PRESIDENTIELLES AU NIGERIA: des élections plus libres et plus transparentes ?

L’élection présidentielle  de cette année 2011 dans la République fédérale du Nigéria sera-telle  plus libre et plus transparente que celle qui a porté au pouvoir le regretté président Umaru Yar’Adua, quatre ans plus tôt? Telle était l’épineuse question qui trottait dans la tête de tous les observateurs de la vie politique du «géant de l’Afrique» ainsi qu’on présente le Nigeria dans les médias et autres dépliants touristiques- à la veille de cette échéance  capitale de  la vie de ce pays considéré en tout cas comme le plus important de la sous- région ouest-africaine. C’est de la bouche de Comlan Dumor, l’envoyé spécial  d’origine ghanéenne de la chaîne britannique, BBC World Service, au Nigeria que la question a été clairement formulée sur le mode humoristique, vendredi dernier, au  cours du journal télévisé de 20 heures de cette chaîne internationale. Et le journaliste de répondre toujours sur le ton de l’amusement qu’au regard de ce qui s’est passé, il y a quatre ans «this present election will  be freer and fairer but not definitively free and fair». Ce qui signifie, selon lui, que «ces élections seront certainement plus libres et plus transparentes que celles d’il y a quatre ans, mais elles ne seront ni libres ni  transparentes, au regard des standards internationaux. Le journaliste ghanéen résumait probablement le sentiment général de certains observateurs qui ne pensaient pas que le Nigeria, de par les énormes défis à surmonter dans cette période cruciale  était capable d’organiser des élections démocratiques non entachées de graves irrégularités. Les informations livrées par la presse  au lendemain des élections législatives de ces derniers jours sur des explosions de bombes à Maiduguri et dans d’autres Etats ont conforté les sceptiques dans leurs prévisions pessimistes tout en contribuant à vicier l’atmosphère à  la veille du scrutin.

Oiseaux de mauvais augure

Eh bien! Les prévisions de tous les Cassandre se sont révélées fausses sinon largement  exagérées, au regard du bon déroulement du scrutin de ce samedi 16 mars. Certes, il y a eu des explosions de bombe, le jour du vote, dans la lointaine ville de Maiduguri, située dans l’extrême nord est et à Kaduna. Mais ces explosions  n’ont pas causé trop de dégâts (quelques blessés légers). Et leurs auteurs, à en croire la presse locale ont été rapidement appréhendés. Partout, le déploiement massif des forces de sécurité publique ont rassuré les populations qui sont sorties en masse, comme pour défier les poseurs de bombe et les éventuels fauteurs de troubles. Il n’y a donc pas de doute qu’au vu de tout ce qui s’est passé le jour du scrutin sur la quasi-totalité de l’immense fédération du Nigeria, ce samedi 16 mars sera considéré comme un grand tournant dans l’évolution politique de ce pays, huit fois plus grand que le Bénin et deux fois plus que la France. Car, le scrutin de cette année n’a rien, absolument rien à voir avec celui d’il y a quatre ans. On se souvient qu’il y a quatre ans,   au sommet de l’Union africaine  à Addis Abeba, le défunt président Yar ‘Adua  avait subi les quolibets de son homologue kenyan, Moi Kibaki, lorsqu’il avait osé critiquer les conditions calamiteuses dans lesquelles s’était déroulé le scrutin présidentiel de ce pays. Kibaki  avait poliment appelé son homologue nigérian à balayer devant sa porte. On se souvient, en effet, que le Nigeria, alors dirigé par le général Olusegun Obasanjo,  avait frôlé le chaos au cours de ce scrutin qui est resté dans les mémoires comme l’un des plus mal organisés et des plus chaotiques de tout le continent. Les morts se comptaient par centaines, au rythme des attentats et autres assassinats fomentés parfois au grand jour avant, pendant et après le scrutin.

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C’est dans la confusion totale que Umaru Yar’Adua, chouchou du président sortant a été déclaré vainqueur, au grand dam des candidats les plus sérieux d’alors comme le général Buhari et l’ex vice- président Atiku Abubakar, le prétendant le plus crédible qui avait été purement et simplement écarté, pour avoir osé s’opposer au désir du même Obasanjo de modifier la constitution pour solliciter un troisième mandat .

Des électeurs patients et disciplinés pour un scrutin plutôt calme et transparent

