Lettre ouverte au Bénin sportif

Quand le football s’enrhume, c’est tout le sport au Bénin qui prend froid. Cette prédominance du football sur les autres disciplines sportives en fait, selon l’expression consacrée, le « Sport roi », le sport qui a su gagner la faveur d’une majorité de nos compatriotes. Or, le sport roi est malade, très malade. Depuis plus de dix mois, il traine un mal pernicieux qui le mine, qui le ronge. Les grands acteurs, ordonnateurs de la vie et de la mort de notre football, se déchirent et s’entredéchirent. La guerre fratricide qui les oppose a déjà outrageusement balafré et mutilé le corps et l’esprit du sport roi. La haine se répand depuis comme une traînée de poudre toxique. Le poison de la division n’épargne rien ni personne : les ligues, les équipes, les familles, les rédactions de nos organes de presse…

Qui comptabilisera les dommages collatéraux de cette guerre sans merci ? Ils sont des centaines de jeunes, admis dans des centres de formation, qui sont désormais sans avenir depuis que le football de leur pays a perdu la boussole de son avenir. Leurs rêves de s’illustrer aussi brillamment qu’un Samuel Eto’o ou qu’un Didier Drogba, se sont desséchés, pendant aux branches mortes de l’arbre du désespoir.

Que dire des joueurs qui surfaient déjà allègrement, tous les week-ends, sur les crêtes enchantées d’un championnat professionnel national ? Ces joueurs, devenus chômeurs, par la force des choses, s’entrouvraient déjà, en esprit, les portes d’un avenir brillant sous des cieux où le football vaut de l’or en barre. Adieu veau, vache, cochon, couvée…Tout se casse, se brise et se répand dans la poussière de l’inessentiel.

Les entraîneurs, les soigneurs, les arbitres, les supporters partagent le même triste sort. Elle s’est brutalement arrêtée, la merveilleuse machine du football. Et dire qu’elle nourrissait les uns ; qu’elle réjouissait le cœur des autres ; qu’elle justifiait les raisons de croire et d’espérer de tous. Tous ces gens n’ont point besoin de porter le deuil pour que leur deuil éclate à nos yeux à tous.

Tout semble avoir été essayé pour sortir notre football moribond d’une agonie profonde. Des bonnes volontés ont offert leur médiation. Mais elles n’ont pas pu faire mieux que des voix qui prêchent dans le désert. Des tribunaux internationaux ont été sollicités pour dire le droit. Mais leurs décisions n’ont pas pesé plus lourd dans la balance du conflit qu’un écureuil rivalisant de poids avec un éléphant ou un lion. C’est la preuve par neuf que la solution à la crise de notre football n’est ni hors de nos frontières, ni dans des mains autres que celles des Béninois eux-mêmes. Le salut de notre football est au Bénin, avec des Béninois.

Où au Bénin ? Qui au Bénin ? Nous avons regardé du côté des autres disciplines sportives, avec leurs fédérations respectives. Leur silence dans cette crise et sur cette crise qui secoue le sport roi est plus qu’assourdissant. A moins que leur discrétion ne se confonde avec une démission tranquille et élégante.

C’est vrai, le football n’est pas la boxe, le basketball, le volley-ball, le handball, le judo, l’athlétisme ou le cyclisme. Il reste que personne ne peut dormir du sommeil du juste alors que brûle la maison du voisin. Les flammes qui ravagent notre football n’épargneront pas, à terme, les autres disciplines sportives. Si bien que l’intelligence stratégique, aujourd’hui, c’est sauver le football pour s’assurer de sauver le sport béninois en général et chacune des autres disciplines le composant.

Autrement dit, les autres disciplines sportives n’auront d’existence, de vie active qu’à la condition expresse de s’engager ferme et de s’investir à fond dans la recherche d’une solution à la crise du football. Cela appelle que les responsables des fédérations de ces différentes disciplines sortent de leur léthargie, prennent les attaches nécessaires avec les autorités politiques, les responsables de notre football et aident à créer les conditions d’une réconciliation. Celle des têtes d’affiches de notre football. Celle du sport béninois avec lui-même. Voilà le grand défi qui doit, à partir de cet instant même, mobiliser nos volontés et nos intelligences. Alors, chers amis, au travail et sportivement vôtre.

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