Le bureau de l’Assemblée nationale doit être cassé

A moins de l’extraordinaire ou d’un nouveau revirement jurisprudentiel sur la même question, la Cour constitutionnelle, présidée par Me Robert DOSSOU, devrait demander la reprise des élections du bureau de l’Assemblée nationale, 6ème législature intervenues le vendredi 20 et le samedi 21 mai 2011. Comme il a été annoncé, le résultat du scrutin effectué dans le cadre de la mise en place du bureau de l’Assemblée nationale est le suivant:

1. Mathurin Coffi Nago (FCBE)  élu président par un vote de 60 voix pour, 02 contre et 02 abstentions ;

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2. Justin Yotto Sagui, (FCBE) élu 1er Vice-président par un vote de 61 voix pour, 01 contre et 02 abstentions

3. Boniface Yèhouétomè, (UN) élu 2ème Vice-président par un vote de 61 voix pour, 00 contre et 03 abstentions

4.Djibril Mama Débourou,(FCBE) élu 1er Questeur par un vote de 61 voix pour, 01 contre et 02 abstentions

5. Abraoua Françoise Assogba, (Alliance Cauris 2) élue 2ème Questeur par un vote de 60 voix pour, 02 contre et 02 abstentions,

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6. Claudine Prudencio, (FCBE) élue 1ère Secrétaire parlementaire par un vote de 59 voix pour, 02 contre et 03 abstentions

7. André Biaou Okounlola, (AFU) élu 2ème Secrétaire parlementaire par un vote de 58 voix pour, 03 contre et 03 abstentions.

 

Soit pour:

la Force Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) quatre (04) sièges au Bureau de l’Assemblée Nationale pour 41 députés ;

l’Union fait la Nation (UN) un (01) siège au Bureau de l’Assemblée Nationale pour 30 députés ;

l’alliance Cauris 2 un (01) siège au Bureau de l’Assemblée Nationale pour 02 députés ;

l’alliance Force dans l’Unité (AFU) un (01) siège au Bureau de l’Assemblée Nationale pour 02 députés.

L’analyse des résultats issus de ces élections montre une inégalité des forces en présence regroupées à travers la notion de Majorité et Minorité.

Le groupe composé des FCBE constitué de 41 députés s’est octroyé quatre (04) places sur les sept (07) au bureau alors que le groupe «Union fait la nation» avec 30 députés s’est contenté d’une (01) place, soit la 2ème vice-présidence. Même si une polémique est née à la suite de ce choix, du fait de la position d’une tendance de ce regroupement, il est à signaler que cette tendance est belle et bien rentrée à l’Assemblée nationale, 6ème législature, sous la couleur de l’Union fait la Nation (UN) et non sous le nom du parti des membres qui la compose. La question ne devrait donc pas se poser quant à la présence de l’Union fait la Nation (UN) dans le bureau de l’Assemblée nationale.

L’Union fait la Nation (UN) fait bel et bien partie du bureau, à travers le seul siège obtenu par cette tendance de la minorité qui a participé au scrutin.

L’alliance Cauris 2 avec deux députés a pu trouver au Bureau de l’Assemblée Nationale une (01) place, celle de 2ème questeur, alors même que l’UN forte de 30 députés s’est retrouvée avec le même nombre de siège. Idem pour l’alliance Force dans l’Unité (AFU).

La question qui se pose à la lecture de ce scrutin du vendredi 20 et samedi 21 mai 2011 est de savoir le mode de scrutin utilisé par nos honorables députés.

S’agit-il de la représentation proportionnelle (principe à valeur constitutionnelle) ou de l’absolutisme d’une majorité (principe refusée par la jurisprudence DCC 09-002  du 8 janvier 2009)?

Pourquoi les autres minorités ayant aussi deux sièges (Force espoir-Union Pour la Relève, Union pour le Bénin, Alliance G13 Boabab, Alliance Amana) n’ont pas pu avoir aussi un siège comme l’Alliance Cauris 2 et l’Alliance Force dans l’Unité (AFU)?

Comment expliquez-vous que le groupe qui a 41 députés se soit octroyé quatre (04) sièges alors que celui qui a 30 députés s’est retrouvé avec un (01) siège et  que deux groupes avec quatre députés se soient tapé deux (02) sièges au sein du même bureau?

