Décision Dcc 11-065 : la Cour de Dossou a perdu la mémoire

Comme toutes les autres, la décision Dcc 11-065 rendue le 29 septembre par de la Cour constitutionnelle suscite polémique et commentaires. Si la promptitude de la Cour à rendre cette décision surprend, c’est beaucoup plus l’impasse fait sur la décision Dcc 06-034 qui écœure maints spécialistes du droit. C’est un record de promptitude dans la vie de la Cour constitutionnelle. Saisie de la requête du Chef de l’Etat du 27 septembre qui demande à la Cour de contrôler la conformité à la constitution de la loi N° 2011- 25 portant Règles générales applicables aux personnels militaires, des forces de sécurité publique et assimilés en république votée par l’Assemblée nationale la veille, la Cour s’est pliée en quatre pour rendre la décision trois jours après. Et comme le Chef de l’Etat lui même l’a dit lors de son intervention médiatique du mercredi 28 septembre, il a promulgué aussitôt la loi. La Cour constitutionnelle s’est montrée aussi prompte à vider ce dossier que l’a bien voulu le Chef de l’Etat décidé à mettre fin à la grève des douaniers. Après la grève de 72 heures déclenchée par les disciples de St Mathieu la semaine dernière, cette décision vient un peu comme l’élément dissuasif pour le Syndicat des douanes du Bénin (Sydob) qui disait, lors de leur son Assemblée Générale du vendredi qu’il n’attendait que la décision de la Cour pour savoir quelle décision prendre. Sinon, nul ne peut expliquer l‘urgence de cette décision si ce n’est le simple fait qu’elle est devenue une priorité pour le président qui veut s’en servir pour interdire définitivement la grève aux douaniers. En procédant ainsi, la Cour de Robert Dossou donne l’impression d’être uniquement à la solde du gouvernement qu’il veut aider à régler ses problèmes. Cette attitude de la Cour à voler au secours du gouvernement avait été déjà notée il y a quelques mois au plus fort de la grogne syndicale qui a paralysé la pays. On se rappelle qu’alors que le Cosynap a déclenché un mouvement de grève pour demander lui aussi les 25% de revalorisation indiciaire accordée aux travailleurs du ministère des finances, la Cour, sur une requête déposée par une certaine Ingrid Houéssou, a rendu une décision demandant l’annulation de cette augmentation qui consacre une injustice entre les travailleurs béninois. Cette décision a exacerbé la crise sociale et le gouvernement s’est vu obligé de négocier et de généraliser les avantages à tous les travailleurs. La promptitude de la Cour ici est paradoxale puisque depuis les dernières élections présidentielles et bien avant, cette même Cour n’a pu rendre des décisions sur les nombreux recours déposés à son niveau sur l’évolution de la Lépi. Jusqu’à ce jour, la Cour n’a pas eu le temps de vider ces dossiers.

Panne de mémoire

La Cour de Robert Dossou excelle dans l’escamotage juridique. C’est sûrement au nom de cela qu’elle a décidé de faire l’impasse sur la décision Dcc 06-034 qui a déjà statué sur une situation similaire. Nulle part, la Cour n’a évoqué cette décision rendue il y a cinq ans par la Cour dirigée alors par Conceptia Ouinsou. Cette décision a clairement stipulé que le droit de grève est un droit reconnu à tous par la constitution du 11 décembre 1990 et qu’il ne saurait être dénié à une corporation qu’elle soit militaire ou paramilitaire. Pour rendre sa décision du 30 septembre, la Cour a simplement choisi de mettre de côté cette décision, foulant au pied le principe de « l’autorité de la chose jugée » dont elle s’est pourtant montrée très attachée par le passé. De Conceptia Ouinsou à Robert Dossou, la Cour a changé. Celle d’aujourd’hui vient soutenir que les douaniers ne doivent pas faire grève. Ce qui est un recul par rapport aux acquis démocratiques de notre pays depuis 1990.

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