Législatives : une campagne piégée

Bénin – Une campagne de cimetière. C’est le constat qu’on peut dresser avec la campagne en cours des prochaines  législatives. Les portraits géants de candidats ? Cela peut se compter sur les doigts d’une main. Des caravanes, allant et venant dans la cité, dans un déferlement assourdissant de décibels ? C’est plutôt rare. Tout se passe comme si les candidats s’étaient passé le mot pour passer inaperçus. Il leur est ainsi loisible de traverser la foule de leurs électeurs potentiels comme des fantômes qui s’évanouissent dans les ténèbres de la nuit.

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De mémoire de Béninois, jamais campagne électorale n’aura été aussi terne, aussi triste. Comme si le cœur n’y était pas. Comme si les condiments nécessaires à l’animation d’une campagne digne de ce nom faisaient défaut.  A moins que le calme actuellement observé ne soit annonciateur d’un raz de marée de fin de campagne, les principaux acteurs préférant faire économie de munitions et réserver leur artillerie lourde pour les dernières heures de la confrontation.

 

Quelles que soient les raisons avancées ici ou les intentions affichées là, il reste que la morosité dans laquelle baigne la campagne en cours, tient à des facteurs déterminés. Les uns et les autres s’additionnent  pour finir de nous convaincre qu’une place est à faire à cette campagne, dans l’histoire politique de notre pays. C’est, en effet, l’une des campagnes les plus tristes que nous ayons jamais  connue au Bénin.

On reconnaîtra que l’élection présidentielle qui a précédé les législatives a volé la vedette à ces dernières. La présidentielle est un scrutin national. Elle se cristallise autour d’une poignée de candidats, véritables vedettes pour la circonstance qui sollicitent les suffrages de leurs compatriotes  sur toute l’étendue du territoire national.

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Bien qu’étant, aux termes de la Constitution (Article 80), le  représentant de la nation toute entière, le député n’est pas moins  l’élu d’une circonscription électorale. Ce qui a une incidence directe sur la nature, la forme et le style de la campagne des législatives. Une campagne de proximité, avant tout. Elle ne peut avoir ni la brillance ni le clinquant d’une fête foraine, comme c’est souvent le cas avec l’élection présidentielle.

Un autre facteur tient au fait que nombre de candidats aux élections législatives ont eu à engloutir une part notable de leur trésor de guerre  dans la campagne de la présidentielle. C’était le prix à payer pour se faire avantageusement positionner sur les diverses listes électorales. Il fallait, en effet, démontrer sa force de frappe et montrer sa capacité de mobilisation. Beaucoup de candidats sont sortis de l’épreuve financièrement aplatis.

Enfin, l’enthousiasme a déserté la campagne en cours. Parce que, en dehors du KO du premier tour qui a laissé plus d’un groggy, les perspectives sont loin d’être heureuses pour la plupart des exclus de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Ceux-ci rêvaient de connaître un sort meilleur ou de voir leur condition s’améliorer par rapport à l’élection présidentielle. Certains n’ont jamais pu s’inscrire. Nombre de ceux qui étaient inscrits ont dû suer sang et eau avant de rentrer en possession de leur carte d’électeur. D’autres, enfin, ont pu voter par dérogation. Sans qu’ils soient sûrs, à tort ou à raison, que leurs suffrages aient vraiment compté.

Enfin, comme l’on ne vote pas encore pour des idées dans notre cher et beau pays, font encore défaut les grands forums de discussion, les débats et échanges à coups d’arguments entre candidats, entre candidats et citoyens, entre candidats et représentants de la presse. Les slogans tiennent encore lieu de programme et de profession de foi.

Silence, on vote ! Le citoyen qui n’a compris rien à rien, aura le député qu’il mérite. Le député qui sera élu dans ces conditions, siègera dans le Parlement qu’il mérite. Et le bon peuple qu’on vient déranger tous les quatre ans verra ses intérêts défendus, au cours de la prochaine législature, par les députés qu’il mérite. Si nous estimons que nous nous en sortons ainsi à bon compte, alors, tenons le compte pour bon. Mais tenons-le surtout pour dit, avec les Bambara du Mali :  « La course folle du feu s’arrête au marigot » ?

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