Libye : vers le triomphe de Kadhafi

La victoire de Mouammar Kadhafi est proche. Il n’est pas plus besoin d’être stratège militaire que visionnaire éclairé pour s’en rendre compte. Au train où se déroulent les affrontements sur place, au regard des rapports de force militaires en jeu et en à en juger par le degré de confiance affiché de part et d‘autre de la ligne de front, il semblerait bien que la messe soit dite. Le bain de sang promis par le Guide est en train de « purger » les places fortes de l’insurrection. Bientôt tombera Benghazi. La faute à un agrégat de facteurs dont cette inaction de la communauté internationale dont on ne parvient pas à comprendre les motivations profondes. Mais aurait-il pu en être autrement ? La communauté internationale a abandonné les Libyens à leur sort. Cette opinion est largement partagée en Libye et hors de Libye depuis qu’il commence à se préciser que les forces loyales au Guide libyen sont loin, bien loin d’être aussi désorganisées et aux abois qu’on l’a fait croire aux premières heures de l’insurrection anti-Kadhafi. De fait, après l’effet de surprise, le Guide a fait front et est depuis en train de reprendre laborieusement le terrain perdu. Les « rats » et les « microbes » qui ont osé le défier en auront bientôt pour leur compte.

C’est alors que surgissent une foule de questions. Des questions adressées à la communauté internationale qui n’a pas réussi à s’entendre pour autoriser la mise en place d’une zone d‘exclusion aérienne qui aurait peut-être évité aux villes prises par les rebelles de retomber aussi rapidement et facilement dans l’escarcelle du dirigeant libyen et de son clan au pouvoir depuis 42 ans. Comment expliquer les divisions de cette prétendue communauté internationale sur une question qui engage non seulement la liberté, mais aussi la vie de centaines de milliers, voire de millions d’individus ?

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Comme à l’accoutumée, c’est à l’aune des intérêts et des peurs particularistes qu’il faut analyser la situation. D’abord de ceux qui se sont prononcés d’un bout à l’autre contre la mise en place de la « no fly zone » au-dessus de la Libye. Au premier rang de ceux-ci, les éternelles Russie et Chine, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la politique extérieure tient toujours très ostensiblement compte de leurs intérêts immédiats et lointains. Aux plans politique, économique et militaire. En l’espèce, les contrats dans les domaines pétrolier et gazier avec la Libye de Kadhafi sont bien trop importants aujourd’hui pour que des puissances comme la Chine et la Russie prennent des positions tranchées sans avoir l’assurance que le sort du Guide était militairement scellé. Par ailleurs, les chasseurs Soukoy de l’armée de l’air libyenne sont de fabrication soviétique ; et cela signifie quelque chose. En plus, les peuples susceptibles de se soulever ainsi que le font les Libyens ne manquent ni en Chine (Tibétains, Wighours…), ni en Russie (Tchétchènes, Daghestanais…), et il convient donc de traiter ce type d’insurrection avec minutie et circonspection.

Aux côtés de la Russie et de la Chine, bien involontairement, l’Allemagne et les Etats-Unis d‘Amérique qui, au sein du G8, ont marqué leurs réserves sur la faisabilité de la proposition d’une zone d’interdiction de survol sur le territoire libyen. Cette position, instillée notamment par les professionnels américains de la stratégie militaire, tient compte des risques liés au déploiement inévitable d’une armada plus ou moins conséquente au sol dans l’optique de la réalisation de la « no fly zone ». Pour une armée américaine consciente par empirisme, de la difficulté de tenir des positions dans un pays arabe, même quand on s’y est déployé en armée de libération, les réticences sont compréhensibles. D’autant mieux que tout au début des événements, les insurgés avaient exprimé leur opposition à un déploiement militaire étranger au sol, même en leur faveur. Sans compter par ailleurs que même si la décision était prise d‘instaurer une zone d‘exclusion aérienne, le temps nécessaire à l’opérationnalité de cette mesure aurait sans doute suffi à Kadhafi pour reprendre la main. Quant à l’Allemagne, elle tient sans doute compte des risques militaires, mais aussi comme beaucoup d’autres Etats, des conséquences éventuelles d’une guerre de grande ampleur en Libye dans laquelle seraient impliquées des forces extérieures, notamment des forces allemandes (pourquoi pas ?). Il ne faut pas non plus croire que le besoin de stabiliser les cours du pétrole sur les marchés internationaux est étranger à la décision prise de ne rien décider.

Pour l’heure, la conséquence en est que le Colonel Kadhafi reprend du poil de la bête. Et a beau jeu de se moquer de la diplomatie française, seule à avoir reconnu le Conseil national de transition mis en place par les insurgés, comme unique interlocuteur légitime en Libye. La France qui, dans ce cas de figure, a sans aucun doute commis son troisième impair dans le jugement et les positions adoptées vis-à-vis du « printemps arabe », n’a pas encore guéri de son amateurisme diplomatique de ces derniers mois.

Ce qui se joue en Libye aujourd’hui va au-delà d’une guerre civile ordinaire. C’est tout le sort du printemps arabe qui est suspendu à celui de ces pauvres jeunes insurgés qui contre les chars et les avions du Colonel, n’ont que leurs lance-roquettes, leurs fusils et leur cœur.

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