Rien qu’à analyser objectivement les résultats de ce scrutin et à moins d’un revirement spectaculaire de la Haute Juridiction, les élections des membres du bureau de l’Assemblée nationale, 6ème législature, effectuées le vendredi 20 et samedi 21 mai 2011 seront reprises.

Beaucoup de décisions jurisprudentielles de la Cour constitutionnelle militent en faveur de cette reprise des élections.

Qu’il vous souvienne que dans la décision DCC 10-049 du 05 avril 2010 la Haute Juridiction a évoqué l’effet cliquet dans sa jurisprudence. Ce principe de l’effet de cliquet (Ratchet effect, en anglais) est un phénomène qui empêche le retour en arrière d’un processus une fois un certain stade dépassé. En clair, selon ce principe, «une consommation atteinte est difficilement réduite du fait des habitudes et des engagements qui ont été pris». Par analogie au cliquet, un mécanisme qui empêche un système de revenir en arrière et le force implicitement à aller de l’avant. L’effet cliquet n’est pas un principe évoqué par la Cour constitutionnelle du Bénin. Il a été utilisé dans la décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 par le Conseil constitutionnel français pour procurer une protection particulière à certaines libertés, concernant par exemple la presse, les professeurs d’université ou la liberté d’association. Cette protection consiste à considérer comme inconstitutionnelles toutes les lois qui, au lieu de les rendre plus effectives, auraient pour objectif de revenir en arrière pour édicter un régime plus sévère ou restrictif. Cette interdiction de revenir en arrière a notamment été affirmée dans la décision du 20 janvier 1984 sur la liberté universitaire où le Conseil constitutionnel français a considéré que l’abrogation totale de la loi Faure sur les franchises universitaires du 12 novembre 1968 n’était pas conforme à la Constitution puisque certaines dispositions conféraient aux professeurs d’université des garanties conformes aux exigences constitutionnelles, qui n’avaient pas été remplacées, dans la nouvelle loi, par des garanties équivalentes. C’est ce qu’a repris la Cour constitutionnelle du Bénin dans sa décision DCC 10-049 du 05 avril 2010 (loi portant  abrogation de la LEPI).

Rien qu’à prendre en compte cette jurisprudence, la Cour constitutionnelle pourrait demander la reprise de cette élection étant entendu que les honorables députés de la 5ème législature avaient déjà tenu compte de cette nouvelle avancée de notre démocratie en intégrant dans le choix des députés appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’Etat, le concept de la minorité parlementaire.

A cette jurisprudence, il faut ajouter la  DCC 09-002 du 8 janvier 2009 qui est très bien explicite sur la question. La Cour constitutionnelle a déjà réglé la question du mode de scrutin en matière de «choix des députés appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que Corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’Etat». Etant donné que nous sommes dans le choix des députés qui vont «animer les organes de gestion» de l’Assemblée nationale notamment le bureau de l’Assemblée nationale, c’est bel et bien  «la représentation proportionnelle» qui doit être appliquée.

Rien qu’à prendre en compte les résultats du scrutin où un groupe de 4 députés a pu se tailler deux places au bureau alors même que le groupe de 30 députés n’a pu avoir qu’une place, on est loin de la représentation proportionnelle prévue par la Cour constitutionnelle dans sa décision DCC 09-002 du 8 janvier 2009.

En clair, si l’on s’en tient aux jurisprudences constantes de la Cour, il y a une nécessaire et juste reprise des élections des membres du bureau issus du scrutin des vendredi 20 et samedi 21 mai 2011.

LE RESPECT DU DROIT DE LA MINORITE ET DE LA MAJORITE: CONSEQUENCE DE LA DEMOCRATIE PLURALISTE REAFFIRMEE PAR LE PREAMBULE DE LA CONSTITUTION DU 11 DECEMBRE 1990

Par décision,  DCC 09-002 du 8 janvier 2009 la Cour Dossou a dit et jugé que «le choix des députés appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que Corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’Etat, doit se faire selon le principe à valeur constitutionnelle de la représentation proportionnelle majorité/minorité »

Depuis cette exceptionnelle jurisprudence qualifiée par notre doyen Adama KPODAR de décision qui «doit être hissée au tabernacle des vecteurs de la démocratie», la Cour Constitutionnelle a érigé en principe à valeur constitutionnelle la représentation proportionnelle majorité/minorité pour le choix des députés appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que Corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’Etat.

