Quinquennat 2006-2011: La descente aux enfers et la trame du K.O. de Yayi

L’élection présidentielle du 13 mars 2011 a été préparée minutieusement pendant cinq ans. Le jour même où commençait son premier mandat, Boni Yayi s’est lancé en campagne électorale pour en assurer le renouvellement cinq ans plus tard. Son succès en 2006 était un pur effet du hasard. Il avait gagné par défaut. Il ne voulait pas qu’il en soit encore ainsi en 2011 et il s’est mis immédiatement à la tâche sans jamais s’accorder une minute de répit. Tout y est passé: un populisme plat pour endormir le peuple et une dictature implacable pour prévenir toute opposition réelle. De l’espoir commun d’un monde meilleur à la chute collective

Boni Yayi a été élu en 2006 avec 75% des suffrages exprimés. Pendant un an, toutes les formations de la classe politique nationale se voulaient membres de sa majorité et il a bénéficié du soutien de toutes les centrales syndicales et de toute la société civile. C’était l’élu du changement, le Président envoyé par Dieu pour réaliser toutes les aspirations des Béninois. Pendant un an, on a chanté les miracles imaginaires du nouveau régime tout en diabolisant sans retenue l’ancien régime dont il ne se trouvait aucun acteur pour le soutenir.

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Le Bénin a porté au pouvoir un illustre inconnu dont il a fait un dieu et qui l’a précipité en enfer.

Surpris par sa victoire en 2006, Boni Yayi a tiré immédiatement les leçons de la façon dont Kérékou avait été trahi par les siens au soir de son second mandat et a opté pour une politique permanente de clarification de son entourage et de consolidation de son audience auprès des populations. Il avait dans son collimateur les formations de l’ancienne classe politique dont le soutien au second tour lui avait permis de passer de 35% à 75% des suffrages exprimés. Il devait  écarter ces formations de la majorité présidentielle pour les empêcher d’aligner en 2011 des candidats susceptibles de compliquer sa réélection automatique. Pendant deux ans, de 2006 à 2008, Boni Yayi s’est acharné contre ces formations politiques dont il a jeté arbitrairement certains dirigeants en prison et soumis quotidiennement tous les autres aux insultes, aux humiliations, à l’exclusion et à la répression. Il tenté de restaurer la dictature pour étouffer l’opposition et il a appliqué en même temps une politique populiste de banalisation de la fonction présidentielle pour préparer les électeurs à voter sous le coup de l’émotion et contre la raison.

Pour rempiler en 2011, Boni Yayi a caressé pendant cinq ans un plan machiavélique qu’il n’a pas hésité à mettre en œuvre méthodiquement jusqu’à la proclamation définitive par la Cour constitutionnelle de sa victoire par K.O. au premier tour du scrutin. Cette victoire proclamée par la Cour constitutionnelle a ramené le Bénin plus de vingt ans en arrière et renforcé les menaces de troubles sociaux et de soulèvements armés qui pesaient sur le pays. Le Bénin est redevenu une république bananière autocratique et tous les démocrates patriotes appellent le peuple à la résistance.

En cinq ans, Boni Yayi a liquidé tous les acquis de la Conférence nationale et confisqué toutes las libertés démocratiques individuelles et collectives. Il a embrigadé toutes les institutions de contre-pouvoir et se livre impunément à la violation de la constitution.

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Pendant cinq ans, il a affecté abusivement toutes les ressources de l’Etat dans des manœuvres d’achat de la conscience de ses concitoyens et de destruction de ses adversaires.

Aujourd’hui, la Cour constitutionnelle a proclamé sa victoire mais les autres candidats rejettent ce verdict et l’un d’eux, Maître Adrien Houngbédji, le candidat unique de l’Union fait la Nation, s’est proclamé à son tour vainqueur de la compétition. Depuis lors, des milliers de personnes prennent d’assaut les rues de Cotonou et de Porto-Novo pour protester pacifiquement contre le résultat proclamé par la Cour constitutionnelle. La police charge sans sommation en faisant usage de gaz lacrymogène et en tabassant sauvagement les manifestants. Des dizaines de personnes sont blessées et des dizaines d’autres arrêtées et déférées devant les tribunaux des flagrants délits.

