SCRUTIN DU 30 AVRIL 2011: entre forfaiture et mépris du droit de vote des citoyens

(Une poursuite judiciaire des organes en charge de l’élection)
L’article 6 de la Constitution du 11 décembre 1990 dispose que «Le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux béninois des deux sexes, âgés de dix huit ans révolus, et jouissant de leurs droits civils et politiques». Participer au processus électoral au Bénin, autant de façon active (l’exercice du droit de vote) que de façon passive (la possibilité de se faire élire) est un droit constitutionnel. Tout citoyen a ce droit  et c’est ce que conforte la pensée de Jean-Jacques Rousseau, à travers sa théorie de «l’électorat-droit», c’est-à-dire que le vote est un droit dont dispose tout citoyen.  En effet, selon  cette doctrine célèbre «Si le corps électoral compte 10 000 citoyens, chacun de ces citoyens dispose d’un dix millième de l’électorat». Le droit de vote est sacré et doit être accordé aux citoyens. Il n’est pas acceptable que l’on s’amuse avec ce droit constitutionnel, comme on le constate au Bénin.

Selon notre Constitution du 11 décembre 1990 et les textes applicables, en la matière, la souveraineté  du peuple à travers le choix de ses dirigeants s’exerce trois fois. Il s’agit: tous les 5 ans pour l’élection du Président de la République et pour les élections municipales et enfin tous les 4 ans pour les législatives. Le constituant, en fixant ces rendez-vous tous les 4 et 5 ans, voudrait permettre d’une part, une bonne préparation de ces moments importants dans la vie du pays et d’autre part, au peuple souverain d’exercer sa souveraineté en ce qui concerne le choix de ses dirigeants.

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Bien que ces moments essentiels de notre processus démocratique sont clairement encadrés avec la détermination des organes devant assurer l’organisation, la transparence et la justice de ce processus, les acteurs politiques et institutionnels de notre pays font «rater» ces moments essentiels en se livrant à des actes qui frisent la forfaiture, le mépris voire même une insulte au peuple. Et pourtant, au cours de ce processus, ces derniers sont gracieusement payés au frais des contribuables. On se fixe des millions de FCFA de prime, des avantages impensables pour ce pays sans ressources puis on refuse de faire correctement avec probité son travail sans être puni. Ailleurs, on parlera de détournement et les personnes impliquées sont sanctionnées. Au Bénin, on justifie, on se moque du peuple puis on recommence les mêmes faits.

Tenez, il y a plus d’un mois, c’est-à-dire le 13 mars 2011, que le Bénin a organisé des élections jamais réalisées depuis le démarrage de notre  processus démocratique.

Une élection effectuée après plusieurs  reports, sans liste d’électeurs connus à l’avance, ainsi que le nombre des bureaux de vote. Un cafouillage monstre puisque les citoyens, en violation de la loi électorale, ont voté sans carte d’électeur. La création d’une vaste possibilité de fraude appelée «vote par dérogation», le non affichage de la liste électorale, le recensement des citoyens qui se poursuivait à 48 heures du scrutin.

Quant à la Cour constitutionnelle, en sa qualité d’organe régulateur, elle  a pris des décisions quelques fois contradictoires dans ce processus. L’exemple palpable est l’acceptation d’une loi dite d’habilitation cause de la grande fraude observée lors du scrutin du 13 mars 2011.

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A analyser de près, on est tenté de se demander si le peuple souverain n’est pas méprisé, brimé dans ses droits sinon comment peut-on admettre qu’une élection dont la «campagne» a démarré plusieurs années avant, soit organisée dans ce grand cafouillage avec à la clé plusieurs reports?

La Cour constitutionnelle dans sa décision DCC 10-147 du 27 décembre 2010 a même informé qu’elle a rappelé par lettres n°s 0913/CC/PT et 0914/CC/PT  aux responsables des institutions (Président de la République et Président de l’Assemblée nationale), plusieurs mois à l’avance, soit le 16 juin 2009, la nécessité de prendre toutes dispositions utiles pour que les lois électorales soient votées  à  temps. Mais rien n’y fit. Les démocrates «acteurs politiques» n’aimant le peuple que pour le mépriser ne s’y sont pas préoccupés. La Haute Juridiction, elle –même, organe chargé de veiller à la régularité des élections s’est confinée dans un mutisme sans pareil alors même qu’en vertu de l’article 114, elle pouvait enjoindre les institutions concernées à jouer pleinement leur mission dans les délais raisonnablement impartis.

Le plus grave, c’est la situation observée lors du scrutin du 30 avril 2011. Pour comprendre le mépris au peuple et la forfaiture, il faut rappeler que la date du 30 avril est obtenue de la Cour constitutionnelle après un report.

