Les vœux du citoyen ordinaire aux honorables députés

Les exigences d’un régime d’assurance maladie universelle

Ambassadeur à la retraite, M. Candide Ahouansou, à défaut d’aller bêcher dans son jardin, a opté de se consacrer aux questions de gouvernance démocratique et de contrôle citoyen de l’action de nos leaders. Dans les lignes qui suivent, il prend premièrement position pour la mise en place d’un régime d’assurance maladie universelle auquel les députés, nouvellement élus, devraient accorder la plus haute importance. Deuxièmement, M. Candide Ahouansou dénonce le manque de contrôle politique citoyen de l’action de nos pouvoirs publics par le biais des représentants du peuple à l’Assemblée nationale. Il exhorte de ce fait, les nouveaux élus au Palais des Gouverneurs de Porto-Novo à tout mettre en œuvre pour y parvenir.

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Messieurs les députés d’une nouvelle législature, nous vous transmettons les chaleureuses félicitations du citoyen ordinaire pour votre brillante élection à l’Assemblée Nationale mais aussi pour votre engagement à répondre aux aspirations du peuple. Souffrez alors que nous présumions que vous ne sauriez laisser perdurer cette situation sociale calamiteuse où 90% de la population que vous représentez et à qui vous avez promis de défendre son bien-être, n’est pas assurée contre le risque maladie. Cette population, ces femmes, fer de lance de tout ce que nous faisons dans le pays ; ces femmes qui détiennent la vie et la donnent ;  ces hommes chefs de famille et responsables de leur progéniture, ces enfants innocents et même ces bébés dans le dos de leurs mamans qui, sous le chaud soleil et au risque de leur santé, ont battu le macadam et ont dansé pour vous ; ont  fait campagne avec et pour vous. Figurez-vous, messieurs les députés, que ces citoyens que vous avez côtoyés et dont vous avez sollicité les suffrages ne bénéficient d’aucune protection sociale et singulièrement d’aucune couverture sanitaire. Ne les oubliez pas ; ils vous ont aidé alors de grâce,  renvoyez leur l’ascenseur! La meilleure reconnaissance que vous puissiez leur témoigner c’est de faire grande pression sur l’exécutif afin qu’il se résolve à faire de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale un  véritable outil de protection contre la maladie qu’il n’a jamais été depuis 50 ans qu’elle existe sous diverses appellations certes et  sans préjudice des dispositions de la loi  98-09 du 21 Septembre  2009 restée lettre morte qui pourtant lui confient spécifiquement et expressément ce rôle au dernier alinéa de son article 3; ou afin que ledit exécutif active décidemment le Régime d’Assurance Maladie Universel (RAMU)  qu’il a lui-même  créé depuis le 21 Mai 2008 en confiant définitivement à l’Agence Nationale d’Assurance Maladie (ANAM) la gestion effective du risque maladie. Vous le leur devez bien ; le citoyen ordinaire ne veut pas croire que  vous les paierez en monnaie de singe. Si le vote d’une loi contre la corruption est si  urgent ainsi qu’en a décidé le Chef de l’Etat, une loi sur le bien-être du citoyen devrait suivre immédiatement.

 

Honorables élus, nous vous souhaitons  bonne chance tant votre responsabilité dans le bien-être du citoyen est grande ; le bien-être et d’abord le bien-être physique  qui permet de ne pas rougir de sa personne pour raison d’insuffisance du minimum qu’est la santé. Ce bien être-là  n’est pas la résultante du développement économique, il n’est pas  personnel, il est social ; il est axial et raison principale de toute politique publique : c’est un droit. Et c’est ce droit-là, ce droit au bien-être, qui mérite de figurer en bonne place dans notre Constitution n’ayant aucune commune mesure avec la simple et hypothétique «garantie à l’égal accès à la santé » dont il  est question en son article 8. Qu’il vous plaise, honorables députés, de prendre cette question d’assurance maladie à bras le corps, ne laissant aucun répit à l’exécutif jusqu’à sa mise en place effective et vous ne cesserez de mériter de l’attribut d’Honorables d’une législature de type nouveau.

