Remise en liberté de Mamadou Tandja au Niger : tentative de réconciliation ou culture de l’impunité?

Libre. Le « Président-dissolvant » revit désormais ce que c’est que d’être défait des liens de l’absence de liberté. Tandja Mamadou qui, au mépris de tout sens et de toute raison, a entre 2008 et 2009 sapé les bases de l’Etat de droit au Niger, dissolvant à tour de bras les institutions qui s’opposaient à son dessein de s’éterniser au pouvoir, est de nouveau libre. Tandja Mamadou qui a fait embastiller plus d’un de ses compatriotes opposés à sa dérive dictatoriale. Tandja Mamadou qui attendait en prison de savoir quel sort sera le sien après le coup d’Etat de janvier 2010 ayant mis fin à ses rêves de grandeurs et à ses ambitions. Cette liberté retrouvée sonne donc faux. Et mérite un décryptage en règle.

La libération de l’ancien Président Mamadou Tandja, quelques semaines seulement après l’entrée en fonction de l’ancien opposant historique Mahamadou Issoufou a surpris. D’un premier point de vue, pour un défenseur auto-proclamé des règles démocratiques et donc par ricochet adversaire des pourfendeurs du système, le nouveau président nigérien n’était pas attendu pour faciliter la mise en liberté de l’un des plus controversés de ses prédécesseurs. Car, il faut bien l’avouer, si le Ministère public avait choisi de maintenir le Président Tandja en prison, cela aurait été fait en toute légalité. En effet, la Cour d’appel de Niamey ayant déclaré que le prévenu ne pouvait être justiciable que de la Haute Cour de Justice inexistante pour l’instant, le Ministère public aurait pu faire appel de cette décision et maintenir, ne serait-ce que pour quelques temps, Mamadou Tandja sous les verrous. Va savoir pourquoi.

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Il faut noter que Mamadou Tandja, s’il était politiquement paralysé, n’a pas transmis ce mal à sa formation politique. Il s’en est fallu de peu, lors des scrutins législatifs et présidentiel de janvier et février dernier pour que sa formation politique, le MNSD et le candidat de ce parti, l’ancien Premier Ministre de Tandja, Séini Oumarou n’emportent à nouveau la majorité des suffrages exprimés. En conséquence, il ne fait pas de doute que l’ancien président n’est pas mort dans le cœur de ses partisans. D’ailleurs les scènes de liesse à l’occasion de sa libération en témoignent à foison. Il ne serait donc pas de bon ton pour le nouveau président, soucieux sans doute de s’attirer la sympathie d’une large frange de ses compatriotes, de se mettre trop tôt à dos les férus du MNSD. D’autant plus que la tendance globale post-électorale entre les deux challengers du second tour, est aux attentions réciproques, aux embrassades et à la réconciliation. Si tant est-il qu’il y eut conflit. Une attitude destinée peut-être à réduire l’importance de l’alliance stratégique du nouveau président de la république avec l’ancien Premier Ministre Hama Amadou arrivé troisième lors de la présidentielle et dont les voix auront été décisives dans la victoire du vainqueur. Le MNSD cherchant ainsi à le punir de ce choix et le Président Issoufou se trouvant moins redevable de lui qu’il ne l’aurait fallu face à une opposition plus combattive.

Mais au-delà de ces hypothèses somme toute tirées par les cheveux, la libération de Tandja Mamadou n’est peut-être que provisoire. L’inexistence à l’heure actuelle de la Haute cour de Justice censée connaître des chefs d’accusation de haute trahison pesant contre un ancien Président a pu dissuader le Ministère public d’interjeter un appel forcément voué à l’échec. Et, étant donné que l’institution devrait voir le jour à l’issue de l’une des premières sessions du nouveau parlement, tout espoir de faire rendre gorge au fossoyeur présumé de la démocratie et des deniers publics n’est pas abandonné.

Il vaudrait mieux que ce soit le cas. La totale absence de procès contre un homme dont l’obstination à rester au pouvoir, a conduit le Niger à son troisième coup d’Etat post-démocratique, ne serait pas de nature à dissuader les dizaines d’autres chefs d’Etat qui, à travers le continent africain, rêvent de réaliser le même type de coup de force que lui, avec quant à eux, l’assurance que leur armée n’interviendra pas. Autrement, c’est le règne de l’impunité que le Niger inaugurerait avec sa nouvelle république. Ce n’est de bon augure, ni pour l’Etat, ni pour son nouveau président dont les dizaines d’années de lutte pour la démocratie, nous auraient laissé attendre mieux que ça.

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