Crise dans la filière coton : dialogue de sourds entre le Dg Mci et le Dg Sodeco

(Il y a violation des textes quant à ce qui se passe contre Mci», dixit le Dg Mci) Gilles Laleyè, directeur général de l’usine Marlan’s coton industrie (Mci) et Moudjaïdou Soumanou, directeur général de la Société de développement de coton (Sodeco) étaient les invités de l’émission «Débats actuels» de Golf télévision de ce dimanche pour traiter, dans un débat contradictoire, de la crise qui mine la filière coton, avec notamment la question de l’usine Mci de Nikki militarisée depuis quelques jours. « Participation de la société Mci à la filière coton». C’est là le thème du débat contradictoire qui a mis aux prises sur l’émission «Débats actuels» de Golf Télévision Gilles Laleyè, Directeur Général de Marlan’s cotton and industries ( Mci) et Moudjaïdou Soumanou, directeur général de la société de développement du coton (Sodeco). Si pour Gilles Laleyè ce qui arrive à Mci ressort d’une violation des textes par le camp d’en face, pour Moudjaïdou Soumanou, la crise est due au fait que Mci veut agir hors du cadre réglementaire.

De l’intervention de Gilles Laleyè, on retient que Mci n’a jamais outrepassé l’accord cadre du secteur mais au contraire qu’il y a comme une volonté d’exclure Mci de la filière. Il fustige la suspension de Mci en soutenant qu’aucune disposition de cet accord ni aucune loi de la république ne stipule que lorsqu’ une société cesse d’égrener pendant des années et veut reprendre ses activités après la résolution de ses problèmes, il faut l’empêcher de le faire. Pour lui, Mci n’attend pas que le prix du coton soit bon sur le marché international pour égrener. En effet, selon ses explications, pour chaque campagne l’Aic adresse des correspondances aux différentes usines d’égrenage les invitant à participer à la campagne et se renseigne sur le quota de coton graine que chacune d’elle sollicite. Et Mci a reçu ledit courrier pendant les trois dernières saisons. Mais il n’a ni répondu ni pris part à la campagne parce qu’il avait un contentieux en cours avec l’Etat. Lequel contentieux n’ a connu un dénouement qu’en décembre 2010. Ce qui permet à Mci de reprendre son fonctionnement et participer à la campagne 2010-2011. Cependant pour ladite campagne, sa société n’a pas reçu le courrier de l’Aic. « Au cours de la campagne 2010-2011, on n’a pas reçu le courrier de l’Aic. Lorsque nous nous sommes rapprochés d’elle pour en savoir les raisons, on nous a répondu que c’est parce que Mci n’a pas participé aux campagnes précédentes qu’il n’a pas été sollicité pour la campagne 2010-2011 », a avoué Gilles Laleyè. S’il est vrai que la filière coton est une interprofession de trois familles, il n’en demeure pas mois qu’aucun aspect de l’accord cadre n’exige des égreneurs de participer aux activités des autres familles. Et la participation de Mci à la campagne cotonnière n’a jamais été la cause de la baisse de la production dans le secteur. Pour preuve, la production a chuté dans plusieurs zones du pays où Mci n’est pas implant. Aussi, la seule fois où Mci a assuré l’importation des intrants, la production a atteint un niveau très élevé d’environ 500 mille tonnes.

«Les intrants, la mafia de la filière coton»

Pour le Directeur général (Dg) de Mci, le mal dont souffre la filière coton est dû aux industries d’intrants décriées par les producteurs eux-mêmes. «Ce sont les importateurs d’intrants qui font plomber le système », a-t-il fait remarquer. De ses propos on retient que toute la filière coton est aux mains d’une seule et même personne qui contrôle toutes les usines par le biais de la Sodeco (sur les 18 usines d’égrenage que compte le Bénin, 16 sont contrôlées par cette personne, un par Mci et le dernier qui ne fonctionne plus). L’importation des intrants et la structure faîtière qui supervisent toute la filière, l’Aic sont encore sous le contrôle de la même personne. Dans le domaine des intrants c’est un vrai scandale, soutient le Dg Mci. Tenez! Les intrants sont achetés par les importateurs quand le prix est bas sur le marché international. Ils sont stockés par ces derniers qui attendent la montée des cours pour les livrer aux producteurs. C’est en ce moment que ces importateurs réclament de l’Etat des subventions. «C’est la mafia de la filière coton. Pendant ce temps on empêche Mci d’installer son usine d’intrants», s’indigne Laleyè Gilles. Au surplus, la véritable raison pour laquelle on empêche Mci de tourner pour cette campagne est que Sodeco a placé plus de coton que prévu en signant plus de contrats à l’avance. La volonté de ceux qui contrôlent la quasi-totalité des sociétés est donc de mettre à genoux Mci pour avoir le monopole du secteur. «S’il y a contentieux, c’est la chambre arbitrale de l’Aic qui traite ou les tribunaux. Il y a violation des textes par rapport à ce qui se passe sur Mci. Mci n’a jamais été convoqué pour traiter d’un problème et on lui inflige une sanction», a-t-il étayé.

