Discours d’investiture : Yayi a fait économie de vérité

Lors de la cérémonie de son investiture, le mercredi 06 avril 2011, l’ancien et nouveau Président de la République, le Docteur Thomas Boni Yayi, a délivré au peuple béninois et à la communauté internationale, une allocution qui résume les grands défis de son deuxième quinquennat. Autant cette allocution séduit par son relent fédérateur autant elle laisse un arrière goût d’inachevé quant à l’expression de certains engagements.

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Pour la circonstance, le ton s’est voulu courtois, apaisant et modeste. En témoignent les nombreux remerciements et flatteries qui ont ponctué les propos du Chef de l’Etat. Humble, Yayi Boni n’a pas voulu s’arroger à lui tout seul et à son seul camp politique la jouissance de sa victoire historique et croit devoir y associer tous les Béninois quel que soit leur bord.  Voilà pourquoi il assimile les résultats de l’élection présidentielle de mars 2011 proclamés par la Cour Constitutionnelle au triomphe de tout le peuple béninois.

 

Dans sa quête délibérée d’humilité et de conciliation, l’allocution du Président de la République caresse dans le sens du poil les personnalités, forces politiques et sociales et institutions dont le rôle dans l’organisation des élections lui a paru important. C’est dans ce cadre que s’inscrit entre autres les hommages ostentatoirement rendues à ses «aînés, les Présidents Emile Derlin Zinsou, Mathieu Kérékou et Nicéphore Dieudonné Soglo, références incontestables de l’histoire de notre République dont la sagesse et la clairvoyance méritent respect et admiration». Dans le même souci, il adresse un «salut fraternel à tous les autres candidats à la Présidentielle de mars 2011». Là, il fait montre d’ouverture en leur reconnaissant le mérite de lui avoir donné une idée plus large de la «vision qui doit conduire notre nation à l’unité nationale, à la paix et au développement».

On peut bien ajouter, pour illustrer cette ardeur à l’apaisement, les mots tendres adressés aux Aïnonvis, quoique absents en grande partie au stade Charles de Gaulle, dont la cité vue par Yayi Boni est «toujours ouverte, accueillante et fraternelle».

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Les expressions oubliées et les formules approximatives

Ces salamalecs gratifiants et valorisants n’empêchent pas pour autant le peuple averti de remarquer le sous emploi avéré du répertoire lexical habituel.  Tenez, le mot «émergent» n’a pas été prononcé une seule fois ce 06 avril 2011. L’on se rappelle que dans son discours d’investiture du 06 avril 2006, Yayi Boni projetait déjà le Bénin dans «une place de choix au sein des nations émergentes». Nous savons que par la suite et tout au long du premier quinquennat, ce vocable fétiche et son corollaire de «croissance accélérée» devaient servir de parure à tous les discours officiels donnant ainsi lieu à une littérature abondante. Pourquoi ne pas s’interroger aujourd’hui s’il ne figure point dans l’énonciation de la vision de ce quinquennat ?

Le mot «changement» lui-même, le maître mot du premier quinquennat n’a été utilisé que pour restituer le contexte dans lequel il fallait le placer en 2006. En substance le Président dit à son peuple : «Si vous voulez changer l’avenir, changez vous-même». Cette phrase résonne autrement aujourd’hui et rappelle à bien des égards ce que disait le Général Président : «Si vous êtes prêt, je suis prêt» et qui a donné lieu à diverses interprétations. Ceci est une nuance capitale de l’idéologie du changement. Le peuple n’a pas affaire à un leader qui évalue les objectifs à atteindre, balise le chemin et déploie des stratégies propres pour y conduire son groupe, son peuple. Il s’agit tout au plus d’un dirigeant qui se contente d’encadrer son peuple et de coordonner ses actions dans la contemplation de son état. N’apparait-il donc pas clair que le changement ne sera jamais impulsé par la tête ? Mais que la tête ne le soutiendra que lorsque le corps l’aura décidé ?

Le peuple reste également sur sa faim dans l’expression de l’engagement du Chef de l’Etat à rembourser les spoliés de ICC Services et consorts. L’engagement contenu dans le discours d’investiture est aussi vieux que l’éclatement de l’affaire ICC services elle-même. Il a été remis à jour au cours de la campagne électorale. Ce n’est donc pas une nouveauté. Par contre, ce que les Béninois auraient souhaité entendre à cette occasion solennelle du 06 avril dernier, c’est la réponse à cette interrogation : Quand exactement et dans quelle mesure le Gouvernement leur rendra justice ? Doit-on renouveler sans cesse un engagement de principe sans jamais poser des actes conséquents ? La cession des biens meubles et immeubles saisis et les actifs bancaires des sociétés en cause suffiront-ils à procéder au remboursement intégral des épargnants ? Si oui pourquoi l’Etat n’agit-il pas ? Pourquoi ne programme-t-il pas le remboursement effectif ?

Enfin, Yayi Boni promet une nouvelle application du principe de l’égalité entre l’homme et la femme par la mise en œuvre d’une parité absolue dans les fonctions électives. Oui, là il parle bien de fonction élective. Pour celles nominatives, le Chef de l’Etat a omis de dire aux Béninois pourquoi il n’a toujours pas formé un gouvernement composé de 30% de femmes alors qu’il s’apprête à leur faire imposer une parité absolue dans les élections.

Reconnaissons pour finir que ce discours a également péché dans son absence d’engagement à respecter et protéger les libertés démocratiques. Aujourd’hui où les organisations syndicales, les partis politiques et la société civile dénoncent sans désemparer les dérives démocratiques, aujourd’hui où la voix favorable au maître devient la seule à recevoir le bon à diffuser sur les médias publics, où les marches de protestations sont interdites et matées dans le sang, la seule réponse de Yayi Boni dans son discours d’investiture est de veiller particulièrement au climat de paix et de sécurité.

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