Pourquoi Yayi Boni a gagné?

Sans coup férir et comme annoncé bien longtemps avant le scrutin proprement dit, Yayi Boni se succède à lui-même pour un nouveau mandat de cinq ans. Le scenario était écrit, bien peaufiné et réalisé par des acteurs chevronnés, triés sur le volet et dirigés de main de maitre par des politiciens professionnels connus de tous. Même le dit knock out au premier tour n’est pas une surprise. Pas plus pour le Béninois lambda que pour les 13 candidats malheureux qui savaient à quelle sauce épicée ils étaient destinés pour le festin final.  Vous avez dit ko ? Oui ! Juste une coquetterie du roi, la cerise sur le gâteau pour faire chic.  Cette victoire révèle aussi et surtout  vérité beaucoup plus simple ; en effet  Yayi Boni ne pouvait pas se permettre le luxe d’un deuxième tour à hauts risques qui pourrait lui être fatal. Autant aller droit au but, déposer les armes et proclamer l’armistice, fut-elle grotesque. On n’est pas à une bourde près.

En fait le candidat déclaré vainqueur est le seul qui pouvait gagner cette élection fort contestable et maintes fois contestées qui avait les allures d’une simple formalité pour l’un, et un parcours de combattants pour les autres. Déjà au niveau des moyens investis par les récipiendaires pour assurer la campagne. J’en connais qui ont raclé le fond des tiroirs pour payer la caution de 15 millions. Et quand tu ajoutes les accessoires et autres grelottes de propagande en sus des jetons de présence à verser séance tenante lors des meetings, tout le monde aura compris qu’une élection présidentielle, c’est d’abord et avant tout une question de finances qui détermine la vérité des urnes.

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Tu as un programme ? C’est bien. De l’argent ? C’est mieux.

Tous les candidats sont unanimes pour reconnaitre le rôle de plus en plus déterminant de l’argent dans l’issue d’une consultation électorale. Dès lors, on ne saurait dire que Yayi Boni a volé sa victoire. Bien au contraire, sa victoire est largement méritée, au regard des énormes moyens financiers engagés dans le combat. De plus, il a sur ses concurrents le privilège d’être aux commandes des affaires de l’état avec le trésor public à portée de main. On ne peut lui reprocher de s’en être servi. Même pas en catimini comme le ferait n’importe quel politicien en conflit avec le père Remords  qui lui balance quelques poussières de scrupules. Le candidat Yayi a mené sa campagne aux frais du contribuable béninois, et ce au vu et au su de tout le monde. On ne peut pas être plus honnête et plus transparent. Quand on dispose d’autant de moyens matériels et financiers, avec en prime la télévision et la radio nationale à sa botte, puis des institutions de la république à ses ordres, on n’a pas le droit de perdre des élections.  A ma connaissance il y a un et un seul cas connu dans le Bénin démocratique où un président au pouvoir a organisé et perdu les élections. Nicéphore Dieudonné Soglo  en 1996. Un de mes confrères français, déçu et affligé par cette défaite inattendue m’avait alors téléphoné en s’exclamant : « Je ne comprends pas qu’un homme aussi intelligent que le président Soglo n’ait pas pu frauder pour gagner les élections ».

Justement. Il est intelligent notre Hercule national ; mais pas rusé. On n’a point besoin d’être intelligent pour faire de la politique. Au contraire. Comme deux précautions valent mieux qu’une,  une Lepi confectionnée sur mesure est venue couronner le processus d’une victoire annoncée qui, en la matière est une véritable orfèvre. De quoi inspirer d’autres chefs d’état africains en quête de bons filons pour réussir leur tour de prestidigitation électorale.  Et les vives protestations de l’opposition n’y pourront rien. Pas plus que la médiation opportune des anciens présidents Zinsou et Soglo. Le candidat Yayi Boni est resté droit dans ses bottes ; et moi je lui tire mon chapeau. A l’annonce de cette victoire combien laborieuse et méritée, certains ont explosé de joie et applaudissent des deux mains. D’autres dépités (on se demande pourquoi) fulminent dans leur coin et ne vont peut-être pas en rester là.  Et moi, membre actif de la minorité agaçante, j’applaudis aussi ; mais seulement d’une main ; je m’incline devant le Roi, fraichement auréolé d’une couronne qu’il ne mérite pas, mais qui lui revient de droit. Oh ! Il n’était pas mon candidat favori, loin s’en faut. Si j’avais pu,su ou voulu voter, il n’aurait pas eu la faveur de mon suffrage ; car j’aurais eu la décence de voter dans le sens de l’intérêt du Bénin et non pour satisfaire l’instinct grégaire de ma « nagotitude » en déperdition. Il n’empêche ! Si, à tort ou à raison, j’ai des doutes sur les retombées positives de ce choix pour le Bénin, je me réjouis d’avance des bourdes présidentielles qui je l’espère seront aussi riches que celles qui ont émaillé le quinquennat finissant.  Après m’être épanché sur cette victoire divine, pour consoler un tant soit peu mes désillusions, il me reste au travers de la gorge, la question qui tue : « Dois-je me résoudre à envoyer une lettre de félicitations au nouveau président de la république » ? Finalement, pourquoi pas ? Puisque votre élection me fournira encore plus de grain à moudre pour faire mon métier. Et la perspective d’occasions de franche rigolade encore pour cinq ans me séduit. Alors, sans grand enthousiasme mais sans rancune, je vous dis : «Félicitations, Monsieur Le président».

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