L’action politique : amateur, s’abstenir !

Impitoyable champ d’expérience que la politique. Au fur et à mesure que se délimite clairement l’espace de la chose publique, que se précisent les tâches dévolues aux différents acteurs et que s’imposent à tous les qualités et les capacités requises pour espérer y faire de vieux os, on en vient à reconnaître que la politique n’est pas un dîner de gala. L’action politique est d’une exceptionnelle complexité. Amateur, s’abstenir !  Que celui qui n’en connaît pas les implications et les enjeux aille voir ailleurs. N’est-il pas plus sage, plus raisonnable de ne pas tenter le diable quand on ignore tout des feux de l’enfer ?

Pour dire, d’un mot, que la politique, en termes de conquête et de conservation du pouvoir, est de moins en moins un jeu d’enfants. Elle est de plus en plus un exercice hautement professionnel qui exige d’être un professionnel accompli, une personne de métier rompue aux exigences de la politique.

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Les élections législatives qui viennent de se tenir, nous ont permis de suivre de plus près trois catégories de citoyens : les femmes, les artistes-créateurs, les journalistes. Pour s’être présentés à ces élections en amateurs, les uns et les autres ont lamentablement mordu la poussière. Ils ont été, pour la plupart, systématiquement lessivés et laminés.

D’abord les femmes. Elles interviennent sur un terrain où, jusqu’ici, seuls les hommes ont  voix au chapitre. Bonne l’intention de secouer le cocotier. Juste celle de faire évoluer les règles du jeu. Correcte celle aussi de s’attaquer à la suprématie pesante et envahissante des hommes. Les femmes ne  représentent-elles pas 52 % de la population totale de notre pays ? Pourquoi et au nom de quoi se laisseraient-elles voler la vedette par les hommes, s’agissant de leur représentativité dans  les sphères de décision,  partout où s’édifie la nation ?

L’argumentaire est juste. Mais les femmes qui le portent dans l’arène politique, pêchent, pour la plupart, par leur inorganisation. Elles pêchent surtout par leur amateurisme. Pourquoi une femme projetterait-elle sur une autre femme qui, elle, ose s’avancer au devant de la scène son propre  complexe d’infériorité ?  C’est ce qui fait dire à certains qu’en politique, dans notre pays, la pire ennemie de la femme, c’est  la femme elle-même. En se torpillant ainsi, les femmes, déjà handicapées par tant de pesanteurs et de préjugés, s’affaiblissent davantage. Comment, dans ces conditions, peuvent-elles compter, s’affirmer, se positionner avantageusement dans l’arène politique ?

Des artistes, le temps d’une élection, ont voulu oublier leurs ateliers et remiser leurs instruments de musique. Qu’est-ce qui peut pousser un créateur à choisir de s’éloigner des espaces calmes où souffle l’esprit pour aller se commettre dans le vacarme des meetings politiques ? Il a peut-être estimé, de bonne foi et pour la bonne cause, puisqu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même,  que l’artiste-créateur doit se doubler  du parlementaire. La complicité de l’un avec l’autre aiderait notablement, croit-il, à faire voter et à faire avancer les lois sur la culture. Oui, la culture, domaine prioritaire s’il en est, domaine premier et primordial avant tout, parce que le lieu du sens par excellence.

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Cet argumentaire en béton armé de l’artiste-créateur ne saurait suffire à faire de lui un politicien. C’est simple, Bruno Amoussou, professionnel de la politique, ne s’est jamais encore avisé d’aller donner un concert en lieu et place de Nell Oliver, professionnel de la chanson. L’un est élu député. L’autre a échoué. Nell Oliver ne se remet pas encore de s’être égaré dans un univers qui n’est pas encore le sien. Chacun son métier, dit le proverbe, les vaches seront bien gardées.

Enfin, les journalistes. Ils étaient quelques confrères à aller faire une promenade de santé dans les législatives. Ils sont sortis de l’épreuve comme ils y sont entrés, c’est-à-dire en amateurs.  Ils sont venus, ils ont vu, ils ont été vaincus. Savoir écrire un article de presse n’ouvre pas automatiquement les chemins de la politique. Le professionnalisme qui fait gagner  emprunte le même sens que ce proverbe malgache : «  Le travail est comme pour la teinture : c’est celui qui plonge le tissu deux fois qui obtient une couleur foncée »

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