Si on s’en tient aux nouvelles ébruitées mardi dernier, du Nigeria, la porte d’à côté, on se surprend à retenir et de s’étonner à noter que le comité des chefs d’État de la Cedeao a proposé, suivant des critères prédéfinis, le Bénin à la présidence de sa Commission et que le Burkina Faso, qui ne rentre pas dans ce dispositif légal, s’y opposer. Cette intolérance exprimée du Burkina Faso, il y a 72 heures au sommet d’Abuja, à l’égard de son voisin, se justifie seulement quant au principe selon lequel «les États n’ont que des intérêts. Pas d’amis».
Au-delà, il est inacceptable de la part des responsables au plus haut niveau de l’État burkinabé d’engager à l’encontre de notre pays la fausse dispute d’un poste d’institution sous-régionale. En l’occurrence la présidence de la Commission de la Cedeao. Pour plusieurs raisons.
La première demeure l’évaluation du respect des exigences de l’État de droit et de la démocratie entre les deux pays. Une évaluation, tous critères cumulés, fait incontestablement pencher la balance du côté du Bénin. C’est au départ de chez-eux que les Béninois inaugurent en 1990, sur le continent, l’ère des conférences nationales jamais organisées qui instituent la démocratie pluraliste et le multipartisme intégral. On y a enregistré, depuis deux décennies, un nombre incalculable de fois d’alternances au sommet du pouvoir d’Etat avec l’organisation à la régulière d’élections (municipales, législatives et présidentielles) globalement transparentes et satisfaisantes, lesquelles ont pu rythmer pendant ces vingt dernières années la vie sociopolitique de ce qui était naguère appelé le «Quartier Latin de l’Afrique».
Malgré ce qu’on peut dire de leur modèle politique, à la perfection duquel les Béninois eux-mêmes s’attèlent, il a su secréter trois présidents démocratiquement élus qui se sont succédé, deux fois pour certains –Mathieu Kérékou et Boni Yayi- à la tête de leur pays, entre 1990 et 2011. Le Burkina Faso quant à lui, n’avait jamais plus connu de renouvellement de chef d’Etat sauf avec le même -Blaise Compaoré- arrivé au pouvoir par la force des armes, les mains gantées de sang, depuis un quart de siècle.
Et ce ne sont pas les missions de bons offices menées par le président burkinabé au cœur des crises et foyers de tensions ouest-africains (Togo, Cote d’Ivoire, Guinée…), crises derrières lesquelles certains perçoivent ses mains, qui concéderaient à son pays le droit de revendiquer, contre l’unanimité de ses pairs, la présidence de la commission de la Cedeao
Des considérations politiques, on en vient aux raisons d’ordre économique.
A ce titre, le Bénin –et pas le Burkina Faso- disposant d’une issue naturelle sur la mer, le port de Cotonou, qui se modernise au gré de l’évolution technologique, est un potentiel instrument de développement au service des Etats membres de la Communauté. Ces derniers ont le droit et la possibilité de conclure des accords spécifiques qui tiennent compte du cadre global de concertation tracé sous l’égide de la Cedeao. Il ne serait donc pas exagéré qu’en contrepartie de cet effort de sacrifice, le Bénin reçoive la compensation qui consisterait à lui accorder la présidence de la commission.
L’autre raison du rejet de l’intolérance du Burkina Faso, qui a fait se terminer en queue de poisson le sommet d’Abuja, est la gourmandise affichée de ses représentants. Là où, ni la capitale politique Porto-Novo, ni Cotonou, le plus haut lieu des transactions économiques du Bénin, n’abrite l’un et l’autre aucun des sièges d’instances supra nationales sous régionales d’envergure, mise à part le Fonds africain de garantie et de coopération économique (Fagace), Ougadougou au «pays des hommes intègres» est la terre d’accueil d’institutions de prestige. En cela, il faut citer la Commission de l’Uemoa et sa Cour de Justice. Deux organes d’une même autre instance communautaire à qui le Burkina Faso a délivré leur accord de siège. Pourtant les représentants gourmands du «pays des hommes intègres» ne se sentent toujours pas rassasiés. Malgré des règles impersonnelles préalablement établies qui les écartent, comme on en voit ailleurs, régir des groupements associatifs d’intérêt.
En vérité, l’attribution du poste, sur la base des nouveaux textes, est prévue pour se faire de façon rotatoire. Le Burkina Faso n’avait qu’à attendre son tour. Tranquillement… Malheureusement, la notion de partage en bonne intelligence, des rôles et des intérêts, laquelle notion devrait en imposer à l’esprit de coopération entre pays frères et voisins, semble échapper à Compaoré et ses hommes pour vouloir déserter le forum.
Emmanuel S. Tachin
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