Les limites d’une révolution froide

On attendait au tournant cette belle dame à la chevelure d’elfe et au franc-parler décapant : celui d’une femme sans complexe. Qu’est-ce que Marie Elise GBEDO fera-t-elle d’original dans une équipe gouvernementale où la langue de bois est de mise et où on n’aime guère les fortes têtes et les grandes gueules, surtout de quelqu’un d’un sexe que les hommes ont déclaré faible ? Faute d’actions spectaculaires, nous savourons au moins les aphorismes truculents : 1) L’Etat béninois est pauvre, mais ses citoyens sont riches.

2) Il s’agit d’une mission de salubrité morale.

Cette dernière sortie de notre ravissant Garde des Sceaux mérite une attention particulière dans un pays où, se désole le professeur Albert TEVOEDJRE, on n’aime plus guère réfléchir. Vous avez dit une mission de salubrité morale ? La refondation est donc un vrai processus révolutionnaire ! Or, tous les progressistes du monde entier vous le répéteront à loisir : il est dangereux d’engager de profondes réformes qui touchent à des intérêts mafieux et à des habitudes solidement ancrées, sans une forte mobilisation directe ou indirecte, à travers des organisations politiques ou citoyennes, des masses populaires ou si vous n’aimez pas ce terme, du peuple tout entier, le seul détenteur de la souveraineté nationale. C’est à lui seul que revient le dernier mot dans toute réforme. Parce que de vraies réformes révolutionnaires ne sont pas une sinécure ou un dîner de gala : leur succès tient surtout à leur association à la gigantesque œuvre de patriotes sincères favorables au changement contre tous les ronds-de cuir conservateurs. Aussi la volonté politique individuelle et les convictions personnelles ne suffisent-elles pas. Une vraie révolution qui veut le changement de l’ancien système de chose « à travers les hommes, les structures et l’idéologie qui le porte » ne peut avoir son seul bon sens et son seul bon droit pour réussir. Le peuple béninois, s’il était consulté, serait d’accord que la chienlit actuelle où sur une année de 365 jours nous passons les ¾ du temps à nous amuser dans des débrayages stériles, n’est guère propice à l’émergence du Bénin comme pays à revenus intermédiaires, quittant le groupe humiliant des Pays les Moins Avancés ou pire les Petits Pays Très endettés, alors que déjà l’Ile Maurice, le Cap-Vert, le Botswana, le Gabon, nations à qui nous n’avions rien à envier à l’orée de notre indépendance en 1960, nous ont devancés, nous de l’ancien Quartier latin de l’Afrique, plus forts à manier mille métaphores que quelques excavateurs. Si le peuple béninois, plutôt fort de son bon sens paysan était consulté, il accepterait sans rechigner qu’un corps au statut particulier où il y a des colonels, des commandants, des capitaines, des lieutenants etc. est un corps paramilitaire, formé et traité administrativement et financièrement comme tel, avec les servitudes subséquentes : ses membres doivent être présents partout où le devoir les appelle, donc ne peuvent et ne sauraient même penser se mettre en grève ! Cependant, certains débats ne peuvent plus se circonscrire à l’Hémicycle ; ils doivent descendre au sein du peuple tout entier par l’intermédiaire des organisations politiques et des organisations de la société civile. Nous avons fini les élections ; à moins de vouloir un troisième tour, celui du désordre, aucun citoyen béninois qui a un peu de jugeote ne peut accepter que la douane qui chez nous est un corps paramilitaire puisse entrer en grève, contribuant ainsi à la ruine du pays. Les services financiers ne sont pas plus à être privilégiés ou respectés que d’autres corps de l’Etat : les corps de l’enseignement, de la justice, des forces de sécurité publique, et j’en passe. Le Président de la République actuel est là pour encore quatre ans, mais après lui le pays doit demeurer viable ; autrement, nous serions poursuivis par la malédiction du Mythe de Sisyphe : après une brève période d’accalmie et de stabilité, nous renouons avec nos vieux démons dont le poujadisme et la tentation insurrectionnelle. Ce n’est pas aux ministres à sensibiliser le peuple, c’est aux partis politiques ; mais que font-ils et comment comprendre leur silence de plomb ? Personne n’a pensé à une marche de soutien en faveur des réformes courageuses et salutaires en cours ! Mais il ne s’agit pas de Boni YAYI, mais des générations futures. Sommes-nous fiers que nos enfants pour qui nous avons consenti tant de sacrifices, restent à la maison à dormir alors qu’ils sont diplômés de nos centres de formation ? Il s’agit de sursaut patriotique ; il s’agit de l’union sacrée des fils de ce pays pour sauver la nation en danger face à des gens dont la seule manière de faire la révolution populaire est de semer la zizanie et la pagaille.

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