La grève de 72 heures reconductible en début de chaque semaine chez les enseignants apparaît comme un mouvement de trop. À la limite illégale. Avec le recul, on s’aperçoit de ce que les décrets portant revalorisation des «indices de traitements des enseignants et agents de l’Etat» comportent des limites qui suscitent le débat sur la légalité des revendications en cours.
La grève du secteur de l’éducation est-elle fondée ? C’est bien la question qui taraude les esprits et qui anime les débats dans l’opinion publique depuis que les trois ordre de l’éducation que sont l’enseignement maternelle et primaire, l’enseignement secondaire et l’enseignement technique ont entamé un mouvement de grève de 72 heures chaque semaine. La réponse à la question engage un débat de droit d’autant plus qu’une ambiguïté semble se dégager du décret n°2011-505 du 05 août 2011 portant institution d’un coefficient de revalorisation des indices de traitement des agents de l’Etat.
En effet, dans ce texte de loi pris par le gouvernement pour mettre en œuvre l’accord obtenu avec les centrales syndicales, on peut noter à l’article premier qu’: «Il est institué un coefficient de revalorisation de 1,25 de l’indice de traitement au profit des agents de l’Etat ». On se souvient que ledit accord fait suite à la longue grève des agents de la fonction publique qui réclamaient une augmentation salariale de 25 %.
Selon des sources, le terme «agents de l’Etat» désigne tous les membres de la fonction publique. Et si on en tient compte, les dispositions de l’article premier du décret n° 2011-505 du 05 août 2011 doivent s’appliquer à tous les fonctionnaires du secteur public et ce, dans tous les secteurs. C’est l’interprétation des syndicalistes qui avancent pour argument l’idée qu’une «application discriminatoire du décret 2011-505 du 05 août 2011 portant institution d’un coefficient de revalorisation de 1,25 des indices de traitement au profit des agents de l’Etat pour la période allant de janvier 2011 à décembre 2014, suivant un chronogramme bien précis et accepté par le gouvernement et les délégués syndicaux».
Mais les articles suivants du décret évoqué semblent apporter plus de précision à la compréhension de l’article 1er. Les dispositions des articles 2 et 3, quant eux, semble limiter le terme «Agent de l’Etat» aux agents de l’administration publique. L’article 2 du décret dispose: «Ce coefficient de revalorisation de 1,25 des indices de traitement est appliqué aux personnels agents permanents de l’Etat et agents contractuels de l’Etat en service au ministère de l’économie et des finances pour compter du 1er janvier 2011». L’article 3 précise que l’application de ce coefficient de revalorisation de 1,25 de l’indice de traitement s’étendra progressivement sur une période de quatre ans aux personnels agents permanents de l’Etat et contractuels de l’Etat des autres ministères et institutions de l’Etat sur la base des indices acquis au 31 décembre 2011.
Doit-on ne s’en tenir qu’aux seules dispositions de l’article 3 pour en déduire que le décret n’intègre pas les enseignants aux agents permanents de l’Etat, le cas échéant? A ce niveau, le gouvernement se serait fait avoir. Car, aucune disposition du décret ne stipule que seuls les agents de l’administration sont concernés par la revalorisation indiciaire. On peut en déduire, en attendant tout éclaircissements contradictoires, que la notion d’«agent général de l’Etat» apporte bien de l’eau au moulin des enseignants qui sont aussi des agents de l’Etat. Ainsi, autant que les enseignants, d’autres agents de l’Etat hormis ceux de l’administration publique pourraient, sur la base de l’article 1er dudit décret, revendiquer les mêmes droits.
Erreur et confusion
Le gouvernement fonde, lui, son argumentation sur le fait que les enseignants de tous les ordres ont déjà obtenu la revalorisation de leur traitement indiciaire. Et à ce niveau, le décret n°2010-101 du 26 mars 2010 portant institution d’un coefficient de revalorisation des traitements des enseignants de la maternelle, du primaire et du secondaire général, technique et professionnel est brandi. Le texte dispose en son article 1er: « Il est institué au profit des personnels enseignants… un coefficient de revalorisation du traitement indiciaire de 1,25».
Du décret, un autre discours est tenu chez les enseignants. Pour eux, il ne s’agit pas de la revalorisation de 1,25 du traitement indiciaire mais de l’amélioration à hauteur de 25 % du salaire de base, de l’allocation d’incitation à la fonction enseignante. Tout le débat est là. Seulement, on agite dans l’opinion que le régime Yayi a beaucoup amélioré le pouvoir d’achat des enseignants. Et si c’est le cas, la grève des enseignants apparaît pour beaucoup comme injuste et inopportune.
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