Tribunal d’exception cherchant à affirmer sa légalité sur le dos de la loi, la procédure de comparution des journalistes en «auditions publiques» devant les conseillers de la Haac est une initiative parfaitement illégale. Des arguments de droit qui résistent aux assauts liberticides ne manquent pas pour soutenir ce point de vue. On notera à l’arrivée que la mandature de la Haac initiatrice de l’opération et les actuels conseillers de l’institution qui l’ont ressuscitée tendent à faire reculer le pays sur le terrain du respect de la personne humaine et de la Constitution ou du droit tout court.
Mises en route pour la première fois à l’initiative de la précédente Haac, les auditions publiques, entretemps mises en veilleuse, semblent se fonder sur la Loi organique N°92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) et portant, entre autres, attribution et fonctionnement de l’organe de régulation. Son vice-président qui soutient mordicus que la Haac peut et doit poursuivre avec les auditions publiques ne justifie la chose que par un alinéa de l’article 6 de ladite loi. Il stipule, entre autres, que «La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, en sa qualité de garante de l’exercice de la liberté de presse et de communication… prend toute initiative et organise toute action de nature à accroître le respect de la déontologie et de l’éthique, la conscience professionnelle…».
De l’intervention de l’intéressé sur une chaine de télévision privée de la place et ainsi que le pensent les autres membres de l’organe de régulation de l’information et de la communication au Bénin, cette disposition des attributions -et non des sanctions contenues dans le Titre II de la Loi organique- justifie tous les faits et gestes de l’institution. Ainsi, la remise au goût du jour des audiences publiques et leur poursuite sans retenue, n’en déplaise aux animateurs des medias, estime le conseiller, se trouvent couvertes par la loi. Mille fois faux, illégal et antidémocratique, une telle affirmation complètement dangereuse.
En respect de ce qu’elle croit être le parallélisme des formes, dans le cas d’espèce, la Haac, par la voix de son vice-président, qualifie le travail du journaliste comme exposant la vie des citoyens à l’opinion publique. En conséquence de quoi la pareille devrait lui être immédiatement administrée par le jeu des auditions publiques. En somme, lui opposer la loi du Talion. «Œil, pour œil, dent pour dent», comme du temps de l’Ancien Testament où l’homme grand H vivait encore à l’état de pure nature. Ahurissant et regrettable!
Les auditions publiques que les conseillers de la Haac considèrent comme une condamnation justifiée pour punir les hommes des médias sont une exposition de ces derniers à la vindicte populaire. Leur fondement ne saurait se retrouver nulle part. Leur principe en lui-même ne relève ni plus ni moins que d’une interprétation biaisée des textes de loi. L’initiative ne serait soutenable que si elle se fait dans le cadre stricte de la loi. On rappellera que le domaine visé est celui du droit de la presse et qu’en la matière, les entorses portées à autrui relèvent du pénal. Mais ici, toutes sanctions à appliquer, aussi nécessaires qu’elles soient, doivent être préalablement écrites. Noir sur blanc dans la loi. A ce sujet, ce que font les juges de l’ordre judiciaire, pour faire jouer le principe du parallélisme des formes invoqué, histoire de redresser les torts, c’est d’imposer aux organes de presse épinglés, la publication dans les mêmes formes et ce, dans leur journal et, si besoin, dans d’autres, les condamnations issues des jugements rendus par eux, devant les tribunaux.
On a ainsi longtemps admis que les condamnations prononcées contre des informations diffamatoires publiées dans un média de support papier fassent l’objet de la même publicité dans un ou des organes de même genre ou de genres équivalents. Comment justifierait-on, au nom du parallélisme des formes version Haac, qu’un journaliste de la presse écrite qui a porté atteinte à l’honorabilité d’un tiers -en ne se servant que de sa plume- soit poursuivi et exposé à partir de ses images figées (photo) ou animée (vidéo)? Dans la difficulté évidente de fonder juridiquement la sanction inédite et inacceptable, la Haac qui avance droit dans le mur de l’illégalité flagrante risque elle-même de s’exposer au non respect du droit à l’image des professionnels qu’elle prétend ramener sur le droit chemin.
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