La proposition de loi par rapport à l’interdiction de l’exercice du droit de la grève par les douaniers fait couler beaucoup d’encres et de salives. Et pour cause, le président a rencontré hier matin les douaniers retraités et les agents contractuels de la douane. Au cours de cette rencontre, il a été question de prendre les douaniers à témoin par rapport aux mesures qui seront prisent une fois la loi promulguée.
«C’est la patrie ou la mort; trop c’est trop; celui qui entraine la violence aura la violence ». Ce sont là, quelques unes des dernières phrases de l’intervention du président de la république à la fin de sa rencontre avec les douaniers retraités hier dans la salle du peuple du palais de la présidence. Boni Yayi pense que les grèves qui s’organisent dans le pays sont faites de façon anarchique. D’abord il s’est attaqué à celles qui avaient été observées au ministère de l’économie et des finances. « Ils se sont attaqués à l’affaire Dangnivo, un monsieur que je ne connais même pas pour faire durer la grève pendant huit mois. J’ai tout fait pour que se manifeste la vérité mais les gens n’ont pas voulus qu’elle se manifeste. Et au même moment, on les paies pour qu’ils fassent de la grève » a-t-il déclaré. En ce qui concerne la grève des douaniers, il soutient qu’elle fait perdre beaucoup d’argent à l’Etat béninois. En plus le pays est puni par le Fond monétaire international (Fmi). Pour ne plus être victime des punitions du Fmi, il est important de prendre des mesures idoines. D’où des projets et propositions de loi pour accompagner les reformes nécessaires. « Les douaniers n’ont rien fait pour que je sois contre eux. Au contraire, je les encourage à continuer le travail qu’ils font et qui n’est pas facile. Mais je ne comprends pas le fait qu’ils organisent des grèves à tous bouts de champ sous prétexte qu’ils sont victimes de marginalisation de la part du gouvernement », a laissé entendre le Chef de l’Etat. « Le pire, on me demande à moi qui suis le président de la république élu par plus de la moitié des béninois de présenter des excuses publiques aux douaniers. Cette demande n’est rien d’autre que de la désobéissance à l’endroit non seulement des institutions de la république mais aussi à l’endroit de la personne morale qu’est l’Etat que je représente », s’est-il offusqué. Aussi, pense t-il que la démocratie actuelle qui leur permet de s’adresser ainsi au président de la république est une « démocratie nescafé». Il explique qu’il s’agit d’une démocratie remplie de désordres et d’anarchies. Selon lui, enlever le droit de grève aux douaniers et consorts, n’est pas encore une atteinte aux libertés syndicales. De toutes les façons, il n’attend que la décision de la Cour constitutionnelle qui est seule habiletée à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi votée par les députés. Boni Yayi martèle qu’au cas où cette loi sera déclarée conforme à la constitution, elle sera automatiquement promulguée. Et comme mis en garde, il a déclaré ceci : « Et si après sa promulgation n’importe qui s’entête à déclencher une grève, ces personnes seront purement et simplement radiées de la fonction publique. Il y a plus de 50% de jeunes dans le pays qui attendent de trouver du travail. A côte de ça, on vous fera appel vous les douaniers retraités qui êtes devant moi actuellement. Ce qui veut dire que vous devez être prêt à tout moment pour servir la république. Je suis décidé à mettre de l’ordre dans le pays et tant que je serai là, il n’y aura plus de désordre », a-t-il dit pour finir.
…et conduit le Bénin dans une crise socio- économique
Intimidation, menaces, décisions prises publiquement, diabolisation systématique des autres corps, la méthode ressemble bien à celle de Dadis Camara. L’ex-putschiste guinéen aimait bien médiatiser ses frasques. Hier à la Marina, Boni Yayi a montré un numéro pareil. Dans un discours plein de fiel mais aussi de contradictions, il s’en est pris aux douaniers qui sont manipulés selon lui et qu’il menace de radier s’ils font grève.
Ils doivent le regretter toutes leurs vies. Invités par bande défilante de la télévision nationale pour venir signer au Palais de la Marina des contrats de travail afin de rentrer dans la douane, les douaniers retraités ont passé de très mauvais moments en compagnie du Chef de l’Etat. Comme s’ils étaient ceux qui étaient incriminés, le Chef de l’Etat a profité de leurs présences pour charger les douaniers. Pendant près d’une heure, ils ont subi la colère du président sans jamais avoir eu l’occasion de placer un mot. « Pas de question, si vous avez des questions, posez les à mes conseillers », déclare le président en ire. Pour des retraités de leur âge, c’est un supplice. L’occasion était propice pour régler des comptes. D’abord avec les hommes politiques, ceux de l’opposition que le discours de Yayi semble présenter comme des ennemis de la république, ceux qui ne travaillent que pour détruire le pays et bloquer son développement. Morceau choisi : «Au même moment, on paie les syndicalistes. Si on perd les élections, on perd les élections. Il faut créer des problèmes à celui qui est élu ». Selon Yayi, ce sont eux qui, en représailles contre leur échec électoral, utilisent les syndicalistes qu’ils manipulent par leur argent. Les diatribes de Yayi les présentent comme des bourgeois qui utilisent leur avoir au service du mal. Ce qui est paradoxal lorsqu’on sait que depuis l’arrivée du président Yayi au pouvoir en 2006, tout a été fait pour asphyxier tous ceux qui se réclament de l’opposition ou considérés comme tels. On use de sabotage, d’appropriation inique de leurs biens, de redressement fiscal pour les affaiblir économiquement pour les « tuer » politiquement. Il en profite pour répliquer à la thèse de certaines classes politiques qui dit qu’il a été élu par la fraude. « Tout le monde a voté pour moi. Cette fois-ci j’ai été élu proprement », a déclaré le président Yayi. La deuxième chose, une injure à la mémoire de Pierre Urbain Dangnivo et de sa famille qu’il accuse d’avoir été payé pour refuser de s’associer à la justice. Yayi présente Dangnivo comme un individu inconnu que ni lui, ni son ministre de tutelle ne connaissent. L’autre partie paradoxal du discours, Yayi trouve que les douaniers retraités sont « tous jeunes » et qu’ils peuvent encore servir la république. Pourtant, il y a quelques semaines, c’est le même président qui a ordonné de renvoyer de la fonction publique tous les agents qui ont l’âge de la retraite.
La colère malsaine contre les douaniers
Contre les douaniers, le discours de Boni Yayi est une véritable fatwa. « Si cette loi est promulguée,celui qui va violer cette loi, sera radié », ménace le président Yayi. Pour justifier cela, il donne l’exemple du Sénégal où le président, selon ses dires, Diouf a radié plus de 10.000 policiers sans que rien ne se soit passé. Il les accuse d’être manipulés par les hommes politiques qui leur donnent de l’argent pour l’embêter. A l’entendre, aucune raison n’explique cette grève sauf qu’ils sont manipulés. Que dire des bastonnades fréquentes dont les douaniers sont victimes, de la loi qui les prive du droit de grève ? Que dire de la campagne de dénigrement de ses ministres ? Est-ce que ceux qui vont remplacer les douaniers grévistes connaissent le métier ? Autant de questions qui prouvent que Yayi n’est pas au bout de ses peines.