Côte d’Ivoire : Paul Yao Ndré au service perpétuel du plus fort

J’espère qu’il aura l’élégance, après cela, de démissionner ! Il a fait la honte de l’institution constitutionnelle en Afrique durant plus de quatre mois. Il a ostensiblement mis le Conseil constitutionnel au service de celui qui détenait les leviers du pouvoir. Paul Yao Ndré est en passe de récidiver. Par une habile pirouette que les hommes de droit savent presque toujours trouver. Ça passe parce que la plupart des gens le voient d’un bon œil. Mais quand même ! « Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements des hommes vous rendront blanc ou noir. » J’ai coutume de penser, à la lecture de ce type de sentence, de maximes ou de proverbes d’auteurs comme Lamartine, Voltaire, La Rochefoucauld ou en l’espèce La Fontaine, que tout a déjà été écrit. En termes de dictons, proverbes ou pensées justes. Il ne reste à notre génération qu’à s’abreuver. Et apprendre. Face à l’attitude de Paul Yao Ndré, je me convaincs, si cela était encore nécessaire, de la justesse de ma pensée.

Après avoir proclamé élu président de la République de Côte d’Ivoire son ami Laurent Koudou Gbagbo à l’issue du second tour organisé le 28 novembre dernier, le Président du Conseil constitutionnel ivoirien se prépare à déclarer que c’est désormais Alassane Drama Ouattara qui l’a emporté. Entre les deux proclamations, un fait tangible : l’«élu» de Yao Ndré est celui qui exerce déjà le pouvoir. De là à penser que le Conseil constitutionnel ivoirien n’a qu’un rôle superflu, de validation d’acquis fondés sur la force, il n’est qu’un doigt, que j’écrase allègrement. Paul Yao Ndré et ses pairs du conseil constitutionnel font du folklore. Certainement à la demande du camp du vainqueur et sur la recommandation de ceux qu’on a appelé les « elders » en visite récente à Abidjan ou de leurs mandants, ONU et Union africaine.

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Il y a sans aucun doute une fonction utile dans l’acte que s’en va poser le conseil constitutionnel. Il va définitivement priver d’arguments ceux qui, sur la base de la proclamation des résultats en décembre 2010, continuaient de considérer que le véritable président de la Côte d’Ivoire, c’est toujours Laurent Gbagbo. A commencer par l’intéressé lui-même et son irréductible épouse. Ensuite, il aura pour fonction de confirmer les résultats sortis des urnes et validés comme tel par les observateurs des Nations unies. Ces résultats qui donnaient Alassane Ouattara vainqueur, et dont l’invalidation en partie par le Conseil, aura fini par changer la donne. Désormais, Alassane Ouattara pourra se prévaloir d’être Chef de l’Etat de Côte d’Ivoire, non seulement en fait, mais aussi en droit. Une cérémonie officielle d’investiture devant le même Conseil constitutionnel étant annoncée.

Néanmoins, il ne me semble pas superflu de relever le burlesque de la situation. Comment comprendre qu’en l’espace de quelques mois, les « Sages », un nom bien mal donné, du Conseil constitutionnel ivoirien puissent proclamer vainqueurs deux candidats différents à la même élection présidentielle ? Pour le coup, l’argument annoncé consiste à se fonder sur les travaux du groupe d’Expert du Panel de l’Union africaine qui, durant près d’un mois, a travaillé sur les résultats et fini par admettre la victoire de l’actuel président. Le caractère supérieur de normes internationales sur les textes nationaux devant servir à corroborer le retour en arrière. Comme si l’irrévocabilité des décisions du Conseil constitutionnel peut être remise en question aussi banalement.

Loin de moi l’idée de contester à Alassane Ouattara le droit d’entourer de toutes les garanties légales un pouvoir qu’il a conquis au forceps. Mais à force de réaliser ce genre d’arrangements avec la légalité constitutionnelle, le nouveau président ivoirien marche dans les plates-bandes de son prédécesseur, qui a démontré à la face du monde son emprise sur les institutions de la République, notamment le fameux Conseil constitutionnel. Gbagbo pouvait ordonner, et Yao Ndré exécutait. Désormais, c’est Ouattara qui ordonne. Et le Conseil accomplit. Les rôles n’ont pas changé. Seulement les hommes. Si cette situation satisfait bien de gens, surtout les partisans d’Alassane Ouattara, elle n’en est pas moins illégale. Elle ne balise pas de la meilleure des façons la voie du retour à la normalité en terre ivoirienne. Sans doute sommes-nous encore dans le temps des accommodements spectaculaires post-conflit.

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Quant à Paul Yao Ndré, s’il lui reste un peu de dignité, il devrait, après la prestation de serment du 21 mai à Yamoussoukro, donner purement et simplement sa démission. Car, plus jamais dans la tête des Ivoiriens et nulle part ailleurs dans le monde, son nom ne pourra plus être associé à une décision de justice équitable. C’est ainsi que les cadres africains grillent leur honorabilité et celle de leurs pairs. Après, il se trouvera des gens pour trouver que c’est une cause que ces gens-là défendaient. Une cause pseudo-nationaliste pour une Afrique qui n’en demande pas. Pas ces défenseurs-là !

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