La recette pour changer nos prisons

La prison civile de Porto-Novo était au bord de l’explosion. C’était ce mercredi 21 septembre 2011. Comme diraient les Fon, « Dieu était présent ce jour là ». Et le pire a été évité de justesse, les forces de sécurité ayant réussi à étouffer un début de soulèvement.

Ce fait divers ramène à la surface de l’actualité le problème plutôt récurrent de nos prisons, véritables cimetières des droits humains. Comme si le citoyen derrière lequel se referme une porte de prison est ravalé au rang de la bête. Il est aussitôt broyé, réduit à néant, marqué à jamais au fer rouge de l’humiliation.

Il y a à peine trois semaines, le Chef de l’Etat s’était rendu à la prison de Cotonou. Une visite instructive à plus d’un titre. Elle a permis au premier magistrat de côtoyer les prisonniers, de se faire une idée de leurs conditions de vie. Mouroir pour certains, antichambre de l’enfer pour d’autres, la prison, dans notre pays, malgré les bonnes intentions affichées, ne bouge pas beaucoup. Les recettes de nos experts n’ayant changé ni l’environnement de nos prisons ni le sort de nos prisonniers, pourquoi ne pas essayer, comme on dit, une recette de bonne femme ? Elle s’articule en ces cinq points.

Premier point. Albert Tévoèdjrè, Médiateur de la République, se fait, à travers ses rapports annuels, la voix officielle la plus constante pour attirer notre attention sur les graves atteintes aux droits humains derrière les murs de nos prisons. C’est tout à son honneur. Mais doit-il continuer de prêcher dans le désert ? Le Médiateur de la République a désormais l’obligation de faire un pas de plus dans la bonne direction : donner la preuve de sa sincérité en jetant le poids de sa démission dans la balance. Comme s’il nous faisait comprendre à tous, «J’ai assez parlé. L’heure de vérité est arrivée. Ou ça change dans nos prisons ou je me casse!»

Deuxième point. Le Chef de l’Etat, au terme de sa visite à la prison civile de Cotonou, a promis des mesures hardies de correction et de réhabilitation. Mais depuis, plus rien. Silence radio sur le sujet, dans les plus hautes sphères de l’Etat. Un député de notre Parlement devrait, sans délai, se faire le devoir d’adresser une question orale au gouvernement. Quid des bonnes intentions du Chef de l’Etat ? Pourquoi ce silence ? Quelle est la politique du gouvernement en matière de gestion de nos prisons ?

Troisième point. Le Chef de l’Etat a paru fort bouleversé par ce qu’il a vu et entendu à la prison civile de Cotonou. Mais s’il veut se faire une idée plus juste, plus exacte de notre système carcéral, Cotonou ne peut être que la toute première étape dans sa tournée des prisons. Le Président doit exiger qu’on lui ouvre les portes des autres prisons du Bénin. Ne prenons pas le risque de laisser la quatre étoiles de nos prisons, celle de Cotonou, cacher au Président la forêt plutôt dense en anomalies diverses des autres prisons du Bénin profond.

Quatrième point. Monseigneur de Souza, de regrettée mémoire, passait les fêtes de fin d’année avec les prisonniers de la prison civile de Cotonou. Autant nous aimons invoquer la mémoire de ce prélat d’exception, autant nous devons chercher à lui ressembler. Sa mort a rendu orphelins les détenus de la prison civile de Cotonou. Et aucun homme d’Eglise ne s’avise depuis de reprendre le flambeau. Nous avons besoin d’être rassuré que l’héritage est toujours en de bonnes mains. C’est le plus bel hommage que nous puissions rendre à l’illustre disparu.

Cinquième point. Sans attendre l’Etat, souvent dans une posture de retardataire, beaucoup d’anonymes oeuvrent en faveur de nos prisons et de nos prisonniers. Ce n’est pas parce qu’ils ont choisi d’agir en silence et dans la discrétion que nous devons les ignorer. Il est temps de les identifier, de les recenser, de reconnaitre leur mérite et de les citer en exemple. Un Etat reconnaissant est celui-là qui a compris cette importante loi universelle : donner pour recevoir, semer pour récolter. Et l’abondance de ce que nous donnerons à nos prisons, de tout cœur et dans un esprit de partage, ne nuira point à nos prisonniers.

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