Voici un document qui nous ôte de l’amnésie collective. Depuis quelques jours, le gouvernement a fait voter une loi portant Règles générales applicables aux personnels paramilitaire, forces de sécurité publique et assimilés qui interdit le droit de grève aux paramilitaires. Cette volonté de disposer d’une telle loi ressemble bien à une obstination dans l’injustice puis qu’en 2006, la Cour constitutionnelle a rendu la décision Dcc 06-034 qui stipule clairement que les forces armées ne peuvent être privées du droit de grève.
Depuis le lundi dernier, l’Assemblée nationale a voté la loi portant Règles générales applicables aux personnels paramilitaires, forces de sécurité publique et assimilés qui interdit clairement la grève aux douaniers, policiers et agents des Eaux et forêts. Pourtant, une telle loi ne devait émaner du gouvernement déjà débouté en 2006 par la Cour Constitutionnelle dirigée alors par Feue Conceptia Ouinsou. En effet, pour vérifier sa conformité à la constitution, le Chef de l’Etat, le même, a porté devant la Cour constitutionnelle la loi portant Statut général des personnels militaires des Forces armées béninoises votée le 29 décembre 2005. Dans cette décision, la Cour dit que l’article 9-8° est contraire à la constitution puisque, dixit la Cour, « la constitution ne prévoit aucune exception au droit de grève pur telle ou telle catégorie». Elle cite l’article 31 : « L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi ». Dans son explication, la Cour explique que « Le droit de grève ainsi proclamé et consacré par la constitution du 11 décembre 1990 est un droit absolu du profit de l’ensemble des travailleurs dont les citoyens en uniforme des Forces armées. Le législateur ordinaire ne pourra porter atteinte à ce droit. Il ne peut que dans le cadre d’une loi en tracer les limites, et, s’agissant des militaires, opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la sauvegarde de l‘intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Les conseillers de Yayi n’ont certainement pas pris connaissance de cette décision ? Et c’est malheureusement leur ignorance qui nous vaut toutes les aberrations racontées ça et là sur les médias par les hommes du pouvoir sur le droit de grève.
Décision DCC 06-034 de la Cour constitutionnelle
La Cour Constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 13 janvier 2006 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 00 l-C/014/REC, par laquelle le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, sur le fondement des articles 117 et 121 de la Constitution, soumet au contrôle de constitutionnalité, la Loi n° 2005-43 portant Statut Général des Personnels Militaires des Forces Armées Béninoises, votée par l’Assemblée Nationale le 29 décembre 2005;
VU la Constitution du Il décembre 1990
VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001;
VU le Règlement Intérieur, de la Cour Constitutionnelle;
Ensemble les pièces du dossier;
Ouï le Conseiller Pancrace Brathier en son rapport Après en avoir délibéré,
Considérant que l’examen de la loi déférée révèle que certaines de ses dispositions sont conformes à la Constitution sous réserve d’observations, que d’autres y sont contraires et que d’autres y sont conformes;
En ce qui concerne les dispositions conformes à la Constitution sous réserve de certaines observations.
Considérant qu’il résulte de l’analyse de la loi sous examen qu’il y a lieu de: l’article 15 alinéa 2: Ecrire plutôt: «Comme tout citoyen, un militaire peut aussi intenter toutes actions…», le militaire étant d’abord citoyen.
Article 15 alinéa 3: Ecrire plutôt: «Les décisions administratives de nature à porter atteinte aux intérêts de carrière…»;
– Supprimer le groupe de mots: «devant la Cour Suprême». Ecrire plutôt: «…, peuvent faire l’objet de recours contentieux devant les juridictions administratives compétentes»;
Il en sera ainsi en raison de l’article 49 de la nouvelle Loi n° 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin aux termes duquel:
« Les tribunaux de première instance sont juges de droit commun en matière péna1e, civile, commerciale, sociale et administrative».
L’alinéa 3 de l’article 15 devient: «les décisions administratives de nature à porter atteinte aux intérêts de carrière des personnels militaires, peuvent faire l’objet de recours contentieux devant les juridictions administratives compétentes».
Article 57 alinéa 2: Reformuler de façon suivante:
«L’officier ne peut le perdre… que pour l’une des causes suivantes:
– perte de la qualité de citoyen béninois;
– condamnation pour haute trahison, forfaiture et crime contre la Nation et l’Etat conformément aux textes en vigueur;
– déchéance des droits civils conformément aux textes en vigueur;
– condamnation à une peine afflictive ou infamante; … », le reste sans changement.
Les infractions telles que la haute trahison, la forfaiture et le crime contre la Nation et l’Etat doivent d’abord faire l’objet de condamnation par les juridictions avant d’être cause de perte de grade.
Article 64 alinéa 2: Ecrire plutôt: «en position de non-activité» au lieu de : «en non-activité» ;
Il en sera ainsi pour les articles 65, 66, 68, 82, 108 et 113;
Article 108 alinéa 2: Même observation qu’à l’article 57 alinéa 2.
En ce qui concerne les dispositions contraires à la Constitution.
Considérant qu’il ressort de l’examen de la loi déférée que certaines de ses dispositions sont contraires à la Constitution en ce que:
Article 9 – 8°: la Constitution ne prévoit aucune exception au droit de grève pour telle ou telle catégorie. En effet, la Constitution dispose en son article 31:
« L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi».
Le droit de grève ainsi proclamé et consacré par la Constitution du 11 décembre 1990 est un droit absolu au profit de l’ensemble des travailleurs dont les citoyens en uniforme des Forces Armées. Le législateur ordinaire ne pourra porter atteinte à ce droit. Il ne peut que dans le cadre d’une loi en tracer les limites, et, s’agissant des militaires, opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte. Dans le cas d’espèce, si la grève des militaires peut porter atteinte au principe constitutionnel de «protection et de sécurité des personnes», sa licéité peut être limitée par le législateur pour raisons d’intérêt public.
Article 13 alinéa 1er: Mêmes observations qu’à l’article 9- 8° à cause du mot à caractère « syndical ».
Article 18 alinéa 2: Cette restriction viole le respect du principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire qui donne au Procureur de la République compétence pour désigner l’officier de police judiciaire de son choix pour mener une enquête.
En ce qui concerne les dispositions conformes à la Constitution.
Considérant que toutes les autres dispositions de la présente loi sont conformes à la Constitution;
DE CI DE:
Article 1er.- Sont conformes à la Constitution sous réserve des observations ci-dessus, les articles 15 alinéas 2 et 3, 57 alinéa 2, 64 alinéa 2, 65, 66, 68, 82, 108 alinéa 2, 108 alinéa 2, 7° tiret et 113 dernier alinéa.
Article 2.- Sont contraires à la Constitution les articles 9- 8°, 13 alinéa 1er et 18 alinéa 2.
Article 3.- Toutes les autres dispositions de la loi sont conformes à la Constitution.
Article 4.– Sont inséparables de l’ensemble du texte les dispositions citées aux articles 1er et 2 de la présente décision.
Article 5.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel.
Ont siégé à Cotonou, le quatre avril deux mille six,
Madame Conceptia D. OUINSOU Président
Messieurs Jacques D. MAYABA Vice-Président
Idrissou BOUKARI Membre
Pancrace BRATHIER Membre
Christophe KOUGNIAZONDE Membre
Madame Clotilde MEDEGAN-NOUGBODE Membre.
Le Rapporteur, Le Président,
Pancrace BRATHIER Conceptia D. OUINSOU