Syrie-Libye : deux poids, deux mesures… à contrecœur

La vie d’un syrien ne vaut pas celle d’un libyen. La liberté de l’un ne vaut pas non plus celle de l’autre. Depuis que la responsabilité de protéger les civils s’est érigée en notion sacro-sainte des relations internationales et plus spécifiquement du droit international, avec mise en œuvre pratique en Libye et dans une moindre mesure en Côte d’Ivoire, les plus optimistes des défenseurs des droits de l’homme nourrissaient l’espoir que la reculade ne serait plus permise. Un espoir vain. Le printemps arabe se gèle. La faute à une sanglante répression orchestrée en Algérie, au Yémen et plus encore en Syrie. Sans que la « communauté internationale » n’ait encore jugé utile d’intervenir. A moins d’en être empêchée par des goulots d’étranglement en son propre sein. Noués de ses propres mains.

La « communauté internationale ». Ce conglomérat de nations puissantes qui agit au gré d’intérêts qui sont presque exclusivement les siens, et accessoirement ceux des peuples au nom de qui il prétend agir. On l’a vue à la manœuvre dans le dossier libyen. Elle a voté une résolution. 1973. Ou alors elle l’a laissée voter. Les plus intéressés de ses membres dans ce dossier se démènent pour sa mise en application. En en forçant un peu l’interprétation. Les autres ronchonnent et laissent faire. Ils attendent que le besoin de leur abstention ou de leur vote positif au Conseil de Sécurité des Nations unies se fasse encore jour. Et alors, ils vont savourer leur revanche. Pour deux d’entre eux, Chine et Russie, un petit « non », et c’est la paralysie. En langage technique, on appelle cette prérogative le « veto ». Pour les autres, Brésil, Afrique du Sud, Nigeria, Gabon, etc., le vote négatif fragiliserait une éventuelle résolution. C’est peut-être la faute à ces grognons si la Syrie peut aujourd’hui mater brutalement son « printemps » sans se soucier de sanctions internationales coordonnées. N’eut été Barack Hussein Obama qui envisage des mesures politiques et économiques contre les autorités à divers niveaux de la Syrie. Sans plus.

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Il faut admettre qu’en l’espèce, le Président Bachar al-Assad, a soigneusement choisi les moyens d’action de son maintien au pouvoir. D’abord, comme bien de ses prédécesseurs confrontés aux colères de la rue, il a accusé des capitales occidentales et d’autres d’être à la source des soulèvements. D’habitude, cela ne dissuade pas la communauté internationale d’agir. Mais l’intervention armée en Libye met tout de même en évidence des accointances et des instigateurs bien étrangers à la Libye. Ensuite, Bachar al-Assad a associé à sa politique de répression policière du début une série de concessions plus ou moins importantes sur le papier, même si au plan pratique, leur mise en application laisse à désirer. Et un pouvoir qui fait des concessions ostensibles a tout de même le droit de rejeter toute interférence ans ses affaires intérieures. Principe là aussi sacro-saint du droit international. Enfin, le gouvernement syrien a choisi la voie du sang. Mater dans la violence les poches de contestation afin de mettre fin à l’insurrection.

Dans de telles circonstances, en s’en tenant au cas emblématique du Colonel Kadhafi en Libye, il serait nécessaire que le Conseil de Sécurité de l’ONU se penche de toute urgence et examine le problème. Surtout quand on sait que la Syrie n’est revenue en grâce auprès des Grands de ce monde que récemment, après avoir été accusé de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, et traité comme un véritable Etat voyou tant par l’américain George W. Bush que par le français Jacques Chirac. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, une résolution du type 1973 devrait être votée pour minimiser, par le recours à la force si nécessaire, la souffrance des populations civiles véritablement désarmées, plus ici désarmées qu’en Libye, soumises au feu nourri des forces armées syriennes. Le problème, c’est que rien de cette sorte ne semble poindre à l’horizon. Pour deux raisons au moins.

Premièrement, à en juger par l’usage élastique que les pays occidentaux et leurs alliés ont fait et font de la résolution sur la Libye, il est peu plausible que des pays comme la Chine et la Russie donnent encore une fois leur accord à l’ouverture d’un nouveau front militaire de cette nature par le vote d’une nouvelle résolution. D’autant plus qu’aucun Etat ou organisation du monde arabe n’a réclamé une intervention de la communauté internationale jusque-là. Deuxièmement, l’enlisement et la détérioration de la situation en Libye sont de nature à convaincre les plus farouches partisans de la fameuse responsabilité de protéger d’y réfléchir par deux fois avant de s’engager dans une nouvelle aventure militaire contre un pays souverain doté surtout d’une armée supposée puissante, nationaliste et déterminée.

En attendant, Bachar al-Assad et son clan peuvent rasséréner leur assise sur l’Etat, conforter leur pouvoir et annihiler toute forme d’opposition. Le moment y est propice. L’unique recours du peuple restant sa ferme volonté de se débarrasser de ses dictateurs. Au prix fort. Au prix de sacrifices extrêmes. Au prix de milliers de blessés et de morts. Les Syriens y semblent prêts. Mais qui saura les y aider maintenant ? Qui ?

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