La Cour constitutionnelle a proclamé Boni Yayi vainqueur d’une compétition qu’il a organisée et qui s’est révélée cafouilleuse et entachée de massives irrégularités et de fraudes massives constatées par exploits d’huissiers.

Boni Yayi est proclamé vainqueur dès le premier tour alors que son équipe a globalement échoué sur tous les plans et se trouve éclaboussée par mille et un scandales politico-financiers.  Pendant cinq ans le travail des membres du gouvernement s’est limité à parcourir les villes et les campagnes, les montagnes et les vallées, les champs, les cases, les écoles, les usines et les lieux de culte pour y conditionner les populations en chantant les bienfaits du Président-candidat et en distribuant gratuitement des billets de banque tous azimuts.

La campagne électorale de Boni Yayi a duré cinq ans et la Lépi (Liste électorale permanente informatisée) a amélioré les enseignements que le candidat avait tirés des élections législatives en 2007 et des élections communales et locales en 2008 qu’il considérait comme un test de l’élection présidentielle de 2011 qui le préoccupait.

La tragique expérience des élections de 2007 et 2008

Boni Yayi s’est engagé à gagner les élections de 2007 et de 2008 pour être sûr de gagner l’élection présidentielle de 2011. En 2007 et en 2008, il était convaincu qu’il suffisait de contrôler la Céna et la Cour constitutionnelle pour gagner les élections et il avait tenté par tous moyens, mais sans succès, d’imposer un membre de l’alliance Fcbe à la tête de la Céna. C’est ainsi que le président de la Céna 2007 avait été illégalement évincé et que le  scrutin avait été reporté in extremis pour permettre aux candidats Fcbe de battre campagne sous le couvert des activités administratives du gouvernement pendant que leurs concurrents n’avaient pas le droit de se rapprocher des électeurs.

Un an plus tard, l’élection de plusieurs conseillers communaux locaux de l’opposition régulièrement proclamée par la Céna conformément à la loi avait été illégalement rejetée par le Président de la République qui n’avait pas permis aux candidats élus de prendre service. Cette violation fragrante de la loi n’avait suscité à l’époque aucune protestation de l’opposition pendant que le camp présidentiel en effervescence s’agitait, occupait les médias, bloquait l’accès aux mairies et en arrivait à perpétrer des agressions physiques contre les adversaires de ses candidats. Les partis politiques de l’opposition se taisaient et la société civile, si prompte en d’autres temps à dénoncer tous les manquements à l’éthique démocratique, observait un mutisme assourdissant. La presse dans sa majorité refusait  de prendre des risques et se contentait de compter les coups assenés à l’opposition.

Le Président Boni Yayi avait poussé le bouchon de l’illégalité aussi loin en 2007 et en 2008 alors qu’il n’était pas lui-même candidat à un poste électoral. Il était normal qu’il aille encore plus loin en mars 2011 quand il s’agissait de l’élection présidentielle à laquelle il était candidat avec la ferme détermination formée depuis cinq ans de remporter impérativement ce scrutin.

Les différents moyens du fameux K.O. de Boni Yayi au premier tour de l’élection présidentielle

Le mandat du Président Boni Yayi du 6 avril 2006 au 5 avril 2011 est marqué par une série d’actions négatives qui ont mis le Bénin à genoux. En effet, le Président s’est livré pendant tout son mandat:

a. à éclater sa propre majorité pour en écarter ses partisans qu’il soupçonnait de nourrir comme lui l’ambition d’être candidats à la présidentielle en 2011 ou dont les formations politiques avaient la capacité de présenter leurs propres candidats ;

b. à appliquer la logique exclusive de la confrontation et de la guerre dans les relations du pouvoir avec l’opposition;

c. à restaurer l’autocratie et la dictature pour étouffer ceux qu’il avait poussés dans l’opposition malgré eux;

d. à instaurer un climat de suspicion, de délation, de confrontation, de frustrations et de violences gratuites au sein de la classe politique nationale pour déstabiliser l’opposition;

e. à mettre en œuvre la propagande systématique du régime;

