La Droite française est aux abois. C’est le règne de la cacophonie. Le triomphe de la confusion. L’empire du charivari. Les élections cantonales sont passées par là. Et plus sûrement le succès annoncé et confirmé de l’extrême droite conduite par sa nouvelle égérie, Marine Le Pen. A un an seulement de la présidentielle, cela a quelque chose d’inquiétant. Pour Nicolas Sarkozy, président de la République française et candidat à sa propre succession. Pour l’Union pour la Majorité présidentielle (UMP), parti majoritaire et dépositaire du projet de société du candidat Sarkozy. Pour la droite, alignée derrière son candidat en rangs dispersés. Et enfin pour la France, écartelée entre ses extrêmes qui se musclent et font parler d’elles.
Marine Le Pen est en passe de réveiller l’extrême droite de la léthargie dans laquelle Nicolas Sarkozy l’a refoulée à l’issue de sa victoire écrasante en mai 2007 sur non seulement la Gauche alors incarnée par Ségolène Royale, mais aussi et surtout le Front national laminé et réduit à sa plus simple expression. Le vieux père Le Pen, Jean Marie avait alors annoncé à cette occurrence que le FN revivrait. Il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’il le fasse. De récents sondages l’annonçaient. Les élections cantonales du dimanche 20 mars sont venues le confirmer. L’extrême droite a repris des couleurs et risque de peser d’un poids massif dans le scrutin de mai 2012 au cours duquel, à en croire les sondages d’opinion, Marine Le Pen a des chances de se retrouver au second tour écartant de fait le candidat de la droite, Nicolas Sarkozy. La faute, pense-t-on à droite à un brouillage du message que porte le parti présidentiel et aux confusions avec le message « laxiste » de la Gauche sur les thèmes chers aux électeurs instables entre droite et extrême droite.
Pour répondre à cette équation complexe, l’UMP, dans le cadre du second tour des élections cantonales prévu dimanche prochain, croyait avoir trouvé la solution idéale. Dans les cantons où le parti est écarté du second tour par suite d’une qualification de l’extrême droite, pas question d’appeler à voter pour le candidat républicain resté en course. En d’autres termes, les électeurs de l’UMP ne seraient pas invités à faire barrage au Front national en votant à gauche. Même si un appel à voter FN reste clairement exclu. L’objectif étant de mettre à mal la conception de plus en plus répandue dans l’extrême droite de l’interchangeabilité entre Parti socialiste et UMP, principaux partis de gouvernement depuis l’avènement de la cinquième République. C’est alors que le tollé nait. Et que les fissures se font jour.
Presque immédiatement après cette annonce par Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, plusieurs leaders de droite se sont désolidarisés. D’abord les traditionnels alliés centristes aujourd’hui réunis autour de Jean-Louis Borloo. Et puis François Fillon, Premier Ministre pourtant, a fait entendre sa différence. Réprimandée et édulcorée depuis, mais différence tout de même. Comme celle qu’ont fait connaître Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement supérieur, Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères, Gérard Larcher, président du Sénat et d’autres membres éminents du parti présidentiel.
Cette réticence signifie tout au moins deux choses et risque d’avoir de lourdes conséquences à droite dans les mois à venir. Premièrement, l’idée de se refuser à appeler à voter à Gauche pour ne pas perdre d’hypothétiques soutiens à droite en 2012 est pour le moins saugrenue. Il est vrai qu’en récupérant les suffrages des électeurs de droite retournés par dépit à l’extrême, Nicolas Sarkozy court moins le risque d’une défaite lors de la présidentielle à venir. Mais tout de même ! Est-ce pour autant qu’il faut prendre le risque de laisser tomber des conseils régionaux dans l’escarcelle d’un parti ouvertement xénophobe comme le Front national ? C’est à croire que si la droite ne parvenait pas au second tour de la présidentielle à venir, elle eût préféré voir la France basculer à son extrême plutôt que de devoir appeler à voter socialiste. Attitude radicalement opposée à celle de Lionel Jospin en 2002 et de ses successeurs actuels à la tête du camp socialiste. Deuxièmement, la brouille née de cette prise de position officielle de l’UMP, traduit une perte de repères et de leadership. Quand les deux têtes de l’Exécutif en viennent publiquement à ne pas accorder leurs points de vue sur une question de cet ordre. Et la conséquence enfin, c’est pour Nicolas Sarkozy un nouveau signe de d’affaiblissement politique et le risque de résurgence des doutes émis dans son propre camp sur ses capacités à conduire l’UMP à une nouvelle victoire.
Dans ce tohu-bohu à droite, c’est évidemment Marine Le Pen qui pavoise. Plutôt que de les ostraciser définitivement, elle et son camp, Nicolas Sarkozy et ses thuriféraires laissent accroire qu’il y a des idées à puiser de leur côté. Comme s’il vaut mieux ressembler à un parti xénophobe qu’à un parti de gauche. Et la France qui glisse à droite. Par la course de la droite aux trousses de l’extrême droite. Le vent tourne !
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