Bien que cette décision ait été fortement critiquée, dès son introduction dans la jurisprudence constitutionnelle béninoise, elle a eu le mérite d’une part, de donner un contenu à certaines notions importantes prévues par notre Constitution et d’autre part, d’affirmer clairement le rejet par la Cour constitutionnelle du risque de la dictature de la majorité parlementaire ou de l’absolutisme de cette majorité, chose qui est contraire à l’idée de la démocratie pluraliste «fondée essentiellement sur la philosophie politique de la dialectique constructive affublée dans la doctrine juridique et science politiste».

En effet,  dans cette captivante décision  prise par la Cour Dossou, la haute juridiction n’a pas utilisé la notion d’ «opposition» qui a une définition précise en droit. Elle a clairement fait une catégorisation à travers les thèmes  majorité/minorité, thèmes qui ont un sens juridique clair.

En droit,  la majorité est juridiquement définie comme un parti ou coalition de partis détenant la majorité des sièges du parlement et la minorité comme le groupe le moins nombreux lors d’une élection. Dans une assemblée, c’est le parti ou le groupe qui réunit le moins de sièges qui est la minorité parlementaire.

Si on s’en tient à la décision du 30 avril 2011 relative à la proclamation des résultats des élections législatives,  on note les forces suivantes:

– Forces cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) 41 sièges avec alliés

– l’Union fait la Nation (UN) avec 30 sièges.

– Autres  regroupements (à classer dans un camp: Majorité/Minorité)

Union pour le Bénin (UB) 02 sièges,

Alliance Amana 02 sièges,

Alliance G13 Baobab 02 sièges,

Alliance Force dans l’Unité (AFU) 02 sièges,

Alliance Cauris 2  02 sièges,

Force Espoir-Union pour la relève (UPR) 02 sièges

Il est donc clair pour tous les citoyens béninois que la configuration issue des urnes selon la décision du 30 avril 2011 de la Haute Juridiction sous réserve des contentieux donne les Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) avec alliées: groupe majoritaire et  l’Union fait la nation (UN) et alliés, minoritaire.

A bien comprendre la décision de la haute juridiction de janvier 2009, l’on doit tenir compte du nombre des deux groupes (Majorité/Minorité) et appliquer simplement le principe à valeur constitutionnelle de la représentation proportionnelle majorité/minorité. La décision est bien claire et complète car elle demande dans le cas d’espèce (en matière des droits de la minorité et la participation de tous à la gestion des affaires publiques) de n’admettre que deux camps au niveau de l’Assemblée nationale. Elle invite les autres membres de l’Assemblée nationale à se ranger dans l’un des deux camps «reflet des deux composantes que sont la majorité et la minorité parlementaire, et ce quel que soit le nombre de groupes parlementaires composant l’une ou l’autre de ces deux catégories»

Sans présager de l’issu du contentieux en cours, nous pensons à la simple lecture des faits et de la jurisprudence constante du juge constitutionnel béninois, que la reprise des élections des membres du bureau est plus ou moins certaine.

Pour finir, il nous paraît important de rappeler ce qu’a dit le doyen, le professeur Adama KPODAR, Agrégé de droit public et de science politique, Vice Doyen de la Faculté de droit de Lomé dans son commentaire sur la décision DCC 09-002 du  8 janvier 2009, Une bonne année à la démocratie pluraliste, je cite « En prenant une décision contraire à ce qui a été dit dans la DCC 09-002- du  8 janvier 2009, la Cour Dossou aurait commencé par creuser le «tombeau» de la démocratie au Bénin » Fin de citation.

Vivement que dans cette première crise de la 6ème législature de notre Assemblée nationale, la Haute juridiction dise strictement le droit pour que, comme l’a dit le doyen, que l’on ne creuse pas le tombeau de notre démocratie.

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