Elections présidentielles en Afrique : la pandémie du K.O.

Alerte ! Alerte ! Un nouveau « mal » s’abat sur l’Afrique. Une épidémie d’un type nouveau se propage sur le continent africain. A chaque siècle, son mal ; à chaque décennie, sa spécificité. Le malheureux continent reste le terrain ‘expérimentation de toutes les sordides trouvailles de ses hommes politiques férocement accrochés à un pouvoir qui pourtant les rejette. La dernière semble être inoculée aux processus électoraux en cours. Les tenants en sont similaires, les aboutissants semblables. De la corne à la pointe sud de l’Afrique, d’Est en Ouest, la victoire des sortants au premier tour des élections présidentielles laisse un arrière-goût d’inachevé. Centrafrique, Burkina Faso, Bénin, Nigeria, Ouganda, Djibouti, Tchad. Et bientôt ailleurs. Le constat est le même. Les élections présidentielles ont perdu leur suspense. Il ne fait plus bon se présenter à une élection en Afrique quand on n’est pas au pouvoir. A moins d’avoir quelques milliards de francs CFA à gaspiller ou d’être le faire-valoir d’un candidat assuré de sa réélection. Autrement dit, l’allure que la plupart des élections présidentielles ont prise ces derniers mois est d’une nature hautement suspecte pour les esprits retors. Et pour cause.

Scientifiquement, il est malaisé de démontrer que la série de victoires au premier tour lors des récents scrutins présidentiels en Afrique au sud du Sahara n’est pas le fait du hasard le plus complet. Chaque élection est en effet pour chaque pays un cas sui generis dont l’observation minutieuse révèle les caractères propres ayant dans une certaine mesure contribué à la victoire du candidat, président sortant, lors du premier tour de vote. Au Bénin par exemple, les réalisations du Président Boni Yayi, son populisme et sa propension à demander pardon pour un oui ou pour un non, ont pesé d’un poids énorme dans une balance électorale sur la seconde tablette de laquelle l’opposition a voulu mettre en exergue les nombreux scandales économiques et la gouvernance approximative qui ont caractérisé tout le premier mandat. Au surplus, la tendance régionaliste du front d’opposition a renforcé le président sortant dans son fief traditionnel du Nord tandis que ses partisans lui ont assuré un grignotage en règle dans bon nombre de bastions de  l’opposition ancrée dans le sud du pays.

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Dans un autre pays comme le Tchad, l’absence de transparence dénoncée par l’opposition dans la confection du fichier électoral a convaincu les principaux challengers habituels du président Idriss Deby Itno de se tenir à l’écart de ce qu’ils ont appelé une mascarade électorale. Tandis qu’au Nigeria, la victoire nette de Jonathan Goodluck n’a pas laissé sceptique que son adversaire et les partisans zélés de ce dernier. Sans compter que le bilan pour le moins mitigé d’un François Bozizé ne laissait pas entrevoir en toute quiétude une réélection au premier tour.

Il n’en demeure pas moins qu’il y a de quoi, à y regarder avec des yeux inquisiteurs et fourbes, se demander si les chefs d’Etat africains, après l’inflation des élections truquées au moyen de bourrages d’urnes, après les révisions opportunistes de la constitution aux fins de conserver le pouvoir d’Etat, après les éliminations politico-militaires de toute forme d’opposition, n’ont pas enfin trouvé un moyen subtil d’arriver à leurs fins sans paraître violer les règles élémentaires du jeu démocratique.

On eut dit que c’est désormais le fichier électoral qui sert les causes inavouées. Il y a d’ailleurs de quoi. Il comporte les noms de ceux qui doivent et de ceux qui peuvent voter. Pour peu que les dirigeants en aient la maîtrise, le tour est forcément joué. Plus question de se trémousser les méninges et de déverser des centaines de millions de francs CFA dans un électorat dont on connait la réalité de l’aversion et de la versatilité. Il y a peut-être aussi un autre élément sans lequel le nouveau moyen de réélection systématique serait inopérant : les juges constitutionnels chargés de donner l’onction suprême aux élus. Sans doute ne sont-ils pas tous à manger dans la même soupe, mais quand même !

Dans les circonstances actuelles, il serait peut-être mieux pour les dirigeants soucieux de se faire réélire d’y parvenir seulement à l’issue d’un second tour âprement disputé. Pour éloigner ce vent de suspicion qui souffle irrémédiablement sur les « K.O. premier tour » de plus en plus nombreux. Mais bof. A quoi bon ? Quelle que puissent être les circonstances de l’élection ou surtout de la réélection d’un Chef d’Etat africain par ces temps derniers, il se trouvera toujours des gens tant dans son pays, qu’en dehors, pour suspecter ce scrutin de manque de transparence. Le monde est ainsi fait, on ne peut plaire à tout le monde.

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