Correction du BTS 2011: le règne de la mafia et du clientélisme

Du mercredi 20 au vendredi 22 juillet 2011, les centaines de correcteurs convoqués par la Direction des Examens et Concours du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ont procédé à la correction des copies de quelque 6000 candidats ayant composé pour l’obtention du Brevet de Technicien Supérieur (BTS). Au regard de certains faits ayant émaillé, cette année, l’organisation de cet examen, depuis les épreuves orales jusqu’à la correction, on est en droit d’éprouver de réelles inquiétudes…

Oral d’anglais pour le BTS 2011 au Collège Catholique Père Aupiais. Dans une des salles d’examen, une cinquantaine de candidats assis et tenaillés par l’anxiété attendent le moment fatidique. Un examinateur, bien sûr de sa licence (Bac + 3) en anglais, s’installe pesamment et balaie la salle d’un regard sévère et solennel. Quelques dispositions pratiques puis commence le défilé des candidats. Arrive le tour d’une jeune fille dont le charme, pour ce qu’elle a confié plus tard, n’a pas été sans effet sur le professeur. « Durant la demie heure que j’ai passée avec l’examinateur, l’épreuve orale d’anglais, systématiquement déroulée en français, s’est réduite à un ensemble de questions sur moi : qui je suis, où j’habite, ce que j’aime dans la vie, ce que je pense des relations entre étudiantes et enseignants, si je le trouve attirant, quels sont mes contacts téléphoniques, quand nous pouvons passer un moment à deux et d’autres banalités du même registre », révèle-t-elle. Comme on pouvait s’y attendre, l’heureuse candidate s’en est sortie avec une brillante note. Fait authentique.

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A l’oral mais aussi pendant la correction des copies, presque toutes les disciplines sont affectées par des faits de cette nature : le droit, l’économie et particulièrement les Techniques de l’Expression Ecrite et Orale (TEEO).

Le tsunami…

Si auparavant, l’épreuve des TEEO portait sur la culture générale et la contraction de texte, les réformes de 2007, visant à rendre plus compétitif le BTS béninois dans la sous-région, ont rendu obligatoire la synthèse de documents comme l’exercice unique dans lequel tous les candidats sont évalués quelles que soient leurs filières. Le caractère nouveau de l’exercice dans le paysage éducatif béninois ajouté à sa subtilité et à ses exigences ont amené les anciens directeurs des examens et concours à être particulièrement rigoureux sur le profil des correcteurs. Ils ont alors fixé des critères à même de conférer à l’évaluation dans cette discipline toute sa fiabilité. Deux étaient irréductibles : le correcteur devait être titulaire au moins d’un D.E.A. (Bac + 5) étant donné qu’il est appelé à évaluer des candidats à un diplôme de niveau Bac + 2 ; il devait en outre, avoir enseigné et pratiqué l’exercice au titre de l’année académique en cours. Malheureusement, à l’occasion de la correction des copies de TEEO pour le BTS 2011, un tsunami semble avoir ravagé ces critères de base. Sur la centaine de correcteurs officiellement convoqués par la DEC, la moitié au moins ne pouvait justifier du niveau universitaire requis.

Pis, le rendez-vous du mercredi 21 juillet 2011 a été, pour beaucoup de correcteurs en TEEO, l’occasion d’un tout premier contact avec l’exercice de synthèse de documents. Ils ne devraient donc manifestement pas être plus informés que les candidats qu’ils avaient la charge d’évaluer. Pour comble, certains parmi eux, déjà diminués pour les raisons qui viennent d’être évoquées, n’ont même pas eu l’occasion d’assister ni au débat sur le corrigé-type, ni à la correction collective en commission. Etant eux-mêmes à mille lieues d’imaginer qu’on les appellerait pour corriger cet examen, ils étaient bien loin sinon de Cotonou du moins du Collège Aupiais qu’ils ont dû rallier en catastrophe pour prendre le train en marche, au péril des candidats.