Magistrature suprême et contrôle politique

Une fois de plus le citoyen vient d’accorder son suffrage  à un  candidat à la présidence de la République, en l’occurrence le Président sortant, pour gérer les affaires de l’Etat, durant un second quinquennat. Ce faisant il lui a manifesté sa confiance et son appréciation, somme toute favorable, pour la manière dont il a conduit les affaires de l’Etat. Ce faisant l’électeur avait aussi la pleine conscience que durant le mandat qu’il vient de donner au Président de la République, il devra se résoudre à le regarder faire ; à le  regarder  gérer les citoyens, les biens et les affaires de l’Etat, sans pouvoir de quelque manière influer sur ses décisions; sans pouvoir le sanctionner entre-temps ; sans possibilité d’aucun recours si ce n’est d’attendre les prochaines élections présidentielles pour exercer un vote d’approbation ou de  réprobation le cas échéant, au demeurant sans effet rétroactif. Le verdict des urnes  lie ainsi l’électeur pendant cinq ans.

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Des mandats superposés

Ce n’est  ni plus ni moins un chèque en blanc qu’il a signé pour une  période de  5 ans : c’est un blanc seing mais c’est  surtout une marque de confiance en la personne même du Chef de l’Etat Nous ne savons pas encore voter pour un parti et cela parait logique dans la mesure où nos formations politiques manquent d’idéaux auxquels adhérer. Notre démocratie ne nous a pas encore enseigné suffisamment la culture du parti perçu comme responsable des actes que  pose celui qu’il a porté au pouvoir. Lorsqu’il accorde son suffrage à un candidat pour l’élection à un poste  politique à l’échelle nationale, le citoyen ne réalise pas bien que c’est pour le parti de ce dernier qu’il vote en définitive; il ne prend pas toute la mesure du fait que  les actions que l’élu va  mener engagent systématiquement  son parti  et que discursivement l’électeur peut le sanctionner par le biais des suffrages qu’il sera amené à accorder à ce parti le moment venu. Aux Etats-Unis d’Amérique  les élections législatives à mi-parcours de la magistrature suprême ; et en France les élections régionales ainsi que  les cantonales  permettent et donnent toutes l’occasion à l’électeur de sanctionner la politique que mène  le Chef de l’Etat et l’obliger, le cas échéant, à rectifier le tir en cours d’exercice. L’électeur américain ou français n’attend donc pas que cela se passe ; il s’est donné l’occasion de  confirmer ou de corriger son vote en  cours d’exercice de la magistrature suprême. Il s’est ainsi donné les moyens d’un contrôle politique sur la mise en œuvre de la politique du  gouvernement. Nos élections législatives ne sont pas conçues dans cet esprit. La constitution en son article 80  stipule que la durée du mandat des députés  est de 4 ans sans plus d’autres précisions. Au demeurant, l’on constate  que cette durée se superpose à une année près à celle de la magistrature suprême ; il ne pourrait donc s’agir d’élections à mi-parcours en l’état actuel du système électoral. Mais sans élections intermédiaires pour réviser le vote de l’électeur, notre démocratie se prive  d’un moyen efficace de contrôler le mandat qu’il aura donné au Président de la République pour gérer les affaires de l’Etat. En se préoccupant de cet aspect des choses, les constitutionnalistes  établiront par ricochet et progressivement  dans nos esprits le lien en termes de responsabilité politique qui devra exister entre celui que nous élisons et la formation politique dont il est issu. En matière électorale, la démocratie  ne peut se limiter à glisser le bulletin  dans l’urne ; elle devrait se poursuivre  par le contrôle du mandat que l’électeur a  donné au Président de la République. La démocratie restera incomplète s’il  lui manque cette deuxième composante  à savoir le contrôle politique en cours de mandat.

Par ailleurs, le parti lui-même devrait avoir la claire perception du fait  qu’il  y va de son intérêt  et de sa crédibilité de garder l’emprise sur celui qu’il a fait élire car l’échec de celui-ci préfigure l’échec de celui-là. En ce qui concerne le cas spécifique de notre Président qui a été reconduit dans ses fonctions, il sait bien qu’en l’état actuel de la constitution en vigueur, il ne peut briguer un troisième mandat. Sans préjudice de son  honnêteté, la tentation pourrait  être  grande pour lui  de conduire une politique  à sa manière ; une politique autoritaire sans se préoccuper outre mesure  des intérêts du parti ou de la coalition de partis qui l’a porté au pouvoir et sans s’embarrasser vraiment de ce que retiendra l’histoire de son double quinquennat. Cette préoccupation est aussi celle du peuple dans son ensemble  et elle est légitime. Un second mandat présidentiel  ne peut laisser le déluge.

