Interview de Pascal Wélé à propos de la loi sur les Sfd

«La nouvelle loi renforce le dispositif de contrôle et de supervision du secteur de la microfinance…» Transmis à l’Assemblée nationale par le gouvernement en fin d’année 2010, c’est ce 26 janvier 2012 que le projet de loi relatif à la réglementation des Systèmes financiers décentralisés (Sfd) a été adopté à l’unanimité des députés présents.  Dans l’optique de permettre à l’opinion publique et au commun des mortels de mieux cerner les implications du terme Sfd, les défis liés au secteur de la microfinance au Bénin, les impacts de la nouvelle loi sur ce dernier, notre rédaction s’est adressé à Pascal Wélé, Directeur de la promotion de la microfinance. C’est dans son bureau sis à l’annexe du ministère de la microfinance, située non loin du camp Guézo que ce dernier s’est prêté à nos questions. C’était dans la mi-journée d’hier. 

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Nouvelle Tribune : Qu’est-ce que Systèmes financiers décentralisés(Sfd)?

Pascal WELE: Les Sfd regroupent les institutions qui exercent des fonctions bancaires mais dans les zones où les banques n’arrivent pas à intervenir. Il s’agit de l’octroi de service financier, c’est-à-dire l’épargne et le crédit principalement mais auprès des populations démunis qui n’ont pas accès aux services bancaires. C’est ça nous appelons convenablement institutions de microfinance et dans les pays de l’Uemoa, le concept Sfd a été utilisé pour regrouper ces institutions.

 

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Quelles innovations majeures les sfd apportent-t-ils au système existant?

Le système financier dans les pays africains, au Bénin notamment regroupe exclusivement les banques parce que nous somme dans un pays où le système boursier est très peu développé. C’est seulement les banques qui apportent au système tout le financement et tout le service financier nécessaire. Mais dans l’exercice de la profession bancaire, il y a la prévention du risque qui fait que la banque ne prête qu’à des agents économiques à mesure de fournir des garantis. Et lorsque les banques pratiquent ses mesures prudentielles, une très grande proportion de la population se trouve exclue. La population béninoise étant majoritairement composée de personnes qui ne sont pas capables de trouver les garanties qu’exigent les banques. Les institutions de microfinance ont apporté une innovation qui permet de prendre en charge cette frange de la population. Et la méthodologie utilisée par les institutions de microfinance repose essentiellement sur les liens sociaux. Il s’agit de ce que nous appelons les garanties sociales.

 

Que mettez-vous dans garanties sociales?

Je prends un exemple pour vous l’expliquer. Compte tenu des relations sociales qui nous lient, on peut se faire confiance et constituer un groupe de trois puis solliciter un prêt. Mais ce prêt est accordé à l’un d’entre nous. Et celui-ci aura remboursé, ce sera le tour de quelqu’un d’autre et ainsi de suite. Le principe de base, c’est que si le membre du groupe qui contracte le prêt est défaillant,  c’est les deux autres qui devront procéder au remboursement.  Dans ce domaine, on n’a d’avoir ni d’immeuble, ni de véhicule, ni de parcelle ; la garantie c’est nous-mêmes. Il y a d’autres formes de garanties sociales. Dans un village, ça peut être le chef du village. Son avis sur l’honnêteté et la capacité de remboursement d’un habitant est un élément de garantie. Avec le processus tel qu’il était monté avant, si le chef du village accepte, c’est qu’il est signataire du contrat de prêt. Aujourd’hui, il y a quelques changements dans les institutions de microfinance. Les différents éléments de garantie ne fonctionnent que pour les petits montants.

 

Les Sfd incluent-ils le Fnpeej?

Oui, ça inclus en fin de compte le fnpeej. Le fnpeej est une institution conçue au départ pour promouvoir l’emploi. Mais la finalité c’est le financement des entreprises. Donc le mode opératoire du fnpeej peut être inclus dans le portefeuille de la microfinance.

On parle de service de financement décentralisé parce que les personnes qui sont dans les villages ne doivent pas forcement venir en ville pour être servies. C’est toujours la microfinance mais c’est que cette fois ci les institutions vont vers les populations des zones rurales et reculées. Dans le secteur bancaire, vous ne pouvez pas avoir un banquier dans votre maison mais dans la microfinance les agents de crédits viennent vous voir et vous suivent. Pour faire des remboursements de crédits vous n’avez pas besoin d’aller dans les guichets. On peut venir récupérer les crédits chez vous.

 

Qu’en est-il du lien entre Sfd et le micro crédit au plus pauvres?