Et pourtant, à quoi avons-nous assisté le jour du scrutin?

La distribution des cartes d’électeur, la veille et le jour du scrutin. Liste électorale ne comportant pas le nom de certains électeurs ou les électeurs détenant de carte d’électeur sans connaître leur bureau de vote. Tout cela alors même que le scrutin du 13 mars 2011 s’est déroulé, il y a plus d’un mois, et qu’on a eu le temps de remédier aux dysfonctionnements constatés lors de la présidentielle.

Pourquoi cela au peuple souverain qu’on dit «aimer»?

Les acteurs en charge de l’organisation des élections après avoir pris plus de 8 milliards de nos fonds et donc du contribuable pour l’organisation des élections sans compter les fonds mis dans la confection de la liste électorale dite autonome ont choisi de «narguer» ce peuple qu’ils disent servir en organisant le 30 avril 2011, un autre cafouillage.

Sinon comment comprendre qu’après plus d’un mois, à partir du scrutin du 13 mars 2011, on en soit le 30 avril 2011, jour du scrutin, à la distribution des cartes d’électeur?

Que faisaient les membres de la Commission politique de Supervision (CPS) et de la Mission indépendante de Recensement électoral national approfondi (MIRENA) depuis les dernières inscriptions des citoyens?

Le superviseur de la CPS-LEPI n’avait-il pas affirmé sur une de nos chaînes de télévision que la MIRENA peut imprimer trois millions de cartes d’électeur dans les trois jours?

Pourquoi, les problématiques des primes et autres questions d’ordre logistique n’ont-elles pas été soulevées dès l’installation des démembrements de la CENA?

Pourquoi, au niveau des démembrements de la CENA, le scrutin du 30 avril 2011 a été mis en difficulté par la décision de ses membres de porter un coup d’arrêt au travail à l’avant veille du scrutin?

En dehors de la décision de la Cour constitutionnelle qui est innovante en la matière parce qu’elle a décidé de la destitution des agents grévistes, quelle autre sanction peut subir ces agents qui ont pourtant prêté serment?

Cet arrêt de travail unilatéral des démembrements de la CENA n’a-t-il  pas été aussi l’une des causes du cafouillage dudit scrutin?

On le fait et on le fera encore parce que personne n’est puni après. Le peuple subira toujours si on ne fait rien pour punir pénalement les responsables à la base de cette situation du 30 avril 2011.

Oui ! En plus de tout ce cafouillage, les acteurs concernés vont se faire payer sur le dos du contribuable les primes et autres avantages et on appelle cela, un Etat de droit.

L’exemple du cafouillage est patent, ce jour mémorable du 30 avril 2011. Pendant que d’autres citoyens béninois agacés par le comportement des acteurs politiques et le cafouillage du scrutin du 13 mars 2011 ont refusé de participer aux élections du 30 avril 2011, les courageux que d’autres appelleront «les patriotes» sont renvoyés de bureau de vote en bureau de vote et finalement chez eux bien que la Constitution leur accorde ce droit de vote.

Il faut que ça change enfin  et pour que cela change vraiment, le parquet général ou le procureur de la République doit très rapidement ouvrir une information judiciaire pour situer les responsabilités. Il est temps qu’on nous dise pourquoi c’est la veille du scrutin où le jour du scrutin qu’on distribue les cartes d’électeur?

Il faut que des poursuites judiciaires soient lancées par le «parquet» pour  situer les responsabilités de ce cafouillage organisé où l’on a osé distribuer les cartes d’électeur, le jour du vote. L’information judiciaire sur l’organisation du scrutin du 30 avril 2011 s’impose car il est inacceptable que les mêmes situations qui ont failli embraser notre pays reviennent alors qu’on a eu plus d’un mois pour se préparer.

Il faut que ceux qui ont manqué à leur obligation donc qui ont violé leur serment  soient punis pour que les gens ne se livrent plus  à une pareille forfaiture.

La nécessité d’ouvrir une enquête judicaire pour situer les responsabilités s’impose  et nous le demandons  car tous les agents en charge de l’organisation  des élections au Bénin sont des agents assermentés. Le serment n’est pas un pis-aller, c’est un engagement pris devant le peuple et lorsqu’on en arrive à le violer, on doit subir les rigueurs de la loi.

 

Selon l’article 44 de la loi n°2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation de Recensement électoral national approfondi et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI), les membres de la Commission politique de supervision et de la mission indépendante de recensement électoral national approfondi prêtent devant la Cour constitutionnelle le serment suivant:

«Je jure de bien remplir fidèlement et loyalement, en toute impartialité et équité les fonctions dont je suis investi, de respecter en toutes circonstances les obligations qu’elles m’imposent ».

