Si la Cour constitutionnelle proclame encore les résultats définitifs en faveur de Boni Yayi, l’homme aura remporté un scrutin présidentiel qui déchaîne tant de passions dans le pays. Le néophyte en politique ravit ainsi la vedette à une classe politique aux abois. Non sans avoir orchestré toute une stratégie conçue depuis 5 ans pour en arriver à cette victoire.
Tout donnait l’impression au petit matin de ce lundi 21 mars 2010 que les résultats proclamés en milieu de la nuit par la Cour constitutionnelle étaient prévisibles. Chose rare, la population ne s’est pas égayée pour autant. C’était comme si de rien n’était lorsqu’on parcourt les grandes artères de la ville de Cotonou. Même si de sporadiques cris de joie ont été entendus ça et là, l’atmosphère était plus moche. 72 heures avant la Cour constitutionnelle, la Cena avait déjà donné le top d’une victoire historique arrachée par celui-là même qu’on qualifiait d’intrus qui ne connaissait pas la maison. Certains béninois avaient d’ailleurs prédit que Robert Dossou et les autres sages de la Cour constitutionnelle resteraient dans la même lancée. A savoir, confirmer le « K-O » tant vanté par les Yayistes. Chose prévue, chose faite en cette veillée interminable du dimanche 20 mars, où aux environs de 2 heures du matin, la Cour constitutionnelle lâchera son mot. Résultats provisoires, évidemment. Mais la probabilité est forte que les donnes ne changent plus. Et si c’est le cas effectivement, Boni Yayi aura atteint son objectif. Il tenait à renouveler son mandat. Il s’est organisé. Il s’est appliqué. Tant bien que mal. Et il a gagné.
Un politicien atypique
L’histoire de cet homme qui apparaîtra sur la scène nationale, à l’étonnement de tous, s’enrichit ainsi avec une nouvelle victoire à la présidentielle 2011, après son mémorable score de 75% en 2006. Tant il est vrai que personne n’avait misé sur lui quand le combat électoral de 2006 s’approchait. Une fois au pouvoir, l’homme s’est encore mis très tôt à la tâche. A peine, a-t-il démarré son premier mandat que Boni Yayi s’est lancé sur le terrain. D’aucuns ont tôt fait de l’accuser d’être en campagne électorale précoce, mais l’homme s’en émouvait presque. Bien au contraire. Plus on lui faisait ces reproches, plus il s’y enfonçait. Toujours prêt à descendre dans la moindre localité pour la moindre activité, des va-et-vient incessants entre la présidence et les nombreux chantiers entamés à travers tout le pays. Le Président marathonien ne se lassait guère de ses multiples visites dans le Bénin profond, le septentrion, notamment, pour y rencontrer tout le monde, tendre la main à tout le monde, s’asseoir à la même table que tout le monde. En partageant à plusieurs reprises, le même repas avec les célèbres conducteurs de Taxi-motos, « Zémidjan », des dockers du Port de Cotonou et autres couches de la basse classe, Boni Yayi a agit dans les cœurs, a touché en bien la sensibilité des uns et des autres. Son image commençait ainsi à se graver dans tous les esprits, au point de ne pas être entièrement écornée par les scandales financiers collés à son premier mandat. Mais il n’était pas seul dans le jeu. Presque tout son gouvernement a été mis à contribution pour proclamer partout où besoin sera, la « bonne nouvelle » qu’apporte l’apôtre du changement aux Béninois. L’occasion était d’ailleurs la meilleure quand certaines mesures comme la gratuité des frais de scolarité dans le primaire ou de la césarienne seront prises. Mais il a y mieux qui faisait encore jaser les partisans de Yayi : les micro-crédits aux plus pauvres. Impensable pour ces milliers de femmes qui peinaient à trouver 5000 F pour démarrer un petit commerce. Elles ont désormais la possibilité de prêter jusqu’à 30.000 FCfa avec Yayi et la remboursent avec des conditions encore plus faciles. La lune de miel entre Yayi et ces milliers de femmes béninoises naquit ainsi dans l’allégresse et dans une euphorie générale. Les incessants meetings, déclarations publiques, foras et autres manifestations auxquelles, elles sont régulièrement conviées, moyennant quelques billets de banque, et des tissus gratuits à porter, ne feront que renforcer les sentiments de gratitude que nourrit la grande majorité de la gent féminine béninoise à l’égard de Yayi.