D’autres anomalies sont apparues au cours des travaux. Pendant qu’ils corrigeaient le BTS, certains enseignants devaient en même temps se présenter dans les centres d’examen où étaient prévues les épreuves orales du baccalauréat. Tiraillés entre plusieurs fronts et ne voulant rien rater, les enseignants concernés ont dû corriger, dans la seule journée du jeudi, le lot de copies du jour et entamé sans émoi celui prévu pour le lendemain, vendredi, jour de l’oral du bac. On n’a pas besoin de décrire les conditions particulièrement expéditives dans lesquelles ces enseignants ont travaillé pour répondre sur les deux fronts. Indice révélateur : au bac, certains examinateurs ont tenu le pari d’interroger 50 candidats en moins de quatre heures ce qui suppose qu’ils réglaient à chaque candidat son compte en moins de 5mn. Ces examinateurs n’étaient certes pas obligés d’être à la fois présents au BTS et au bac. Mais le gain les y a poussés.

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L’argent et toujours l’argent…

La course au gain s’introduit en effet dangereusement dans l’organisation des travaux d’examen. Le clientélisme s’y ajoute pour expliquer la ruée de correcteurs observée cette année dans la commission des TEEO et autres disciplines. Leur profil si disparate – professeurs d’université, doctorants, inspecteurs de l’enseignement secondaire en exercice ou à la retraite, conseillers pédagogiques, professeurs certifiés ou non de collège – révèle qu’à côté de ceux qui devraient y être, il y a eu la longue liste des amis et des « amis des amis » qu’on a fait venir pour leur permettre de grappiller quelques milliers de nos francs après avoir gratté au stylo rouge les copies, dans une relative opacité.

Face à un tel imbroglio, on est en droit de se poser quelques questions. Sur quels critères le DEC s’est-il fondé pour établir la liste des correcteurs ? A-t-il recueilli l’avis de personnes avisées du supérieur étant entendu que lui-même, DEC de l’enseignement supérieur qu’il est, enseigne plutôt au secondaire ? Est-ce parce qu’il est du secondaire que le DEC a cru devoir battre le rappel de la troupe dans cet ordre d’enseignement ? Est-il conscient, surtout en TEEO, qu’en convoquant des enseignants qui n’ont pas la pratique de la synthèse de documents, ceux-ci risquent d’être trop sévères ou trop larges, faussant ainsi les normes de l’évaluation ?

Sauver le BTS béninois…

Faut-il le rappeler, les réformes de 2007 visaient à donner plus de crédibilité au BTS béninois en l’insérant progressivement dans la chaîne des diplômes professionnels au plan international. On comprend d’ailleurs pourquoi le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES) s’en est mêlé, depuis quelques années, en fixant des normes quant au contenu des enseignements et au profil des enseignants. A titre indicatif, pour une formation de niveau bac + 2 et plus, l’enseignant doit justifier au minimum d’un DESS ou d’un DEA. Pour avoir le ‘’label CAMES’’, plusieurs établissements privés d’enseignement supérieur ont dû faire des pieds et des mains pour se conformer à cette règle. On comprend alors difficilement que, contre cette dynamique, la DEC, émanation de l’autorité de l’Etat, choisisse souverainement de ramer à contre courant en faisant appel à des titulaires de maîtrise voire de licence, fussent-ils certifiés, pour corriger le BTS. Les mathématiciens l’ont si bien compris. Chez eux, ne corrige pas le BTS qui veut ou qui a des entrées dans certains milieux. Seuls des enseignants ayant le profil requis participent effectivement aux travaux.

Un examen est une chose trop sérieuse pour qu’on s’en amuse. Il détermine l’avenir des candidats et partant celui de la nation. Son organisation requiert norme, rigueur, gravité. Toute personne qui y est associée remplit donc une mission sacrée et doit en être consciente au risque d’en arriver à l’assassinat des candidats. Dans les évaluations, il est impérieux d’éviter les profils hasardeux. On doit alors faire le ménage à tous les niveaux, fixer des normes irréductibles à même de conférer aux diplômes délivrés toute leur valeur.

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