Dialogue de sourds

Selon Moudjaïdou Soumanou, Directeur général de la Sodeco, Mci participe à la déconfiture de la production cotonnière au Bénin. Et il lui est reproché d’être en déphasage avec l’accord-cadre. Selon lui, dans la filière coton, il y a une interprofession de 3 familles que sont la famille des producteurs, celle des importateurs d’intrants et celle des égreneurs. Et ces différentes familles n’évoluent pas en vase clos. Il a été mis en place l’Aic qui a en charge la production, la transformation et l’importation du coton. Les intrants sont subventionnés par l’Etat à travers l’exonération des droits de douane et de la Tva. Et si la production a connu une hausse en 2004-2005, c’est parce que l’Etat l’a fortement subventionnée. Il déplore le fait que Mci ne décide d’égrener que lorsque le prix du coton est bon sur le marché international. «Nous égreneurs avons pris un engagement avec les producteurs. Que le prix soit bon ou mauvais, nous sommes avec eux», a-t-il affirmé. Le Dg Mci a beau évoquer la question de son contentieux avec l’Etat, un contentieux qui a plombé toutes ses activités, l’ancien ministre Moudjaïdou ne cessait de répéter ce qu’il considérait comme une défaillance des responsables de Mci: «Pour les trois campagnes passées, poursuit-il, nous avons adressé chaque fois le courrier d’invite à Mci qui n’a pas réagi. Le Dg Mci réfute catégoriquement l’accusation de non implication dans la production. L’égreneur qu’il est, participe déjà par le biais des prix fixés à l’achat, puisque ce prix inclut l’amélioration des semences. Et quand Moudjaïdou applaudit la sanction infligée à Mci, le Dg Mci parle d’une violation des textes. Et de démontrer que le comité ad hoc qui a sanctionné Mci est le fruit d’un arrêté ministériel pris à la va vite pour l’exclure de la filière. Un véritable dialogue de sourds que l’Etat qui semble avoir pris partie pour un camp doit trancher au plus vite.

Les dessous de la militarisation de l’usine Mci de Nikki

Les instigateurs et les causes réelles de la militarisation de Mci-Nikki remontent à la rencontre du 19 octobre dernier entre le roi de Nikki, les acteurs et le chef de l’Etat. Selon Gilles Laleyè, lorsque les Crs et milliaires disent avoir encerclé Mci-Nikki pour raison d’Etat. Et de l’avis du directeur général de la Sodeco, Mci n’a pas été militarisé par sa structure. Il s’agit de l’Etat qui joue son rôle régalien. En effet, le roi de Nikki a rencontré, accompagné d’une délégation des différentes parties prenantes, le Chef de l’Etat pour demander sa clémence afin que puisse reprendre ses activités. Lors de ladite séance, il a été expliqué au président de la république que la Sodeco avait pré -financé la production cotonnière de la saison. Déduction, elle a un droit de propriété sur ladite production. Boni Yayi a selon lui, proposé que Mci égrène «à façon» pour cette campagne. Il s’agirait d’affecter une partie du quota de la Sodeco à Mci pour égrenage. Les frais de sa prestation devraient lui être payés par la Sodeco et le «produit fini» transmis à cette dernière.

«Ce qui s’est passé avec le Chef de l’Etat est différent de ce que dit Moudjaïdou», rétorque le Dg de Mci. De son avis, il a été expliqué au Chef de l’Etat que les égreneurs ne contribuent pas au financement de la production. Et la Sodeco l’a fait parce qu’elle est une société mixte. Mais, en dépit de cela, Mci avait dit être prête à rembourser à la Sodeco l’investissement qu’elle a effectué à ce niveau. Et ce, au prorata du quota qu’on devrait lui attribuer à égrener. Proposition à laquelle s’est opposé le Dg de la Sodeco. Les producteurs de la localité ayant pris l’engagement de prendre en main leur destin, ils ont décidé d’envoyer leurs récoltes à Mci. L’usine a été militarisée pour les en empêcher.

Les éléphants se battent… et les herbes en pâtissent

Tout est bien clair. Après avoir suivi le débat de ce dimanche, on se rend compte après analyse qu’il s’agit d’un combat de gladiateurs entre deux baobabs économiques béninois. Le premier, dans les bonnes grâces du régime actuel dit-on, qui possède la quasi-totalité des unités d’égrenage, veut se garantir le monopole, sans concurrents apparemment, du secteur. Le second, conscient de la capacité de son usine et de son influence non négligeable se bat pour se faire aussi une place. Le tableau est fait. Ce qui est fort patent et, sans doute, pitoyable c’est le sort des populations. Ces nombreux producteurs, transporteurs, ouvriers, commerçantes etc. qui se retrouvent du coup privé de leur gagne-pain. Ces milliers de jeunes ressortissants ou non de la localité qui se retrouvent sans emplois…Comme on aime bien le dire quand les éléphants se battent, ce sont les pauvres herbes qui en pâtissent.

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