Nouveau gouvernement de Boni Yayi: Quelques enseignements et analyses

Bénin – Comme il l’avait promis lors de sa prestation de serment le 6 avril dernier, Boni Yayi a procédé à la création d’un poste de Premier ministre. Et comme, les observateurs avertis de la chose politique béninoise l’avaient prédit, sauf bouleversement inattendu, c’est Pascal Irénée Koupaki qui est investi de ce rôle. A préciser que le Premier ministre, dans les circonstances actuelles, n’est pas chef de gouvernement. Mais la Constitution du 11 décembre 1990, en son article 54 alinéa 3, donne prérogative au chef de l’Etat, après avis consultatif du bureau de l’Assemblée nationale, de nommer les membres du gouvernement et de fixer leurs attributions ou de mettre fin à leurs fonctions.

Si certains, parce que le poste n’est pas formellement visé par la Constitution, lui contestent sa validité, rappelons qu’il y a déjà eu le précédent Adrien Houngbédji en 1996. La Cour constitutionnelle avait alors dit et jugé en substance qu’à partir du moment où le chef de l’Etat ne se dépouille pas de son titre de chef de gouvernement, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Et constatait d’ailleurs que le décret portant nomination du Premier ministre était bien signé du « chef de l’Etat, chef du gouvernement ». Mais si en droit, le débat peut être ainsi clos, c’est en termes politiques qu’il se poserait. En effet, en attendant de voir le contenu que Boni Yayi donnerait à ce portefeuille, on pouvait se demander s’il lui donnera l’autorité nécessaire pour ne pas être vu, à l’instar de son prédécesseur dans ces fonctions, un prédécesseur dont il fut d’ailleurs Directeur de cabinet, comme un Premier ministre « kpayo » (entendez de pacotille). Là c’est chose faite. Et apparemment, c’est même du lourd. Dans l’absolu, ce qui plaide pour Pascal Irénée Koupaki, c’est d’avoir été, de fait, un Premier ministre pendant le quinquennat écoulé, notamment pendant les trois dernières années. Dans ces conditions, il a dû se délimiter son champ et cela n’est pas rien.

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Une femme aux Finances et promesse tenue pour la prise en compte du genre

Avec la nomination d’Adidjatou Mathys dans les fonctions de ministre des Finances, c’est un bon coup d’éclat que frappe Boni Yayi en direction de la gent féminine. On a souvent relevé, en effet, que les femmes ministres n’étaient pas souvent portées à la tête de ministères de souveraineté. Et là, propulser une femme comme argentière nationale, c’est indubitablement une marque de grande considération. Et c’est la première fois dans notre histoire qu’une femme accède aux fonctions de ministre des Finances. C’est tout à l’honneur de celle qui était jusque-là Directrice de cabinet du ministre de l’Economie et des Finances, mais surtout à l’honneur de Boni Yayi lui-même. Reste maintenant pour l’heureuse distinguée à faire ses preuves.

En outre, le chef de l’Etat avait réaffirmé sa volonté de favoriser une représentation des femmes sur la base de ses « engagements antérieurs », ce qui laissait penser à sa promesse de 30% de femmes au gouvernement. Avec 8 femmes sur 26, il tient parole de façon probante. Cela représente en effet à peu près 31%, soit précisément 30,76%. Promesse tenue donc à l’égard de la gent féminine. Un élément qui peut compter lourd dans la suite des débats, en cas de volonté de Boni Yayi d’aller au-delà de 2016. Il pourrait se poser en grand promoteur des femmes et espérer recueillir des dividendes politiques.

Mais parlant toujours des femmes, on mentionnera le come-back de Marie Elise Gbèdo, et de Dorothée Akoko Kindé Gazard. Si la première, ministre du Commerce sous Mathieu Kérékou, est restée active politiquement, se présentant même à la dernière présidentielle (ce qui fait la troisième fois consécutivement), la seconde, elle, ministre de la Santé sous Mathieu Kérékou aussi, n’était pas vraiment sur le front politique. Avec cette nomination, elle retrouve un portefeuille qu’elle a dû céder il y a cinq ans avec l’avènement de Boni Yayi en 2006. Dorothée Akoko Kindé Gazard était, en effet, la dernière ministre de la Santé du président Mathieu Kérékou.