Samedi dernier, ce sont de longues files d’électeurs très déterminés et patients qui se sont empressés, dès le lever du jour, dans la quasi-totalité des  bureaux de vote sur l’ensemble du territoire de la fédération nigériane. Rien à envier au scrutin  présidentiel de la Côte d’Ivoire, du Niger -l’affluence exceptée- et surtout du Bénin qui  a laissé dans l’opinion de notre pays et d’ ailleurs dans la sous région, un arrière goût d’inachevé, sur fond de soupçons de fraudes massives. Dans la région septentrionale du pays que notre équipe d’observateurs a sillonné, toute la journée de  ce fameux samedi 16 avril, ce spectacle n’a pas varié. Déjà dans le journal télévisé de la mi-journée de la NTA, la télévision nationale -qui couvre  l’ensemble du territoire avec son vaste réseau de stations locales et de correspondants régionaux- les mêmes images de foules bigarrées défilaient d’une localité à l’autre.  Dans la capitale de l’Etat de Birni Kebby, non loin de la frontière de l’extrême nord-est du Benin, peuplée majoritairement des populations d’ethnie Haoussa, les femmes s’alignaient d’un côté et les hommes de l’autre. Les vieilles femmes aux pieds nus, toutes voilées comme les jeunes femmes, sont restées de longues heures debout sous le soleil impitoyable du Sahel jusqu’aux dernières heures de l’après midi, attendant patiemment de mettre leur bulletin dans l’urne.  Les hommes de leur côté, vêtus de grands boubous devisaient entre eux sans adresser un seul mot à leurs partenaires d’en face. Le vote s’est déroulé sans aucune pression et le dépouillement a eu lieu sur place, en présence des représentants-appelés ici party agents -des partis politiques les plus influents. Et à l’heure du dépouillement qui a eu lieu aux premières heures de la nuit, de petits  groupes électrogènes pétaradants ont été allumés pour éclairer les dernières opérations du vote. Dès la fin du scrutin, les premiers résultats ont commencé à être rendus publics.

Les principaux candidats

20 candidats se présentent à la magistrature suprême de la République fédérale du Nigéria Cependant quatre personnalités émergent du lot. Ce sont Gooluck Ebele Jonathan, président du parti au pouvoir, le People democratic Party (PDP)

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L’ancien putschiste et général à la retraite, Muhammadu Buhari, président du  Congress for Progressive Change (CPC)

L’ancien patron de la toute puissante commission de moralisation de la vie publique, Mallam Nuhu Ribadu, président du ACN (Action Congress of Nigeria)

Le gouverneur de l’Etat de Kano, Mallam Ibrahim Shekarau

Comprendre le processus du vote au Nigeria

Le processus du vote au Nigeria est foncièrement différent de celui observé dans les pays de la sous-région ouest-africaine francophone où l’électeur vote immédiatement après avoir présenté sa carte d’électeur. Ici, au Nigeria, le processus du vote se décompose en trois étapes limitées dans le temps: la phase dite d’accréditation qui commence à 08 heures et se termine à midi: l’électeur se présente avec sa carte d’électeur et se fait accréditer, une  étape qui consiste à présenter sa carte d’électeur, pour faire vérifier son nom sur la liste électorale, après quoi, on lui marque le pouce gauche ou l’index à l’encre indélébile.

Deuxième étape  de 12 heures à 12h30: on procède au décompte des électeurs présents

Troisième étape qui va de 12h30 à 16h: c’est le vote proprement dit. L’électeur présente sa carte d’électeur à nouveau, vote et se fait marquer à l’encre indélébile sur le pouce droit

Quatrième étape : l’ouverture de l’urne et décompte des votes

Ce système de vote que nous avons pu admirer en 1999 aux élections présidentielles qui ont consacré le retour au pouvoir d’Olusegun Obasanjo a montré aujourd’hui ses limites.  Lorsque les électeurs se présentent au compte goutte, comme en 1999, au début du processus démocratique nigérian, il n’y a eu aucun problème. L’électeur qui se présente tôt au bureau de vote se fait accréditer très rapidement et peut même aller vaquer à ses occupations avant de revenir à midi pour les étapes suivantes. Cependant, lorsqu’il y a affluence comme c’était le cas, samedi dernier, les agents des bureaux  de vote sont vite dépassés et l’accréditation qui dure plus longtemps que prévu se prolonge au-delà de l’heure légale. Ce qui a le malheur de prolonger les opérations de vote, jusque tard dans la nuit . Certains électeurs fatigués de rester au soleil se découragent et ne reviennent plus. Or, si l’accréditation se faisait en même temps que le vote,  le temps qu’on perdrait en séparant les étapes suffirait largement à faire voter tous les électeurs, même s’ils dépassent le nombre de 1000, comme au Nigéria.

Comment le président sera élu?

La Constitution de la république fédérale du Nigeria a été amendée au début de cette année 2011. Avant cet amendement, il suffisait d’avoir la majorité de 50% des électeurs pour se faire déclarer vainqueur dès le premier tour. Aujourd’hui, pour être déclaré vainqueur dès le premierntour, il faut non seulement recueillir la majorité des suffrages exprimés mais totaliser au moins 25% des suffrages exprimés dans au moins 2/3 des Etats. Comme le Nigeria compte 36 Etats, il faut recueillir ces 2/3 dans 24 Etats plus l’Etat de la capitale fédérale, Abuja. Cet amendement rend extrêmement difficile sinon impossible  de  faire élire un  président de la République qui n’aurait là recueilli la majorité des voix que dans une seule région du pays, fût-elle, la plus vaste et la plus peuplée.

(depuis Lagos, Kano, Sokoto et Kebby)

(depuis Lagos, Kano, Sokoto et Kebby) (depuis Lagos, Kano, Sokoto et Kebby)

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