A la découverte du Béninois

Préjugé ou abus de langage ? On dit que le Béninois est individualiste. Tout pour lui. Rien pour les autres. Et parce qu’il serait bouffi d’égoïsme, il n’aime s’associer à personne. Il préfère jouer en solo. C’est pourquoi, dit-on encore, quand le Béninois est près du but et qu’il est en passe de marquer le but, il pourrait, contre toute attente, botter en touche.

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Voilà un procès fait au Béninois et qui le cloue au pilori. Beaucoup de Béninois donnent le sentiment d’en assumer le verdict. Comme s’ils se résolvaient, en manière d’autocritique, à accepter ce qui leur est reproché.

Nous ne sommes pas prêts, quant à nous, à suivre ces Béninois. La réalité est plus complexe. Il faut s’interdire de la simplifier. L’observation de notre société, dans son fonctionnement, nous oriente vers le rejet de ce supposé individualisme du Béninois. Les Béninois savent s’associer. Les Béninois réalisent, ensemble, de grandes et belles choses.

Les Béninois sont par exemple très famille, si l’on peut dire. En ce que les choses qui touchent à leur communauté de base ne les laissent presque jamais indifférents. Ils s’investiront sans compter dans les baptêmes, dans les mariages et dans les funérailles, avec force uniformes. Ce sont de grands moments qui rassemblent les membres d’une communauté. Lesquels, par l’affirmation d’un fort sentiment d’appartenance, communient à des valeurs partagées.

C’est cet esprit famille qui se poursuit avec de grandes célébrations comme le Nonvitcha, le rassemblement des Mahis de Savalou, le Gani à Nikki ou « la Pâque ouidanienne » ?

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Sur un autre plan, que de découvertes faisons-nous quand nous abandonnons les sphères officielles sur lesquelles se concentrent les caméras de l’actualité médiatique. Prospectons les marges de notre société. Celles qui se situent dans les profondeurs de l’informel ou dans l’anonymat de la marginalité. Allons sur les traces de la tontine par exemple. Ce sont des milliers de banques, bien de chez nous, qui se ramifient et qui irriguent l’univers des affaires dans notre pays. Si les Béninois n’aimaient pas s’associer, comme on veut le faire croire, pourquoi cela marcherait-il ? Et Dieu sait que ça marche ! A côté, c’est plutôt le microcrédit, produit officiel et d’importation qui grince et qui fait du bruit.

Le Béninois signera des chèques sans provision, mentira à son banquier. Mais jamais il ne trompera son tontinier. L’univers moderne de la banque est impersonnel. L’argent du microcrédit est encore perçu comme l’argent de l’Etat qui reste la plantation de Monsieur et de Madame tout le monde. L’univers de la tontine est balisé de valeurs que nul ne saurait enfreindre impunément. Le tontinier est un être de chair et de sang. C’est un autre soi-même. Rien de comparable avec une entité abstraite comme une banque. Un établissement financier ne sait identifier le client qu’à son numéro de compte. Toutes ces considérations pour aboutir aux deux conclusions que voici.

Première conclusion. C’est faux : le Béninois ne rechigne pas à s’associer aux autres ou à travailler avec les autres. Mais il est plus juste de dire que le Béninois tarde à faire son entrée dans l’espace de l’entreprise moderne. Il en ignore encore les règles et les principes fondamentaux. Il n’y retrouve ni ses repères existentiels ni les valeurs que lui fait porter son éducation de base. Entre le Béninois et l’entreprise de type moderne, il y a lieu de parler d’un malentendu profond qui se traduit par un véritable choc de cultures. Dans ce cas, le soi disant individualisme du Béninois est à tenir non pour un trait de caractère, mais pour un moyen de défense. Juste une réaction contre ce qui perturbe sa vision des choses.

Deuxième conclusion. L’entreprise de type moderne est à repenser en Afrique en général, au Bénin en particulier. L’entreprise est à réinvestir d’un certain nombre de valeurs qui tracent au Béninois, dans sa culture de base, un chemin de destinée, tout en lui indiquant les frontières à ne jamais franchir. C’est le « Gbê do su » des Fon. A redécouvrir. A réinterpréter à la lumière des réalités du monde contemporain. A s’en servir, surtout, pour construire le Bénin de nos rêves.

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