Au sens strict du terme, les Sfd n’incluent pas le programme micro crédit aux plus pauvres.  En fait, le programme du micro crédit au plus pauvre qui a été initié par le gouvernement à travers le fond national de la microfinance, est essentiellement réservé aux personnes qui ne sont pas éligibles auprès des structures de microfinance. Et l’objectif visé à travers ce programme est d’offrir de petits services à ces personnes qui sont éligibles ni par les banques ni par les institutions les institutions de microfinance de façon à ce que progressivement à travers ses services ceux-ci  puissent améliorer leur bien-être et connaitre un niveau de croissance qui à un moment donné pourrait les rendre éligibles auprès des institutions de microfinance. Les services des institutions de micro finance sont réservés à ceux qui n’ont pas de garanties matérielles alors que le micro crédit au plus pauvres est réservé à ceux qui sont tellement pauvres qu’ils ne sont pas éligibles par les institutions de microfinance.  

 

Alors quels sont les défis majeurs avec les sfd?

La microfinance a suscité tellement d’intérêt qu’il y a une multiplicité d’institutions qui opèrent dans le secteur. Dans le cadre particulier du Bénin, le dernier recensement a donné un chiffre de 721 institutions. Toutes ces institutions ne sont pas autorisées. Le nombre de celles qui sont autorisées tourne autour de 200. 

Cela dit, le premier défi est d’assainir le secteur, de le sécuriser et de faire en sorte que toutes les institutions qui interviennent soient réglementées et autorisées. Et que celles qui ne le sont pas disparaissent. Parce que le fait qu’on n’arrive pas à contrôler tous les acteurs du secteur laissent libre court à des dérives comme le fameux scandale « Icc services et consorts ». Il faut donc faire en sorte que la loi qui est votée soit applicable et que les institutions autorisées soient professionnalisées. Le deuxième défi pour nous, je veux dire le ministère chargé de promouvoir le secteur c’est de faire en sorte que les institutions de microfinance soient tellement dynamiques et efficaces qu’elles arrivent à offrir les services  financiers à tous ceux qui en manifestent le besoin.

 

Quelles sont les innovations qu’apporte cette loi sur les Sfd?

La première loi qui avait régi le secteur, le Bénin l’a adopté en 1997-1998 par là. Le décret d’application a été pris quand même en 1998. Une décennie d’application de cette loi a permis de constater des insuffisances importantes. Je vais vous en citer quelques unes. D’abord, cette première loi était conçue pour les institutions qui sont mutualistes, les coopératives. Or plusieurs types d’institutions  interviennent dans le secteur. Cette loi n’était pas très applicable aux autres formes de structures. Elle n’était pas préparée pour ces institutions là. Ensuite, la loi accorde le privilège seulement aux structures coopératives pour la collecte d’épargne. Les autres doivent signer des conventions sur 5 ans. Seules les coopératives peuvent être agréées. Enfin, la troisième difficulté, c’est qu’il y a trois régimes d’autorisation. On a l’agrément pour les coopératives, la convention pour d’autres types de structures et la reconnaissance pour les autres qui sont de plus petite taille.

 

Et la nouvelle loi corrige toutes ces insuffisances?

La nouvelle loi uniformise les régimes d’agrément. A partir d’elle il n’aura plus de reconnaissance ni de convention, il n’aura que des agréments. Ceci facilite le contrôle du secteur et la tâche à la supervision. Cette nouvelle loi, contrairement  à l’ancienne, régit toutes les institutions de microfinance. L’autre avantage c’est que toutes les formes d’institutions de microfinance bénéficient des mêmes privilèges. Les trois activités clés peuvent être menées par celles-ci. Les activités de collecte d’épargne, les activités d’octroi de crédits et il y a une troisième activité qu’on appelle les engagements par signature. C’est-à-dire l’accord des cautions de garantie. Ce que les banques font lorsque vous voulez signer un contrat avec un client quand vous êtes une entreprise et que le client vous demande une caution de garantie, la banque accorde cette caution de garantie. Désormais, les institutions de microfinance pourrait donner jusqu’à une certaine échelle, ladite caution.

De plus, la nouvelle loi renforce le dispositif de supervision. Désormais dans le processus de formalisation, la Bceao joue un grand rôle. L’avis conforme de la Bceao est nécessaire pour avoir l’autorisation. Autre élément qui nous permet de dire que la sécurité sera renforcée, c’est que pour les institutions d’une certaine taille, par exemple celles qui ont déjà deux milliards de dépôt, la supervision revient à la commission bancaire de l’Uemoa et à la Bceao. La loi prévoit que désormais si une institution de microfinance n’est pas en règle et qu’elle est sanctionnée et que la cellule chargée d’appliquer la sanction ne le fait pas, la Bceao dans un délai d’un mois prend directement la sanction. La loi dit aussi que toutes les institutions qui ne sont pas en règle, ont un délai de 2 ans pour se mettre en ordre.

Par ailleurs, Il est créé par décret au Bénin un comité de stabilité financière et d’assainissement du secteur de la microfinance. Le rôle du comité c’est de s’assurer que le secteur fonctionne dans les règles normales.

 

Propos recueillis par Léonce Gamaï

Transcription: L.G. & Hervé Kingbêwé (Stag)

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