En cas de parjure, le membre coupable est puni de deux (02) ans à cinq (05) ans et d’une amende de cinq millions (5.000.000) à dix millions (10.000.000) de FCFA et /ou d’une peine d’inéligibilité de cinq (5) ans à dix (10) ans.

Conformément à l’article 15 de la loi n° 2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, les membres de la commission électorale nationale autonome (CENA) également ont  prêté le serment suivant «je jure de bien remplir fidèlement et loyalement, en toute impartialité et équité les fonctions dont je suis investi, de respecter en toutes circonstances les obligations qu’elles m’imposent et de garder le secret des délibérations auxquelles j’ai pris part»; en cas de parjure, le membre  coupable est puni d’un emprisonnement d’un (01) an à deux (02) ans et d’une amende de deux cent mille (200 000) à cinq cent mille (500.000) FCFA. Il est en outre déchu de ses droits civils et politiques pour une durée de 5 ans.

Le serment est une déclaration solennelle faite devant un juge qu’il soit ordinaire ou constitutionnel. C’est une affirmation, une promesse que l’on fait sur son honneur ou en prenant à témoin ce que l’on regarde comme sacré. On ne peut pas continuer à le considérer  comme une formalité de plus. Pour ce faire, et pour une fois au Bénin, la nécessité d’ouvrir une information judiciaire s’impose pour situer les responsabilités et savoir les coupables des cafouillages observés lors du scrutin du 30 avril 2011. Il faut qu’entre  la CENA et ses démembrements,  le CPS-LEPI et la MIRENA l’on sache qui n’a pas fait son travail dans le temps.

Ne serait-ce pour connaître et punir pour une fois ceux qui ont été la cause de la distribution des cartes d’électeur la veille et le jour du scrutin et cela en totale violation de la loi.

Le processus «de distribution des cartes d’électeur» observé dans les bureaux de vote le 30 avril 2011 dernier sont réglementés par quelle loi de la République?

L’erreur est humaine dit-on mais persévérer dans l’erreur est diabolique. Le peuple souverain ne saurait continuer à accepter ce qui s’est passé le              30 avril 2011. Il faut que ça cesse et qu’on arrête de mépriser ce peuple qui déjà souffre de la de la vie chère, des grèves, des détournements, de l’impunité et des abus des agents de sécurité (jeunes policiers non-identifiés par des badges et numéros qui au lieu de la sécurisation comme mission se livrent à des abus à travers la création de nouvelles infractions imaginaires).

Vivement que les organisations de la société civile (ALCRER, OLC, FORS ELECTION, les SYNDICATS…) (même si le parquet ne le fait pas) exigent une information judiciaire ou à défaut citent par un huissier de justice devant le juge pénal, les acteurs en charge de l’élection du 30 avril 2011 pour que les auteurs de cette situation soient punis devant la loi.

Cette information judiciaire nécessaire permettra aux organisateurs des élections et hommes politiques béninois de prendre la mesure de leur responsabilité et de leur serment car les élections au Bénin se déroulent tous les cinq (05) ans ou tous les quatre (4) ans.

Les cartes d’électeurs sont essentielles dans un processus électoral, c’est pourquoi  les législateurs du monde, en général, et celui du  Bénin en particulier ont rigoureusement organisé sa distribution. Selon l’article 34 de la loi n°2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi (RENA) et établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI), la distribution des cartes d’électeur est très bien organisée. La loi dispose que «Dans chaque village ou quartier de ville, le centre de collecte soit transformé en centre de distribution des cartes d’électeur. Il est réduit à trois (03) membres sans le préposé d’enregistrement ou opérateur de saisie.

La carte d’électeur est remise à son titulaire dans un centre de distribution sur présentation du certificat d’enregistrement.

Le centre de distribution des cartes d’électeur est ouvert pendant quinze (15) jours ininterrompus de huit (08) heures à dix-huit (18) heures.

A la fin de la distribution des cartes d’électeur, procès-verbal en est dressé et signé des membres du centre, du chef de village ou de quartier de ville ou de son représentant et des représentants des partis ou alliances de partis politiques présents.

Les cartes d’électeur non retirées par leurs titulaires jusqu’à la fin du délai de distribution, sont dénombrées, mises sous scellés et entreposées dans des cantines consignées entre les mains du Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome (SAP/CENA).

La liste des personnes concernées est établie par commune et publiée par voie d’affichage ».

Serge PRINCE AGBODJAN

Juriste

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