Après la Libye, à quand la Syrie ?

Le printemps arabe va son train. Ils sont déjà trois Chefs d’Etats arabes naguère encore jugés indéboulonnables à l’avoir éprouvé de rude manière. Après Zine el-Abidine Ben Ali qui a à peine eu le temps de se rendre compte de son éviction que déjà c’était fait, après Mohamed Hosni Moubarak débarqué avec la bénédiction de ses frères d’armes, voici arrivée l’heure du Guide libyen Mouammar Kadhafi. Et il semblerait que ce ne soit pas fini. Le Yémen, dont le Président Ali Abdallah Saleh se remet en Arabie Saoudite d’un attentat qui a failli lui coûter la vie, Bahreïn et surtout la Syrie de Bachar Al-Assad semblent dans les starting-blocks pour compléter l’extension de la révolution en cours dans le monde arabe.

Les émeutiers révolutionnaires du monde arabo-musulman en ébullition semblent être bien décidés à nettoyer l’ensemble de leurs Etats des régimes totalitaires qui depuis quelques décennies faisaient de cette partie du monde un spécimen politique sui generis. Depuis, on a bien compris qu’il n’en est absolument rien. L’absence de libertés démocratiques n’est pas admise et acceptée de si bon cœur qu’ont toujours voulu le faire croire les chefs d’Etat despotiques qui ont assis sur ces pays les régimes abjects et pour la plupart corrompus qui s’écroulent aujourd’hui les uns à la suite des autres. Dans cette liste, le régime syrien oppose une résistance qui n’a d’égale que la détermination d’un peuple décidé à en découdre et à en finir sans recourir, ni à une intervention extérieure armée, ni à la prise des armes. En effet, confronté à la contestation populaire la plus importante de toute l’histoire de la Syrie, le président Bachar plie, plie mais ne rompt pas.

Quelques jours seulement après les Libyens, les populations syriennes ont pris d’assaut les rues et les places publiques de Damas, Lattaquié, Homs, ou encore Alep, pour réclamer comme leurs frères égyptiens, tunisiens, bahreïnis, yéménites et libyens la chute du dictateur. Mal leur en a pris. Presque aussi violemment qu’en Libye, c’est à coup de répressions massives, au prix de dizaines de morts quotidiens qu’ils sont en train de payer la rançon d’une liberté qu’ils n’ont même pas encore arrachée. Et la communauté internationale, empêtrée dans ses divisions sempiternelles, n’est jusque-là parvenue à faire adopter qu’une déclaration liminaire condamnant le caractère massif et systématique de la répression. Et encore ! Dans des termes plus qu’édulcorés. La faute à ceux qui ont interprété à leur guise la résolution 1973 sur la Libye au point de parvenir, par extrapolation, à chasser du pouvoir le Guide Mouammar Kadhafi. En conséquence, nombreux sont les Etats membres permanents ou non du Conseil de sécurité de l’ONU à se préparer à voter contre tout texte dont l’interprétation risquerait de produire des effets similaires en Syrie.

Néanmoins, depuis que la situation est « en voie de normalisation » en Libye, les caméras des grands médias internationaux toujours si prompts à détecter et à faire parler de toutes les misères des hommes, sont de plus en plus orientées vers le régime de Bachar al-Asssad et vers la féroce coercition qu’il inflige aux contestataires de son pouvoir. Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour voir se décréter des sanctions de l’Union européenne et des Etats-Unis d’Amérique. Sanctions qui devraient être renforcées dans les jours à venir, au risque de faire définitivement du Président syrien un paria dans la communauté internationale. Il ne resterait dès lors plus aux puissances occidentales qu’à convaincre la Chine et la Russie de ne pas faire obstacle à la protection des civils pour qu’advienne la première résolution de l’Onu allant dans ce sens. Ce ne sera sans doute pas une mince affaire, d’autant que les contestataires syriens ont clairement signifié leurs réticences à l’encontre d’une éventuelle intervention extérieure. Mais tout de même, l’idée d’une responsabilité qui s’imposerait à la communauté internationale d’apporter assistance à peuple en danger pourrait éventuellement faire bouger les lignes dans les plus réticents des Etats membres du Conseil de sécurité.

C’est pour toutes ces raisons que le régime syrien paraît désormais sur le retour. Sans doute lui reste-t-il encore quelques chances de se sauver, car la communauté occidentale n’a certainement pour l’instant ni l’envie, ni les moyens de s’engager dans un nouveau conflit. Mais l’autisme est une maladie mortelle en politique internationale. Si Bachar al-Assad ne l’a pas déjà compris, les jours, les semaines et les mois à venir risquent de lui apprendre. Douloureusement.

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