Crise libyenne : l’Afrique se délite… comme d’habitude

L’Afrique se déchire. C’est peu de le dire. On la vit depuis 1960. Les Etats d’Afrique sont incapables d’adopter une position commune et de la tenir. Bien assez tôt, des fissures zèbrent l’édifice. Les uns font bien vite dos aux autres. Dans les fourrés des intérêts partisans. Dans le brouhaha des applaudissements, mais aussi des quolibets de ceux que ces divisions arrangent. Les puissances d’argent et les puissances politiques. Pauvre Afrique ! Terre sans personnalité et terre sans conviction ? Ou terre cosmopolite où la diversité de pensées et d’opinions donne des couleurs à la démarche internationale du continent ? Mouammar Kadhafi qui se voit de plus en plus isolé vous donnerait une réponse bien cinglante. Abdoulaye Wade et Mohamed Abdel Aziz une toute autre.

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L’Union africaine avait résolu de condamner les opérations militaires de la coalition militaire occidentale contre les forces armées nationales de Libye. La résolution 1973, votée dans l’optique de mettre un terme aux exactions des  troupes du colonel Kadhafi, était selon la Conférences des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union, pour le moins disproportionnée. Elle remettait en question la souveraineté de la Libye et partant, le caractère inaliénable de son droit à la non-ingérence. En prenant cette position, l’Union africaine avait subi l’ire de bon nombre d’observateurs de la situation interne en Libye, dont la mienne. La condamnation d’une action qui venait juste à temps, sauver la vie à des centaines de milliers de citoyens libyens, promis sans cela à la mort atroce, dans les torrents et les flots de la « rivière de sang » promise par le fils aîné du Guide, Saïf al Islam, n’aurait pas û être condamnée. En soi, il nous avait paru utile que la résolution 1973 vinsse mettre un terme aux exactions contre des civils qui, pour la majorité, étaient désarmés.

Mais l’Union africaine a cru bon devoir condamner. Au mépris du fait que trois de ses membres représentés au Conseil de Sécurité des Nations unies ont voté pour. Et pas des moindres. Le Gabon, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Afrique du Sud dont le Président, par deux fois déjà, d’abord à la tête d’un panel, puis seul, est l’un des tout derniers chefs d’Etat étrangers à avoir rendu visite au Guide libyen. L’union africaine a donc condamné les frappes contre la Libye et nous avons pris acte. L’Union africaine a suggéré son plan de sortie de crise, et nous en avons souri. L’Union africaine a offert sa médiation et nous avons décidé de la voir faire.

Mais force est de constater qu’il n’aura pas fallu bien longtemps pour que toutes ces prises unanimes de position volent en éclats. Le 9 juin 2011, le président sénégalais Me Abdoulaye Wade a effectué une visite dans la ville libyenne de Benghazi, fief et bastion de l’opposition armée contre le Colonel Kadhafi. Non sans avoir, quelques semaines plus tôt reçu à Dakar une forte délégation du Conseil national de Transition, qu’il a reconnu comme seul représentant légitime à l’avenir du peule libyen. Un échange de civilités digne de l’établissement de relations diplomatiques entre deux gouvernements. Dans la même veine, le président mauritanien Mohamed Abdel Aziz, arrivé au pouvoir en 2008 suite à un coup d’Etat adoubé par le Guide avant sa « conversion » à la démocratie, trouve aujourd’hui que Mouammar Kadhafi ne peut plus diriger son pays, pour tout ce qui lui y est reproché. Mohamed Abdel Aziz dont le pays avait quelques mois plus tôt servi de cadre à la prise de position officielle de l’Union africaine contre l’opération « Aube de l’Odyssée ». Mohamed Abdel Aziz qui est également un des membres du Groupe de contact mis en place par les instances de l’UA sur la crise libyenne. Comme Me Wade, il demande le départ du Guide. On parlerait presque d’apostasie. Et les jours prochains risquent d’être riches de ces genres de déclarations africaines contre un homme esseulé qui s’accroche au pouvoir.

Et là, vient mon amère conclusion : Tous des vendus !

A qui profite la division au sein de l’institution panafricaine ? Sans doute autant aux Libyens assoiffés de liberté qu’aux puissances qui frappent sans répit la Libye pour sauvegarder leurs intérêts ou placer leurs hommes. Peut-être même plus aux seconds qu’aux premiers. Et l’Afrique se trouve incapable de se poser en garant des aspirations démocratiques autant qu’en stoïque défenseur de l’honneur et de la dignité d’une Afrique qui sait faire front. Le temps n’est sans doute pas arrivé, pas encore où ce rêve va se concrétiser. Trop de divergences d’intérêts, trop de différences de puissance, trop de fébrilité face aux Grands. Encore trop d’obstacles. Mais on ne peut s’empêcher à la lecture des résultats, que l’on soit pour ou contre Kadhafi, de se désoler : quelle pitié !

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