Bénin – Face à l’enlisement du pays dans la crise politico-électorale, la voix du général Mathieu Kérékou était fortement attendue. L’homme qui incarne encore aux yeux de maints béninois, la paix et de l’unité nationale, a fait hier, dans sa résidence des filaos, une déclaration pour inviter tous les candidats à la retenue. Et même si cette déclaration n’apaise pas pour autant la tension puisque ne proposant rien pour la sortie de crise, elle met fin au moins à la folle rumeur qui le donnait pour mort depuis quelques jours.
Fait rarissime, la crise politique actuelle est parvenue à sortir le général Kérékou de son mutisme. Au lieu de s’en féliciter, on devait s’en inquiéter et reconnaître tout au moins que nous sommes vraiment au bord du gouffre. Les béninois ont pu retrouver hier sur le petit écran, le « brave » homme du 26 octobre 1972, aujourd’hui un vieillard cacochyme à la voix tremblotante qui les a habitués à vivre dans la discrétion et à cultiver le mystère autour de tout. Un homme ambivalent, de grande ruse, qui donne le clignotant à droite et tourne à gauche. Malgré l’âge, il n’a pas perdu de cette ruse et en a donné la preuve hier encore. Il suffit de lire sa déclaration entre les lignes et à tête reposée pour s’en convaincre. Là dessus, on peut faire quelques constats. Premier constat. En affirmant que « le 13 mars le Bénin tournera une nouvelle page de son expérience démocratique en cours … », l’ancien Chef de l’Etat avalise la date du 13 mars contestée par l’Union fait la nation et son candidat et par plusieurs autres acteurs sociaux comme les syndicats et Fors-élections. Deuxième constat. Kérékou invite « les candidats à la magistrature suprême à faire preuve de retenue afin que les élections présidentielles se déroulent dans la paix et le respect des valeurs républicaines ». Si on s’en tient à la réalité, seule l’Un fustige et dénonce les nombreuses irrégularités autour de la Lepi même si les autres candidats ne sont pas restés les bras croisés sur ce cafouillage. Quel candidat apostrophe le général Kérékou si ce n’est celui de l’Un Me Adrien Houngbédji ? Troisième constat. Il affirme que : « le consensus obtenu par les uns et les autres sur la Lepi est salutaire et il importe que toutes parties y adhèrent avec sincérité ». Il est étonnant de voir que le président Kérékou est resté muet sur la violation des résolutions issues de ce consensus par la mouvance présidentielle et les institutions en charge de l’organisation de l’élection en empêchant l’enrôlement de tous les citoyens en âge de voter tel que prévu par la loi N°2011-03. De ces constats, on peut tirer la leçon que Kérékou ne soutient pas l’enrôlement des 1,3 millions de béninois oubliés par la Lepi tronquée de Bako et consorts et privées de droit de vote pendant dix ans. D’ailleurs, il ne propose rien pour leur prise en compte. Et pour un homme qui pense œuvrer pour la paix et l’unité nationale, c’est un véritable paradoxe dans la mesure où plusieurs guerres en Afrique ont trouvé leurs sources dans l’organisation d’élections frauduleuses, non pluralistes. Kérékou ne peut l’ignorer, lui qui a passé près de trente ans au pouvoir et qui a vu beaucoup de guerre civile naître. Bien qu’étant resté subtil et apparemment impartial dans sa déclaration, l’ex-président Kérékou a montré son arrimage pour un camp politique et confirme de facto, des soupçons ventilés depuis des mois dans certains états majors politiques. En conclusion, on peut oser affirmer qu’il n’est pas en mission pour la paix mais plutôt pour une coterie politique pour laquelle l’Un devenait une menace sérieuse. L’alliance Abt ? La mouvance présidentielle ? Ses agissements futurs nous édifieront sur son vrai poulain pour l’élection présidentielle.
Lire la déclaration de Kérékou
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