement du Greffe de la Cour Constitutionnelle ;
VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ;
VU la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation de recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée ;
VU la Loi n° 2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin ;
VU la Loi n° 2005-26 du 06 août 2010 portant règles particulières pour l’élection du Président de la
République ;
VU le Décret n° 2011-032 du 10 février 2011 portant convocation du corps électoral pour l’élection du Président de la République ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï le Professeur Théodore HOLO en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Considérant que par requête du 03 mars 2011 enregistrée à son Secrétariat Général à la même date sous le numéro 0530/068/EP, le Président de la Commission Electorale Nationale Autonome saisit la Haute Juridiction d’une « demande de report de date » ;
CONTENU DU RECOURS
Considérant que le requérant expose : « … Par Décret n° 2011-032 du 10 février 2011, le Chef de l’Etat a convoqué le corps électoral pour l’élection du Président de la République pour le dimanche 06 mars 2011.
En prenant ce texte en considération la CENA a établi son calendrier. Ce qui lui a permis d’ouvrir la campagne le 18 février 2011. Mais il se fait qu’à ce jour l’impression de la liste électorale sur laquelle nous avions effectué des observations afin d’obtenir une liste fiable n’est pas totalement terminée.
De plus, la localisation de certains bureaux de vote est encore problématique.
La distribution des cartes d’électeur est grippée dans certaines localités et souffre de beaucoup d’insuffisances dans d’autres.
C’est ainsi que, malgré vos deux correspondances ci-dessus citées en référence, nous n’avons pas pu y répondre par manque d’éléments.
Enfin, du fait de la désignation tardive et maintenant contestée des CEC et CEA, nous n’avons pas pu finir de mettre en place toutes les structures de base qui doivent réceptionner et mettre en place le matériel sensible.
Selon les derniers entretiens avec la Commission Politique de Suspension de la Mission Indépendante de Recensement Electoral National Approfondi, il apparaît que certains redressements des
listes sont encore possibles. » ; qu’il demande en conséquence que la Cour « veuille bien ordonner un report à très bref délai afin de permettre que les derniers réglages puissent intervenir au niveau de toutes les institutions en charge desdites élections. » ;
INSTRUCTION DU RECOURS
Considérant qu’au cours de leur audition le 03 mars 2011, les responsables des deux organes en charge de la réalisation de la liste électorale permanente informatisée ont exprimé le souhait de se voir accorder un délai d’une semaine en vue de régler les problèmes liés à la distribution des cartes d’électeur et à la localisation des bureaux de vote ; que par ailleurs, en réponse à la correspondance de la Cour en date du 03 mars 2011, le Président de la République déclare : « …Je voudrais vous faire observer qu’en ce qui concerne la date du premier tour de l’élection présidentielle, j’ai épuisé mes prérogatives constitutionnelles, puisque le 06 mars 2011 est la date limite pour laquelle j’ai des prérogatives en vertu de l’article 47 alinéa 1er de la Constitution du 11 décembre 1990 qui dispose : ‘’ Le premier tour du scrutin de l’élection du Président de la République a lieu trente jours au moins et quarante jours au plus avant la date d’expiration des pouvoirs du Président en exercice.’’
En conséquence, je m’en rapporte à la sagesse de la Haute Juridiction. » ;
ANALYSE DU RECOURS
Considérant que les articles 46 et 47 de la Constitution disposent respectivement : « La convocation des électeurs est faite par décret pris en Conseil des Ministres » ;
« Le premier tour du scrutin de l’élection du Président de la République a lieu trente jours au moins et quarante jours au plus avant la date d’expiration des pouvoirs du président en exercice.
Le mandat du nouveau Président de la République prend effet pour compter de la date d’expiration du mandat de son prédécesseur. » ; que selon les articles 114 et 117, 2ème tiret de la Constitution : « La Cour Constitutionnelle ….est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics » ;
« La Cour Constitutionnelle ….veille à la régularité de l’élection du Président de la République … » ;
Considérant qu’il découle des dispositions précitées que le mandat du nouveau Président de la République prend effet pour compter de la date d’expiration du mandat de son prédécesseur ; que le Président élu devant prêter serment le 06 avril 2011, ce délai est impératif et conditionne les autres délais ; que par ailleurs, le délai de convocation du corps électoral prévu à l’article 47, à savoir trente jours au moins…avant la date d’expiration des pouvoirs du Président en exercice ainsi que les articles 114 et 117 de la Constitution qui habilitent la Cour Constitutionnelle à, d’une part, réguler le fonctionnement des institutions et l’activité des pouvoirs publics, d’autre part, veiller à la régularité de l’élection du Président de la République, constituent deux normes constitutionnelles à valeur égale ; que bien qu’il n’existe pas de hiérarchie entre ces normes, la Cour est en droit, en sa qualité d’organe régulateur du fonctionnement des institutions, de privilégier dans le cas d’espèce les articles 114 et 117 de la Constitution pour garantir la régularité et l’organisation harmonieuse de l’élection présidentielle par la Commission Electorale Nationale Autonome ;
Considérant que dans le dossier sous examen et conformément aux dispositions de l’article 46 précité, le Président de la République, a, suite à la demande de réajustement de la date de l’élection présidentielle formulée par le Président de la Commission Electorale Nationale Autonome, par Décret n° 2011-32 du 10 février 2011, convoqué le corps électoral aux urnes le 06 mars 2011 pour l’élection présidentielle du Président de la République ;
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier qu’à la date du 03 mars 2011, l’impression de la liste d’émargement des électeurs n’est pas totalement terminée, la localisation de certains bureaux de vote ainsi que la distribution des cartes d’électeur souffrent de beaucoup d’insuffisances ; que par ailleurs, la mise en place du matériel sensible se trouve hypothéquée du fait de la désignation tardive et de la contestation actuelle des membres de certaines Commissions Electorales Communales (CEC) et Commissions Electorales d’Arrondissement (CEA) ; qu’enfin à ce jour, il n’est pas encore procédé à la désignation et à la formation des membres des bureaux de vote ; que le délai entre le 03 mars et le 06 mars 2011 ne permet manifestement pas à la Commission Electorale Nationale Autonome d’accomplir les tâches indispensables pour un scrutin crédible ; qu’en conséquence, il échet pour la Cour conformément à l’article 114 de la Constitution d’autoriser le report de la date de l’élection du Président de la République du 06 mars 2011 au 13 mars 2011 et d’inviter le Chef de l’Etat à convoquer le corps électoral aux urnes pour cette nouvelle date ;
D E C I D E :
Article 1er : – Est autorisé le report de la date du premier tour de l’élection du Président de la République du 06 mars 2011 au 13 mars 2011.
Article 2 :- Le Président de la République est autorisé à convoquer le corps électoral pour le dimanche 13 mars 2011.
Article 3 : – La présente décision sera notifiée à Monsieur le Président de la Commission Electorale Nationale Autonome, à Monsieur le Président de la République, aux candidats à l’élection présidentielle et publiée au Journal Officiel.
Ont siégé à Cotonou, le quatre mars deux mille onze,
Monsieur Robert S. M. DOSSOU Président
Madame Marcelline C. GBEHA AFOUDA Vice-Président
Messieurs Bernard Dossou DEGBOE Membre
Théodore HOLO Membre
Zimé Yérima KORA-YAROU Membre
Madame Clémence YIMBERE DANSOU Membre
Monsieur Jacob ZINSOUNON Membre
Le Rapporteur, Le Président,
Professeur Théodore HOLO.- Robert S. M. DOSSOU.-
Voir les décisions
Décision EP 11-024 (format pdf)
Décision DCC 11-014 (format pdf)
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