f. à généraliser et à renforcer le culte de la personnalité animé par les médias d’Etat et par une presse privée aux ordres;

g. à occuper physiquement le terrain et tous les médias pendant cinq ans en ayant partout à la bouche la promesse de la réalisation de centaines d’infrastructures socio administratives et à la main des liasses impressionnantes de billets de banque destinées à l’achat des consciences des Béninois;

h. à imposer à tous les ministres et à tous les hauts fonctionnaires de l’Etat le devoir de résider plusieurs jours dans leur lieu de naissance où ils l’ont présenté pendant cinq ans comme un homme simple, humble et modeste, sensible et attachant, honnête et travailleur, toujours à l’écoute de son peuple. Les représentants résidents du Président distribuaient partout des billets de banque à leurs auditeurs pour étayer leurs propos;

i. à répéter inlassablement son attachement à la paix, à l’unité nationale, à la concorde et à la démocratie pendant qu’il appliquait une politique basée sur le régionalisme, la division, l’exclusion, le favoritisme et la dictature;

j. à embrigader toutes les institutions de la république et en particulier la Cour Suprême, la Cour constitutionnelle, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication et le Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome;

k. à ruiner l’économie nationale et les finances publiques comme le prouvent la chute de la production du coton, la chute du taux de croissance de l’économie, l’aggravation de la pauvreté et les nombreux scandales politico-financiers tels que l’affaire Cen-sad, Icc-services et consorts, engins agricoles, Sbee, avion présidentiel, Dangnivo pour ne citer que ces affaires;

l. à lancer l’Inspection générale d’Etat et l’administration des impôts à la trousse des opérateurs du secteur public et du secteur privé en guise de représailles ou pour les obliger à intégrer les rangs de la majorité présidentielle.

Après avoir tenté pendant cinq ans d’étouffer l’opposition, Boni Yayi a imposé l’utilisation à l’élection présidentielle d’une Lépi non consensuelle, illisible, partisane, truquée et inachevée qui laissait en rade plus d’un million d’électeurs sans permettre de connaitre le nombre exact des électeurs inscrits. A cause de la Lépi, certains électeurs régulièrement enrôlés ont obtenu plusieurs cartes d’électeurs quand d’autres n’en avaient pas obtenu du tout. Des bureaux de votes fictifs ont été créés par centaines et l’exécutif s’est substitué à la Céna pour organiser le scrutin dans certaines localités. Enfin la Lépi a favorisé des milliers de votes multiples et le vote des mineurs.

Ne parlons pas des bulletins pré estampillés. Ni de la distribution publique de nombreux dons en espèces et en nature aux électeurs assurée par les représentants du Président-candidat jusque dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Ni du Président-candidat Boni Yayi lui-même qui avait choisi la période officielle de la campagne électorale pour se lancer avec frénésie partout dans le pays dans l’organisation de cérémonies de pose de premières pierres et dans des cérémonies d’inaugurations de tous genres en invitant ouvertement sur le site les populations bénéficiaires à voter pour lui.

Mais cela n’a pas suffi. Malgré tant d’abus, le pouvoir s’est cru obligé de se livrer, à la suite du scrutin, au tripatouillage des procès-verbaux et des cantines et à la livraison de cantines arrivées à la Céna hors délai et non cadenassées.

Les conséquences de la proclamation de la victoire de Boni Yayi par la Cour constitutionnelle

Les mêmes causes ont toujours les mêmes effets. Les Béninois, édifiés par la décision scandaleuse de la haute juridiction constitutionnelle d’un pays voisin, savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir quant au verdict de l’élection présidentielle du 13 mars 2011 au Bénin. Et ils ne se sont pas trompés. La Cour constitutionnelle est restée la cour des miracles du pouvoir exécutif comme elle l’est depuis son installation en 2008.

Mais voilà que l’opposition, qui n’a pas cessé jusque là de subir sans réagir de nombreuses frustrations du fait de l’obsession électorale du Président Boni Yayi, a rejeté la proclamation définitive de la Cour constitutionnelle et lancé un appel solennel à la résistance. Fermement soutenue par le peuple, elle ne donne aucun signe de faiblesse ou de résignation et proclame sa ferme détermination à conduire et gagner le combat pour restaurer les libertés. Aujourd’hui, une importante partie de la presse écrite, les syndicats et la société civile (moins les confessions religieuses) mènent le même combat à ses côtés.

