Dominique Strauss Kahn veut danser avec la mort. Danse macabre de l’économiste banni, du politique fini, de l’homme honni. Danse lugubre de celui qui ne veut pas sombrer. De celui ont le dernier espoir réside en cette résistance digne du baroud d’honneur que seuls peuvent lui assurer désormais ses avocats Benjamin Brafman et William Taylor. En plaidant « non coupable » lors de l’audience expéditive de ce lundi 6 juin à New-York, l’ancien patron du Fonds monétaire international prend un risque. Un pari incertain dont le gain ne viendra que d’une vaste entreprise de dénigrement de sa présumée victime. Des perspectives plus que nauséeuses.
La procédure judiciaire américaine n’a pas fini de renverser les Français dans leurs sièges. Après les humiliations publiques induites par l’arrestation et les toutes premières audiences de Dominique Strauss Kahn, voici que toute latitude lui est donnée désormais à lui et à ses avocats, pour faire usage de tous les moyens possibles et imaginables à leur disposition pour démontrer la fausseté des accusations de viol, de séquestration… Et ce n’est en tout cas pas de quoi peut manquer un homme qui il y a quelques semaines seulement était encore considéré comme l’un des plus puissants du monde, potentiellement futur Président de la cinquième puissance économique de la planète. Cette arme, Benjamin Brafman et William Taylor comptent bien en faire usage. Sans crainte de l’impact que cela pourra avoir sur la psychologie et le moral de la plaignante. Je dirai même dans le ferme espoir que cela déstabilisera suffisamment Nafissatou Diallo pour qu’elle commette des erreurs fatales.
Tout sera mis en œuvre, tant par la défense que par l’accusation pour constituer et distiller le portrait le plus diabolique possible des deux principaux protagonistes de l’affaire. D’abord, l’accusation voudra démontrer que Dominique Strauss Kahn n’en est pas à sa première frasque avec les femmes, surtout jeunes et belles. Ce qui, à mon avis, ne risque plus d’être extrêmement difficile, vu le nombre de langues qui se délient au détriment de DSK depuis le début de cette affaire. En plus sa situation sociale, sa richesse et son opulence pourraient bien également être utilisées contre lui comme argument d’un sentiment de supériorité et de puissance qui ont pu lui faire croire qu’il pouvait disposer impunément du corps de la jeune femme de chambre sans défense et sans le sou. L’exemplarité de la vie de Nafissatou Diallo, dont tous les amis se précipitent d’ailleurs ces derniers temps pour clamer les mérites à la radio et à la télé devrait être également une arme de la bataille judiciaire que le plaider « non coupable » de DSK devrait à terme engendrer.
En face, la défense aura la tâche un peu plus facile. Sur les douze jurés devant décider de la culpabilité ou non de Dominique Strauss Kahn dans cette affaire, il suffit que la défense parvienne à semer le doute dans le cœur de l’un seulement pour que l’accusé soit relaxé. Facile en perspective, mais pour y arriver, la défense devra sortir l’arme abjecte du dénigrement. Tous les aspects de la vie de la femme de chambre du Sofitel de New-York seront passés aux cribles. De l’âge auquel elle est supposée avoir eu son premier rapport sexuel à sa relation au sexe, de la raison de son statut de mère célibataire à l’éducation qu’elle donne à sa fille, de son statut social misérable à son rapport à l’argent… Tout, absolument tout ce qui pourra être utilisé pour corroborer le rapport sexuel consenti avec Dominique Strauss Kahn sera utilisé. Et si Nafissatou Diallo a pu commettre dans son passé récent ou plus ancien la moindre incartade de nature à remettre en doute sa moralité, DSK peut déjà commencer à espérer s’en tirer à bon compte.
Singulière procédure américaine qui commence par ignorer la présomption d’innocence avant de laisser à l’accusation la charge de la preuve. Mais sans doute, si elle a toujours aussi bien fonctionné, faut-il y voir des éléments positifs indéniables que, pour ne connaitre que la procédure française, nous ignorons encore largement.
En tout état de cause, les prochains mois, si DSK maintient sa stratégie de défense, seront ceux de grands déballages dont certains peuvent bien être cousus de fil blanc.
Il ne me semble, à moi en tout cas, pas judicieux que l’issue du procès tienne aussi à une bataille de chiffonniers avec ce genre d’arguments. N’est-il pas possible, à l’heure actuelle que la communauté peuhle de Guinée dont est issue la plaignante et ont on connait la solidarité, se passe le mot pour présenter aux différents enquêteurs une image totalement, mais faussement immaculée de Nafissatou Diallo ? N’est-il pas également envisageable que les forces de l’argent, au service de la défense de DSK réussissent à détecter des témoins à décharge plus ou moins encouragés à discréditer la présumée victime ? Et ces mêmes pouvoirs d’argent et ces réseaux politico-financiers qui ont pendant de si nombreuses années réduit à quia d’éventuelles plaintes en France contre DSK ne pourraient-ils pas de nouveau entrer en scène ?
L’issue du procès Strauss Kahn, s’il a lieu, risque fort de n’être point celle de la justice et de l’équité. Un puissant homme politique en sortira de toute façon laminé. Mais une pauvre petite jeune femme africaine, dont tout le tort aura été d’avoir voulu faire son boulot, pourrait en sortir tout autant meurtrie. Pour peu qu’elle ait dit la vérité jusque-là. Mais, il en est de la justice américaine comme de la politique. Il ne faut jurer de rien.