Mis en accusation pour abus de pouvoir

Il est vrai qu’à coté du contrôle direct de l’électeur et de celui du parti, les institutions de la république sont habilitées à exercer quelque contrôle  sur le chef de l’Etat. Statutairement l’Assemblée nationale représente les citoyens et la constitution précise  en son article 79 qu’elle ‘’ contrôle l’action du gouvernement ‘’. Mais force est de reconnaître que ce contrôle est tout théorique et tout aléatoire. Aléatoire parce que de deux choses l’une. Ou le gouvernement dispose  d’une forte majorité à l’Assemblée et cette majorité aura tendance à n’être qu’une caisse de résonnance  sans volonté effective de contrôler l’action du gouvernement : ou l’opposition est si écrasante qu’elle se met en mesure de  gêner considérablement l’action gouvernementale devenant alors plus un goulot d’étranglement qu’une force de contrôle et de contre-pouvoir. En tout état de cause et dans le cadre de ce contrôle, l’article 73 de la constitution  stipule que la responsabilité personnelle du Chef de l’Etat est engagée en cas de haute trahison, d’outrage à l’Assemblée, ou d’atteinte à l’honneur et à la probité. Dans ce cas il est prévu que le Président de l’Assemblée Nationale saisisse la Cour Constitutionnelle à charge pour cette dernière de saisir  la Haute Cour de justice le cas échéant .Il ne s’agit donc pas d’un contrôle politique des actions du Chef de l’Etat mais plutôt de  celui de son comportement avec une connotation administrative et morale. à l’instar de ce qui existe dans d’autres démocraties. La Constitution américaine a prévu l’impeachment : il s’agit d’une procédure judiciaire qui consiste à mettre en accusation le Président devant le Congrès et qui vise sa destitution. A la suite de l’affaire du  Watergate (du nom d’un immeuble  haut de gamme à Washington)  qui a révélé  une tentative de cambriolage  de documents par des républicains au détriment des démocrates, dans leur quartier général installé dans ledit immeuble, et aussi  l’existence d’écoutes illégales à la Maison Blanche, le Président Nixon a été contraint de démissionner de son poste menacé qu’il était par la procédure  d’impeachment. Il a été mis en accusation aux motifs d’abus de pouvoir dans le but de violer les droits constitutionnels des citoyens américains ; d’obstruction dans l’affaire du Watergate et d’ignorance délibérée des citations à comparaitre de la commission judiciaire de la chambre. Après sa démission Nixon est cependant resté à l’abri de poursuite  fédérale parce que son successeur Gerald Ford, républicain comme lui, l’a amnistié pour tous les délits qu’il aurait pu commettre lorsqu’il était au pouvoir.

En raison des nombreux scandales qu’ont provoqué  le financement de sa campagne électorale par des groupes de pression asiatiques notamment indonésiens et chinois ; en raison  d’affaires de mœurs, le Président Clinton a été effectivement soumis à la procédure d’impeachment et son procès a bien eu lieu mais il s’est terminé par son acquittement. Le Président l’a échappé belle probablement en raison de la grande popularité dont il jouissait auprès des américains. Sous  son mandat les Etats-Unis ont connu une  forte croissance économique et Clinton a remporté  d’importants succès sur le plan diplomatique. Mais à côté de l’impeachment, qui au reste ne vise pas le contrôle politique, les américains ont les élections à mi-parcours, véritable outil  de démocratie  que nous n’avons pas. Il y a là un champ d’investigations pour les constitutionnalistes maintenant que l’on se prépare à la révision de notre loi fondamentale. Peut-être devraient-ils bousculer  de quelque manière le mandat des députés pour permettre des élections à mi-parcours de la magistrature suprême.

Ambassadeur Candide AHOUANSOU

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