Misère des pauvres ! Misère de l’Afrique ! Misère de nous ! Misère ! Misère parce que, si vous aviez encore le moindre doute là-dessus, vous pouvez maintenant vous en faire une religion : nous comptons pour du beurre. Nous les pauvres, quelle que soit notre origine géographique ou sociale. Et avec nous, le continent identifié, peinturluré, perpétuellement présenté comme le plus pauvre et celui des pauvres hères : l’Afrique. Vous vous demandez sans doute les motivations de cet accès de fièvre dans la violence du verbe ?! Je vais vous le dire. Tornades aux Etats-Unis d’Amérique, une petite dépêche et c’est annoncé. Tout juste aura-t-on pris le temps de rappeler que cette série de catastrophes naturelles rappelle les sombres jours de l’ouragan Katrina qui a frappé le pays en 2003. Répressions barbares en Syrie, on en a assez parlé ces temps derniers. Dire rapidement les villes touchées et le nombre de morts, il sera toujours temps d’y revenir dans quelques jours. Le Hamas et le Fatah se sont réconciliés et ça ne plaît pas à tout le monde ; c’est fâcheux, pour une nouvelle, c’en est une. Mais demain, on y reviendra. Règlements de comptes à Abidjan et mort d’IB ; ah, ces Africains ! Ils ne s’en lassent plus de passer en boucle. Un ou deux mots et on les expédie aux oubliettes. Aujourd’hui, nous sommes le 29 avril 2011 et il y a d’autres priorités. Il y a une autre priorité. Le « mariage du siècle ». L’union sacrée de Kate Middleton et du Prince William, héritier de la couronne britannique.
C’est tout ? Diriez-vous. Eh bien, moi aussi. C’est tout ? Me suis-je demandé. Est-ce bien tout pour que la presse internationale toute entière se mobilise dans les proportions que nous voyons, au point de négliger et de reléguer au second plan les événements éminemment plus importants qui engagent le sort de centaines, voire de milliers de personnes ? Pour que des droits de retransmission astronomiques aient été versés ? Pour que deux milliards de téléspectateurs se pressent devant leur petit ou grand écran ? Ce mariage, décidément, me pose problème. Non pas seulement par l’engouement médiatique qu’il suscite. Cela, je n’en prendrai que peu ombrage. La presse aura, d’ici quelques jours, retourné ses projecteurs sur d’autres crises et frivolités du monde. Quoique cette fiévreuse disposition envers Buckingham Palace où rien d’important, à mon sens ne se déroule, dérange à bien des égards. Et pas seulement moi. Mais passons.
Si le mariage de Kate et William d’Angleterre me pose autant problème, c’est aussi et surtout en raison de son coût. 105 millions d’euros à peu près, soit environ 70 milliards de francs CFA. 70 milliards pour célébrer un mariage auquel sont conviés 1900 personnes triées sur le volet. 70 milliards. L’équivalent à peu de choses près du budget annuel consacré par le Bénin à soigner des maladies telles que le sida, la malaria, la tuberculose et tous les autres pépins d’ordre sanitaire. L’effort de 365 jours au service du bien-être de 8 millions de Béninois va s’évaporer en l’espace d’une cérémonie nuptiale à laquelle n’ont finalement intérêt que les deux tourtereaux. Qui, soit dit en passant, ont prévu dans les moindres détails, les éventualités de leur future vie de couple, notamment lequel des deux aurait la garde des enfants en cas de divorce. Oui, en cas de divorce. Car le Prince William et sa dulcinée n’entendent pas se voir liés définitivement sans possibilité de rupture simplement parce que leur union aurait coûté la rondelette somme de 105 millions d’euros dont la majeure partie au contribuable britannique, et par ricochet africain. Vous connaissez très bien les circuits occultes par lesquels nos maigres ressources finissent toujours par atterrir dans les caisses de nos anciens colonisateurs.
Bien sûr, dans l’indignation que suscite cette situation chez moi je n’oublie pas le fait que tous les jours que Dieu fait, les Occidentaux engagent des sommes autrement plus importantes dans des futilités et des vanités du même ordre. Il se fait seulement que, dans une situation de timide reprise économique internationale, de difficultés immenses pour les pays les moins avancés, de crise du sens et de crise des valeurs, le battage médiatique qui ajoute à l’ostentation des festivités a pour moi quelque chose d’infect. Je n’en souhaite pas moins bonheur et sérénité au couple le plus médiatique de l’année.
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