Démocratie béninoise : le péché d’être opposant

Il est monnaie courante au Bénin de voir des gens face aux cameras des télévisions, crier haut et fort qu’ils ne sont pas de l’opposition. Comme si c’est une transgression que d’avoir des opinions contraires. «Je vois que si je continue par tirailler, je fais mal à mon département, à ma circonscription électorale, à mes frères. Rien ne va arriver chez moi comme investissement parce que depuis que j’ai quitté rien n’a bougé. Et depuis, je vois que c’est peut-être à cause de ma position que les choses ne viennent plus». Ces propos, dans un français approximatif, sont ceux de l’honorable député Cyriaque Domingo à sa sortie d’audience avec le Chef de l’Etat. Audience au cours de laquelle, accompagné qu’il était de Edmond Agoua, il était allé faire officiellement allégeance au chef de l’Etat. Et ces propos traduisent bien l’une des insuffisances de la démocratie au Bénin. Considéré comme le «laboratoire africain de la démocratie» pour avoir surtout inauguré l’ère des conférences nationales ayant sonné le glas des systèmes monolithiques de parti-Etat, le Benin est paradoxalement le pays où être opposant politique reste un péché. Même si on assiste à une absence de persécution physique des opposants politiques et des personnes ayant des opinions contraires au régime en place, comme en voit sous d’autres cieux, on assimile souvent l’opposant à l’ennemi du pouvoir en place.

On s’en souvient, les dessous du changement de camp politique d’Edmond Agoua, par ailleurs operateur économique qui, tout comme Cyriaque Domingo, a vu ses affaires chuter pour sa position de pourfendeur du régime Yayi. Il a été organisée, il y a plusieurs mois, dans une localité du nord-Bénin une marche dont l’objectif pour les initiateurs était de marteler devant les cameras qu’ils ne sont pas de l’opposition et qu’il n’existe aucun opposant à Yayi dans leur localité. On se rappelle aussi de cet habitant de Porto Novo qui, pour interpeller les autorités quant à la réalisation d’une infrastructure sociocommunautaire dans la capitale disait «J’implore le Chef de l’Etat. A Porto, il n’y a pas que des opposants. Moi, je vis ici mais je suis du nord». Le «mauvais» traitement réservé aux journalistes des organes de presse indépendants et donc critiques vis-à-vis du pouvoir par les confrères des cellules de communication des structures étatiques et ceux des ministères ainsi que par des personnalités politiques proches du pouvoir en est un exemple palpable qui décrit la situation. Il leur est reproché de ne pas faire l’apologie du gouvernement. Pourtant, le jeu démocratique ne peut se faire sans l’existence d’une opposition. Et l’on ne peut incriminer un citoyen pour ses opinions. Mieux, c’est illogique d’empêcher l’érection d’infrastructures de développement dans une localité parce que ses cadres sont simplement critiques vis-à-vis du pouvoir.

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