Ce fut au cours d’un séminaire. Un jeune homme, malgré tous mes efforts de persuasion, ne voit décidément pas à quoi peuvent servir les partis politiques ; il ne comprend pas qu’on impose des listes de partis politiques ou de groupes de partis politiques pour participer aux élections législatives, alors que c’est loin d’être le cas pour les élections présidentielles et locales ! Beaucoup de jeunes ont certainement ce même questionnement que leur congénère : à quoi servent donc les partis politiques dans notre Renouveau démocratique ? D’abord une observation. Aucun de nos trois Présidents de la République de l’ère du Renouveau démocratique n’a été un homme politique, créateur et gestionnaire de parti politique ; même si pour briguer la magistrature suprême, ils ont été cooptés et soutenus par des formations politiques. Au fur et à mesure qu’évolue notre processus démocratique, le rôle et l’influence des organisations politiques baisse tout autant. Avec Nicéphore SOGLO, il y eut le FURD, les partis de l’UTR, avant que la Renaissance du Bénin, excipant de son caractère de parti créé par la première dame d’alors, ne se pose comme le seul parti de tous ceux qui veulent soutenir le Président de la République en exercice et affirme ainsi son hégémonie exclusive à tous les « sogloïstes » ! Le Général Mathieu KEREKOU, le Grand camarade de lutte de la Révolution, président du Comité central et du Bureau politique d’un parti soi-disant marxiste-léniniste, apparaît dès l’abord comme plus politisé que ses deux compères. Voire ! S’il se reconnaissait volontiers comme le « candidat des candidats », et semblait prendre en considération les desiderata des partis constitutifs de la Convention Démocratiques des Forces du Changement qui l’ont porté au pouvoir, moins de deux ans après il s’est libéré de leur tutelle politique et ne semblait guère depuis lors leur prêter la moindre attention. Avec le Docteur Boni YAYI, ce fut un conglomérat de mouvements éphémères qui ont eu du mal à se vertébrer comme forces politiques au sein des FCBE, bien qu’ils l’aient aidé à accéder au pouvoir. Si ces mouvements ont réussi dans la tâche de positionnement les vrais yayistes sur les listes aux élections législatives, contrairement à l’UBF sous le Général Mathieu KEREKOU, s’ils ont joué un rôle capital dans la réélections du Président Boni YAYI, dès les élections présidentielle et législatives terminées, sommeil de plomb ! Nous n’avons donc pas encore de vrais partis politiques chez nous, avec des identités politico-idéologiques affirmées comme les partis politiques dans les grandes démocraties du Nord, mais des clubs électoraux factices qui ne savent pas quel rôle joué après les échéances électorales. Pourtant, le constituant béninois a conféré aux partis politiques le rôle important d’animer la vie publique. Le Gouvernement et son chef, manquant ainsi cruellement de la mission nécessaire d’agrégation des idées et des intérêts que doit avoir une bonne intermédiation politique, se tourne vers les groupes religieux et autres cultes traditionnels ! Nous avons un ministère chargé des relations avec les institutions et la société civile, un ministère chargé des cultes, mais aucun ministère chargé des relations avec les organisations politiques ! D’où dans les nouvelles démocraties, la base du pouvoir étant devenue traditionnelle, le pouvoir étatique dans la pure ligne de l’analyse politique systémique, ne peut s’élever au-dessus d’une logique traditionnelle dont les manifestations les plus fréquentes sont le despotisme et le néo-patrimonialisme. On comprend que nos différents chefs d’Etat du Renouveau démocratiques dont aucun n’est issu de la classe politique nationale, n’acceptent guère d’être soumis aux programmes et politiques déclinés par les partis politiques qui les soutiennent. Même dans l’opposition, la Renaissance du Bénin, malgré la présence en son sein de jeunes et brillants hommes politiques, n’a pas résisté au fatalisme de devenir au plus une épicerie familiale, tout juste bonne à positionner d’heureux cooptés sur les listes des candidats aux élections législatives et locales. Dans la dernière crise sociale, crise grave s’il en fût, les partis politiques de la mouvance comme de l’opposition ont brillé par leur absence sur le terrain des positions politiques. On a eu recours à la médiation des organisations religieuses et à celle, beaucoup plus subtile des forces armées ; pendant que le Chef de l’Etat et son Premier ministre étaient dramatiquement seuls ! Que faire ? L’actuel Chef de l’Etat semble être parmi nos Présidents de la République le plus ouvert et le plus humble. En effet, beaucoup de politologues et de journalistes ont stigmatisé ce manque de présence chez nous d’une bonne intermédiation politique ; or, dans son discours à la Nation du 31 juillet, le Chef de l’Etat a proposé un canevas de rencontres et de dialogue national de toutes les forces vives. C’est déjà un bon début pour refonder le rôle incontournable des partis politiques dans notre processus démocratique.
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