La RB au gouvernement

La rumeur circulait et enflait. Après l’entrée de la RB dans le bureau de l’Assemblée nationale, sans concertation avec les autres composantes de l’Union fait la Nation, bloc politique auquel elle appartient jusqu’ici, les sources les plus crédibles annonçaient que le parti des Soglo irait au gouvernement. Comme pour s’en démarquer, l’Union fait la Nation se fend d’un communiqué de presse pour exprimer ses préoccupations relativement à ce qui s’est passé lors de la constitution du bureau de l’Assemblée nationale, et en même temps avertir qu’elle n’a pas été consultée pour la formation d’un quelconque gouvernement. Une manière d’avertir que si l’on retrouvait une de ses entités au sein de l’équipe gouvernementale, ce serait forcément à titre individuel. C’est ensuite la RB qui réagit par un communiqué de presse, après avoir boycotté la séance d’explication à laquelle elle était conviée en interne par les autres composantes de l’UN, pour affirmer qu’elle est dans la logique de l’ouverture prônée par le chef de l’Etat et que les instances du parti ont validé cette approche. Dès lors, plus de suspense sinon que de savoir qui siégerait au nom de ce parti, dans l’équipe de Boni Yayi. A ce propos, on annonçait avec insistante Léhady Soglo mais à l’arrivée, point de trace de l’héritier politique de Nicéphore Soglo. Par contre, Blaise Ahanhanzo Glèlè, l’actuel maire d’Abomey y est et occupe le portefeuille de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme.

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Ce faisant, les négociations ont peut-être achoppé sur le contenu éventuel du portefeuille qui aurait pu échoir à Léhady Soglo. Il se peut aussi que, même s’il a pu être tenté d’aller faire l’expérience gouvernementale, le président de la RB ait finalement choisi d’attendre et d’observer, se disant peut-être qu’il a tout le temps. Ainsi, le temps de vie de ce premier gouvernement de Yayi 2, il verrait si les choses se passent mieux que par le passé quand il critiquait. Du même coup, il se conserve une certaine virginité politique qui, au cas où les choses n’iraient pas à satisfaction, pourrait lui éviter le procès d’être personnellement comptable du bilan de Boni Yayi.

Par ailleurs, avec les élections municipales et communales attendues pour 2013, le premier adjoint au maire de la ville de Cotonou, a bien pu se dire aussi qu’il vaut mieux attendre cette échéance, essayer de défendre le bilan du parti et de conserver la municipalité. Le cas échéant, et avec l’appui éventuellement d’autres alliées dont désormais les FCBE, il pourrait prendre la tête de la municipalité si on envisage une retraite du père Nicéphore Soglo. Mais c’est là un couteau à double tranchant puisque la conjoncture politique peut évoluer dans un sens comme dans l’autre, l’affaiblissant ou le renforçant plutôt. Dans la première hypothèse, il perdrait même du poids devant ses partenaires de la mouvance présidentielle et ne ferait plus peur comme une force politique qui compte sérieusement. Dès lors, il pourrait perdre sur tous les fronts. Si par contre il prenait de l’étoffe et qu’il parvenait à garder la mairie pour le compte de son parti, cela renforcerait aussi sa position au sein de la mouvance et il pourrait même exiger plus en termes de partage du pouvoir.

La grosse déception, le gouvernement n’est pas si restreint que ça

Le principal motif de déception, par rapport à ce nouveau gouvernement, à notre avis, réside dans le nombre de portefeuilles qu’il comporte. En effet, avec un gouvernement sortant de 30 membres, et la promesse de Boni Yayi de constituer une équipe restreinte pour tenir compte de l’état des finances du pays, on pouvait logiquement s’attendre à une vraie cure qui déboucherait sur un gouvernement de 20 membres maximum. S’il l’avait réussi, il aurait là aussi frappé un grand coup. Malheureusement, sur ce plan, entre la promesse et la réalité, il y a loin de la coupe aux lèvres. En effet, ne délaisser que quatre postes sur trente, ne relève pas du gros effort. Certes, on imagine que les demandes étaient innombrables et que les pressions de toutes sortes s’exerçaient. Mais c’est justement dans cette situation que le chef de l’Etat aurait montré une autre dimension de sa personne et gagné davantage en crédit au sein de l’opinion.

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