La Cour Constitutionnelle pousserait-elle au «printemps béninois»?

Le 20 octobre 2011, la Cour constitutionnelle du Bénin a rendu une décision relative au contrôle de constitutionnalité de la loi organique n° 2011-27 portant conditions de recours au référendum. Si, à la première lecture, cette décision semble mettre le pays à l’abri de toute tentative de tripatouillage ou de révision opportuniste de la Constitution, une lecture plus approfondie montre qu’en réalité, la Cour vient –encore!– de nous sortir une de ces décisions-miracles qui ont le mérite de semer la confusion et de créer une instabilité jurisprudentielle qui fragilise le socle constitutionnel et légal de notre jeune démocratie.

En déclarant l’article 6 de la loi organique 2011-27 contraire à la Constitution, la Cour demande au législateur de reformuler ledit article ainsi qu’il suit: «Ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum, les options fondamentales de la Conférence nationale de février 1990, à savoir:

 

– la forme républicaine et la laïcité de l’Etat;

– l’atteinte à l’intégrité du territoire national;

– le mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une seule fois;

– la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle;

– le type présidentiel du régime politique au Bénin».

Cette reformulation pose plusieurs problèmes juridiques et constitutionnels notamment ceux des supposées «options fondamentales de la Conférence nationale» qui n’apparaissent nulle part dans la Constitution et de la considération sans distinction des articles 156, 42, 44 et 54 de la Constitution, alors que les trois derniers n’ont pas la même intangibilité constitutionnelle que le premier.

Des personnes plus indiquées ayant déjà réagi sur ces questions, nous nous contenterons d’insister sur l’aspect juridico-politico-moral qui gène dans cette décision.

De fait, le juge constitutionnel béninois vient d’écarter les cinq points cités plus haut des options qui peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum. Autrement dit, le peuple ne peut pas être directement sollicité pour se prononcer sur ces fondamentaux de notre Constitution.

Il convient alors de se poser les questions suivantes: la Constitution ayant prévu deux voies pour sa révision (la voie référendaire et la voie parlementaire), la restriction que vient d’imposer le juge constitutionnel s’étend-il également à la voie parlementaire? Si tel est le cas, ne doit-on pas comprendre que la Cour vient par là-même de réviser la Constitution notamment en son article 156? Si tel n’est pas le cas, la Cour ne vient-elle pas de placer les représentants du peuple au-dessus du peuple lui-même en violation d’un principe fondamental de la démocratie consacré par l’article 3 de la Constitution du Bénin?

Comme nous l’avons fait remarquer tantôt, il faut prendre le recul nécessaire pour lire et analyser les mots utilisés dans cette décision afin de se rendre compte de toutes les ambigüités que charrie cette énième décision de la Cour constitutionnelle.

Car, nulle part, il n’est fait mention du caractère non révisable des questions discrétionnairement et arbitrairement regroupés par les Sept Sages sous le nom générique d’«options fondamentales de la Conférence nationale». Ce qui induit implicitement, sauf décision ultérieure contraire, que ces questions si elles devaient être révisées ne pourraient l’être que par le Parlement. Ce qui pourrait accréditer la thèse de plus en plus répandue que la Cour est désormais au service du pouvoir et de sa majorité parlementaire pour prendre le peuple en otage et lui faire avaler toutes les couleuvres, fussent-elles les plus grosses.

A moins que, pour des raisons connue d’elle seule, la Haute Juridiction ait décidé de rendre immuables les options qu’elle a citées dans sa décision. Seulement, ce faisant, elle oblige à recourir aux deux possibilités (anticonstitutionnelles) qui restent au cas où les Béninois décideraient de revenir sur ces choix qui ont été librement faits en 1990 et qui sont donc, par essence, susceptibles d’être remis en cause: le coup d’Etat ou l’insurrection populaire.

Nos «Sept Sages» seraient-ils si admiratifs du printemps arabe qu’ils auraient décidé de l’importer sous nos cieux?

En tout cas, cette décision de la Cour est porteuse de puissants germes de remise en cause de la démocratie et mérite d’être revue ou reprécisée au plus tôt, si nous ne voulons pas risquer, sans que rien ne l’ait laissé présager, de nous réveiller un beau matin dans une République différente de celle que nous avions connue la veille.

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