Soutien aux insurgés libyens : la communauté internationale réchaufferait-elle un serpent en son sein ?

Alliés en Libye, ennemis ailleurs. Les Etats-Unis d‘Amérique, la France et la Grande Bretagne savent-ils bien à qui elles ont affaire en Libye ? Bien sûr, ils connaissent Mouammar Kadhafi. Le tout-puissant Guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne, populaire et socialiste. Il leur a donné des raisons de le connaitre. Et de ne pas l’oublier. En mal, mais aussi en bien. Surtout ces dernières années de son retour en grâce dans la communauté des Etats. Il détient des bons du trésor américain, italien et français. Sans son inestimable apport, ces puissances occidentales n’auraient sans doute pas aussi vite émergé de la crise économique de 2008. Ils se souviennent aussi, sans doute aujourd’hui plus que jamais de son rôle dans les attentats de Lockerbie et du DC10 d’UTA.  Donc, Kadhafi, ils connaissent.

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Mais qui, vraiment qui se cache derrière le nébuleux Conseil national de la Transition (CNT) libyen que les Etats sont en train de reconnaître à tour de bras comme le seul représentant légitime du peuple libyen ? Pourquoi les deux tiers des membres du Conseil ne sont-ils pas formellement identifiables ? Raison de sécurité, dites-vous ? Quelques experts du renseignement en visite récemment à Benghazi, fief de l’insurrection armée, n’en sont pas tout-à-fait convaincus. Et pour cause.

 

La révolution libyenne est née de la volonté d’une large frange de Libyens de se soustraire à la domination outrageuse de la vie politique, la confiscation des libertés et des privations quotidiennes imposées par le Guide Mouammar Kadhafi et son clan au pouvoir depuis 42 ans. Dans la dynamique de ce que les Tunisiens, puis les Egyptiens venaient de réaliser, il était désormais devenu apparemment possible, d’imposer aux Chefs d’Etat du monde arabe, fussent-ils Mouammar Kadhafi ou d’autres, des réformes démocratiques qui incluaient leur départ du pouvoir. C’est ce que le peuple libyen a dû s’imaginer. En réalité, hormis les armées égyptienne et tunisienne qui ont décidé de ne pas s’en prendre aux manifestants non armés, tous les autres leaders du monde arabe ont conservé la loyauté de tout ou partie de leurs troupes. Plus les revendications s’étendaient et s’intensifiaient, plus les soldats étaient lancés à l’assaut des contestataires.

En Libye, ces derniers en sont devenus des insurgés. Il ne leur aura pas fallu beaucoup de temps pour opérer leur métamorphose. Des jeunes gens sans aucune expérience militaire sont au front depuis plusieurs mois. Et sans l’intervention décisive de  l’aviation alliée, par la grâce de la résolution 1973, ils eurent été massacrés sans suite. Sachant bien pourquoi, mais ignorant pour qui ils se battent. Car en réalité, selon les conclusions du Centre international de recherche et d’études sur le terrorisme et d’aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) et du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), le projet politique de la branche politique (la mieux organisée) de la rébellion serait loin d’être conforme aux aspirations de ceux qui se font tuer quotidiennement au front. Il serait question d’un projet de mise en place d’un régime islamiste fondé sur la charia, une fois le régime du Colonel tombé. Des islamistes radicaux, éternels ennemis du Guide, seraient parmi les membres du Conseil dont les noms sont tenus secret pour raison de sécurité proclamée.

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Et c’est là que me vient la question la plus évidente que l’on puisse se poser en face de telles suspicions : les Occidentaux ont-ils bien réfléchi avant de s’engager militairement aux côtés du CNT ? Les Etats-Unis d’Amérique auraient-ils déjà oublié les circonstances dans lesquelles un certain Oussama Ben Laden a été recruté, formé et armé par la CIA dans le dessein de combattre l’ennemi soviétique d’alors ? Les dispositions idoines ont-elles été prises pour que n’émerge pas un nouvel Etat « voyou », un nouveau sanctuaire terroriste au sortir du conflit ?

Au regard des particularités de l’entrée en guerre, la précipitation diplomatique provoquée par la fulgurante et meurtrière contre-attaque des forces loyalistes en mars dernier, il y a de quoi en douter. C’est peut-être ce qui explique le désengagement rapide des Etats-Unis au profit de l’OTAN.

Il n’en demeure pas moins que depuis plusieurs semaines, des armes sont fournies à la rébellion en plus de celles qui sont prises aux forces libyennes. Un arsenal potentiellement susceptible de servir d’éventuels éléments terroristes possiblement tapis dans les rangs du CNT. Même s’il ne me paraît pas envisageable que les Etats-Unis aient accordé leur reconnaissance au Conseil sans avoir une idée claire de sa composition et de ses ambitions politiques, il n’en reste pas moins possible que les promesses faites aux alliés d’aujourd’hui peuvent être rompues demain. Et parce qu’ils ne l’ignorent pas, les Etats qui désormais se bousculent pour reconnaître le CNT pensent en réalité bien moins aux rêves de liberté de la population libyenne insurgée, qu’aux intérêts pétroliers, financiers et matériels qu’ils auront à tirer de leur soutien. Posez-vous donc la question : suffit-il de se débarrasser de Kadhafi pour démocratiser la Libye ?

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