Déjà le 22 octobre 2010, les centrales syndicales, certains partis de l’opposition et la société civile avaient créé le Front de défense de la démocratie (Fdd) dont l’objectif est de s’opposer désormais par tous les moyens :

1. à toutes les décisions tendant à liquider ou à retreindre l’une quelconque des libertés publiques et en particulier la liberté de la presse, la liberté d’aller et venir et la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation,

2. à toutes les formes du pouvoir autocratique,

3. à l’adoption systématique des lois de la république par ordonnance,

4. aux injonctions qui obligent l’Assemblée nationale à faire promulguer des lois contraires aux lois que la majorité absolue des députés a délibérées et adoptées,

5. à toutes les décisions tendant à interdire ou à limiter le droit d’accès de l’opposition et des organisations de la société civile aux médias d’Etat et leur droit à organiser librement des manifestations publiques,

6. à toute tendance à sortir la grande artillerie et des bataillons de gendarmes et de policiers pour briser les manifestations publiques de l’opposition et/ou des organisations de la société civile.

Boni Yayi est coincé depuis longtemps mais la Cour constitutionnelle vient de le placer une fois encore au-dessus de toutes les contingences en lui conférant les pouvoirs constitutionnels quasi monarchiques qui lui ont fait oublier de 2006 à ce jour que les Béninois n’accepteront plus jamais le fait accompli de la dictature de retour. Rien ni personne n’obligera plus jamais le peuple béninois à se taire pour ne pas se faire massacrer. Le peuple béninois a conquis la liberté au terme d’une longue lutte de plusieurs décennies et il préservera cette liberté quoi qu’il puisse lui en coûter.

Le Fdd doit vaincre l’arbitraire et s’opposer aux dérives autocratiques

Les partis politiques de la majorité présidentielle et de l’opposition, la presse, les syndicats et toutes les organisations de la société civile doivent se mobiliser au sein du Fdd pour barrer définitivement la voie au totalitarisme de retour. Boni Yayi a conduit le Bénin et la démocratie dans l’impasse et poussé les institutions de la république à montrer leurs limites. Ayons le courage de poser les fondations d’une nouvelle république fondée sur une constitution mieux pensée pour garantir une démocratie nouvelle obligeant le Président de la république:

à respecter scrupuleusement la constitution, la loi et l’opposition;

à tendre loyalement la main à tous les Béninois sans aucune intention de piéger qui que ce soit ou d’affaiblir telle formation politique;

à garantir l’accès égal de la majorité présidentielle et de l’opposition aux fonctions publiques et aux marchés publics;

à ne harceler personne pour ses opinions, ses convictions ou son appartenance politique ou religieuse;

à rester à l’écoute de ses adversaires autant que de ses partisans;

à dialoguer avec les partenaires sociaux de l’Etat dans un grand esprit d’ouverture pour préserver la paix et promouvoir la justice et le développement ;

à consacrer son autorité et les ressources de l’Etat à la satisfaction des intérêts de tous les Béninois quelles que soient leurs régions d’origine, leurs religions et leurs bords;

à ne jamais légiférer à la place de l’Assemblée nationale par voie d’ordonnance ;

– à garantir à tous les acteurs sociaux et politiques nationaux le libre accès égal aux médias publics et la jouissance libre et égale de toutes les libertés fondamentales sans distinction de religion, de région d’origine, de sexe et d’appartenance politique ;

– à mettre à la disposition des ministres compétents, des préfets et des forces de sécurité publique tous les moyens humains, financiers et matériels dont ils peuvent avoir besoin pour assurer la jouissance sans restriction de toutes les libertés fondamentales par tous les citoyens.

La préservation de la paix, le renforcement de la démocratie et le progrès économique ne doivent pas rester dans les seules mains du Président de la république. Le peuple doit s’impliquer  activement et exercer directement la souveraineté nationale quand cela s’impose.

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