Quel avantage à être élu député de la nation? C’est d’abord que, d’une manière générale, celui ou celle qui détient un mandat électif est aux sources du suffrage du peuple. En régime démocratique, c’est le peuple qui est le seul et le vrai détenteur de la souveraineté. C’est toute la différence, pour prendre cet exemple, entre le député de la nation et le ministre de la République. Le premier est élu. Il est l’élu du peuple. Le second est désigné, nommé à cette fonction par le Chef de l’Etat à qui il reste redevable. Les Béninois capitalisent l’expérience de cinq législatures sous le régime du renouveau démocratique. Forts de quoi et sans qu’ils aient eu à l’exprimer expressément, les Béninois portent le rêve d’un Parlement différent par son style de travail, autre dans ses relations avec le citoyen-électeur, nouveau dans la gestion du mandat que ce dernier lui a confié.
La 6ème législature a des chances de déménager et d’aménager dans de nouveaux locaux. C’est la première fois, depuis l’accession de notre pays à l’indépendance, que le Bénin offre officiellement un siège permanent à son Assemblée nationale. Celle-ci n’a que trop squatté, pour ainsi dire et jusqu’ici, différents bâtiments. C’est la fin d’une transhumance. L’idéal eut été que cela annonçât la fin de la transhumance des députés. Ils migrent, en effet, au gré de leurs intérêts, d’un parti à l’autre, d’un groupe parlementaire à l’autre.
Qu’on s’en défende ou qu’on s’en étonne, l’image de notre Parlement est écornée d’une législature àl’autre. Le député boxeur, le député tam-tameur ou le député dormeur, cela ne donne pas de notre Parlement une bonne image. Que l’on cesse, à cet égard, de nous seriner, en manière de justification de la bêtise, les contre-exemples des autres Parlements de par le monde. Le Bénin, c’est le Bénin. Avec ses valeurs. Avec ses normes d’éducation. Avec ses références culturelles et comportementales. Nos députés sont appelés « honorables». Le mot renvoie à honneur, un substantif noble s’il en est, qui renvoie à son tour à des expressions comme «point d’honneur», «parole d’honneur», «champ d’honneur» etc. C’est suffisant pour que nos honorables députés s’honorent de rester partout et toujours honorables. Ceci en termes d’assiduité et de ponctualité aux sessions, de reddition des comptes, d’observation de l’éthique et de la déontologie parlementaire dans la conduite de leur mission.
La deuxième réforme pour refaçonner le visage de notre Parlement, doit aller dans le sens de la mise en place d’indicateurs de performance. Il importe de mesurer et d’apprécier le travail d’un député au cours d’une législature. Parce que l’obligation de résultats doit être la règle. Pour y parvenir, la traçabilité du député, au cours d’une législature, nous intéresse. C’est trop facile de se mettre à l’ombre de la machine institutionnelle du Parlement pour se laisser aller à errer sur des terres non parlementaires. L’immunité du député à des fins contestables, le trafic d’influence qui n’est qu’un détournement pur et simple du pouvoir parlementaire, l’affairisme le plus nauséabond sous le parapluie parlementaire…voilà quelques unes des déviances qui n’aident pas à donner du député une image rassurante. Le Parlement, dans ces conditions, se réduit à n’être plus que le «Refugium peccatorum» des Latins, le refuge des pécheurs. Le peuple souverain veut savoir, dans son Parlement : qui est qui ? Qui fait quoi? Pour quels résultats?
Enfin, le français a beau être notre langue officielle, aux termes de la Constitution, en son article premier, il est temps que nous tirions avantage des technologies appropriées disponibles pour que notre Parlement résonne de toutes les grandes langues de communication de notre pays. C’est un problème politique de souveraineté nationale et d’efficacité opérationnelle. Personne n’a le droit de dormir du sommeil du juste tant que les deux tiers des Béninois resteront écartés, directement ou indirectement, du débat national. Le « viens voter et tais-toi » est aussi injuste qu’absurde. C’est une caricature de la démocratie. Le débat au Parlement sera d’intérêt national, avec nos langues nationales, ou ne sera pas.
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