La Lépi et la ruse de Yayi
La Liste électorale permanente informatisée (Lépi) n’a fondamentalement n’a pas déjoué le plan de Yayi. Elle l’a plutôt agrémenté. Parce que justement, la guéguerre qu’elle a suscitée au sein de la classe politique a été profitable au Président candidat. Pour avoir voté cette loi en 1998 et exigé depuis lors qu’elle soit appliquée à toutes les élections futures, l’Assemblée nationale ne pouvait plus la combattre encore, dût-elle constituée d’opposants aussi farouches que redoutables. Les ping-pongs observés autour de cette question entre le parlement et la Cour constitutionnelle, ont fini par échouer dans le camp des 7 sages qui ont décidé que la Lépi sera bel et bien au rendez-vous des élections de 2011. Reste alors sa mise en œuvre. Une autre guéguerre politico-politicienne s’ouvre. Les premiers dysfonctionnements notés aiguiseront la colère des opposants qui y verront des manœuvres du camp Yayi, visant à tailler une Lépi sur mesure. Les contestations qui en résulteront ont été tellement nombreuses, que certains Béninois n’y croyaient plus. Mais pas tous. Les sbires de Boni Yayi n’étaient pas dans la même logique. Comme s’ils étaient convaincus que cette Lépi sera forcément utilisée pour ces élections, ils se sont déployés à grand renfort de publicité sur le terrain. Ils avaient leurs cibles à eux et les sensibilisaient indéfiniment sur la nécessité de se faire inscrire, de se faire recenser, de se faire enrôler et de prendre au finish sa carte d’électeur. Avec sans doute des consignes de vote accompagnées des prébendes appropriées. Selon plusieurs sources, des églises évangéliques reparties dans tout le Bénin ont été les plus sollicitées dans ce sens, ainsi que les milliers de femmes bénéficiaires de micro-crédits aux plus pauvres. Yayi aiguisait ainsi progressivement son arme avec laquelle, il finira par abattre d’un seul coup tous ses adversaires.
Des reports bénéfiques
Vinrent les élections proprement dites. L’homme renouera plus que jamais avec le terrain au cours la longue campagne électorale. Les deux reports du scrutin lui ont été bénéfiques sans doute, pendant que les autres candidats s’acharnaient toujours autour des avatars de la Lépi et ses milliers d’exclus. Les tournées quotidiennes du candidat Yayi à travers tout le Bénin à bord de son hélicoptère n’ont pas manqué de le rendre encore plus populaire. Si certains continuaient cependant à jurer sur la victoire de l’Union fait la Nation à cette présidentielle, beaucoup de Béninois commençaient déjà à s’inquiéter de la possibilité de l’homme de Tchaourou à rafler une bonne partie de la mise. De gros moyens auraient été utilisés dans son camp. L’on parle même de fortes sommes d’argent déversées dans tout le pays. Et ici, l’une des grandes rumeurs au cœur des dénonciations actuelles, est de taille. Une rumeur selon laquelle des milliers de femmes seraient allées dans l’isoloir avec des bulletins cachetés à l’avance, qu’elles ont substitués aux autres bulletins pris sur les lieux de vote. Et ceci, contre des billets de banque allant de 10.000 F à 20.000 F qu’elles auraient reçus, une fois le vote achevé. Elle reste toujours une rumeur, car personne n’a encore apporté une preuve palpable à ce jour. Toujours est-il, que si cela a été fait, les résultats annoncés jusque-là ne seraient pas autres, dans un pays où la misère est toujours ambiante. Des médias joueront également leur partition dans la « victoire prévue » de Yayi. Dès le lendemain de ce premier tour, ils crieront le « K-o » dans leurs organes respectifs, avec à l’appui des chiffres qu’on dit généraux et globaux. 58%, 55%, 55%, la belle note attribuée à Yayi a varié mais reste toujours dans la logique du « K-o », quand bien même la Cena n’avait pas encore reçu la moindre cantine en provenance de la moindre localité du Bénin. La polémique autour de cette victoire « prépayée » s’enlisera et finira par être réelle avec la Cena, elle-même qui ne dira plus le contraire. Elle évoque 53% que confirmera la Cour constitutionnelle, 48 heures après. Tout un scénario pour faire avaler la pilule du «K-O » aux Béninois et laisser croire qu’il ne saurait jamais en être autrement. Jamais, selon Marcel de Souza et tout le reste des Yayistes. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu les résultats avant de commencer à préparer l’investiture du 06 avril, car dès lendemain du vote, la confection des tenues spéciales à porter ce jour, avec une grande photo de Yayi serait déjà lancée. Question pour finir : Le «K-O» de Yayi serait-il réellement une volonté du peuple ou une volonté personnelle? Dans tous les cas, il y a travaillé assidûment durant tout son mandat
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