La gestion du dossier «Ali Mohamed Kharroubi» continue de faire des vagues. Quelques jours après l’expulsion du bailleur du Hezbollah, des voix s’élèvent pour désapprouver la décision du gouvernement qui avait bien une autre possibilité moins sujette à suspicion.
Le gouvernement a-t-il bien réfléchi avant de décider d’expulser Ali Mohamed Kharroubi? Depuis la prise de la décision, plusieurs voix s’élèvent pour la désapprouver. Le premier est Jean Baptiste Elias, le président de l’Observatoire de lutte contre la corruption (Olc). Selon lui, le gouvernement avait à sa portée la possibilité de mettre Mohamed Kharroubi aux arrêts, d’ouvrir une enquête judiciaire sur la base des informations reçues des Etats Unis et d’ester en justice contre cet individu accusé de blanchiment d’argent de la drogue au profit du terrorisme international.
La démarche, la plus orthodoxe qu’il aurait fallu adopter est celle là même qui est prévue par la nouvelle loi sur la lutte contre la corruption et les infractions connexes. Elle stipule que toute personne accusée de blanchiment d’argent doit être arrêtée et condamnée. Dans le cas d’espèce, affirme-t-il, cette démarche permettra de connaître les complicités dont cet individu a bénéficiées au sommet de l’Etat, d’avoir le maximum de renseignements sur ses affaires surtout au Bénin. Jean Baptiste Elias ajoute qu’en l’expulsant, on ne règle aucune affaire mais aussi et surtout on étouffe ce grand scandale qui pourrait ressurgir après comme un serpent de mer. Quelques jours après cette réaction, ce sont les avocats d’Ellissa Group et d’Ali Mohamed Kharroubi qui réagissent à travers une déclaration de pesse. Ils dénoncent le caractère arbitraire de l’arrêté N°015/Mispc/Dc/Sgm/Dgpn/Sa du 18 janvier 201é qui stipule en son article premier que «pour des raisons de sécurité et d’ordre public, monsieur Ali Kharroubi, de nationalité libanaise, suspecté de mener des activités mafieuses, criminelles et subversives en violation des lois et règlements du pays est interdit de séjour au Bénin. En conséquence tous les titres de séjour en cours de validité en possession de l’intéressé sont annulés». Il s’agit là d’une accusation gratuite puisqu’en dépit des accusations venant des Etats Unis, aucune juridiction n’a condamné leur client pour l’activité de blanchiment d’argent dont on semble l’accabler ici. Ils rappellent à juste titre la Constitution du 11 décembre 1990 qui stipule en son article 17 que «toute personne accusée d’un acte délictueux est présumé innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées». Cet article de la Constitution devrait amener les autorités béninoises à la prudence. Les avocats attaquent aussi le côté social du dossier. «L’arrêté gouvernemental est d’autant plus choquant pour l’intéressé qu’il fait grief à une personne de nationalité libanaise, mais titulaire d’un titre de séjour de dix ans sur le fondement duquel il a fait de gros investissements, construit pour le compte du gouvernement du Bénin plusieurs routes et ouvrages d’art dont il a assuré le préfinancement auprès des banques de la place en fournissant la garantie de ses biens personnels et non celle de revenus mafieux». Ils parlent des centaines d’employés livrés brutalement au chômage, de fournisseurs, de sous-traitants mais aussi des banques qui risquent de faire faillite.
L’analyse
Si on sait que les Béninois sont très sensibles aux préoccupations sociales comme les licenciements et autres, qu’ils ne peuvent accepter que des centaines des leurs soient ainsi abandonnés et que des banques soient coulées, doivent-ils pour autant faire l’apologie d’un bailleur présumé du terrorisme et s’attirer la foudre de puissances occidentales comme les Etats Unis. Non. Au-delà du bon discours sensible des avocats, il y a bien une vérité: ne jamais accepter sur notre sol des gens aux activités suspectes. Ce qui est en cause ici c’est seulement la méthode et ses velléités. Le gouvernement a bien les moyens de retrouver et d’arrêter Mohamed Kharroubi. Mieux, il a les renseignements pour l’aider à anticiper sur ces cas. Pourquoi avoir choisi de l’expulser sans chercher à l‘arrêter? La repose est simple. Il y a bien une intention d’étouffer l’affaire et de cacher la vérité. En l’expulsant, le gouvernement se met à l’abri des révélations qui peuvent éclabousser des ministres, des députés et des hauts cadres du gouvernement. Les conséquences, on s’en fout.