Le franc CFA encore dans la zone des turbulences !

Le même scénario recommence comme en 1993, scénario qui a fini par accoucher de la dévaluation du Franc CFA en janvier 1994. Comme dans cette première dévaluation, les certitudes des technocrates se heurteront encore   longtemps à l’entêtement des décideurs politiques qui savent bien que la dévaluation d’une monnaie commune est chose mal aisée et dangereuse : en l’occurrence, ça risque de faire imploser la zone franc, libérant le fameux franc CFA (dans ses deux  présentations) de la tutelle du Trésor français ; tutelle que certains patriotes et intellectuels africains jugent pesante et humiliante.

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Or, un divorce ne se réussit jamais à froid ; personne parmi les Chefs d’Etat du Pré carré n’a jamais ouvertement souhaité la fin de la zone franc, devenue par la suite la zone euro. Mais personne ne donnerait sa tête à couper pour maintenir en vie cette zone, l’une des dernières survivances des trouvailles « africaines et malgaches » de l‘ancienne puissance colonisatrice. En effet, la zone franc  est devenue l’illustration parfaite de la politique hégémonique de la France sur ses ès-colonies, empêchant de ce fait l’accélération de l’intégration sous-régionale en Afrique de l’Ouest. On comprend donc que la menace d’une nouvelle dévaluation puisse jeter émois et craintes chez tous les francophiles, qu’ils soient de la génération paternaliste de la Françafrique ou sincèrement francophones. En effet, une nouvelle dévaluation fortifierait ipso facto les assauts de tous les ennemis, libéraux surtout, du maintien de la zone, et sa disparition au moins dans sa forme de monnaie sans personnalité internationale. Qui peut parier sur la survie de l’UEMOA  dans sa forme actuelle si le franc commun n’est plus garanti par le Trésor français et s’il devient une monnaie non convertible ? Ce serait une belle opportunité pour le géant nigérian d’asseoir son hégémonie au sein de la  CEDEAO et de parvenir à la création d’une monnaie sous-régionale ! L’alternative n’est certes pas plus réjouissante : est-il mieux de quitter le parapluie français pour venir s’abriter sous celui d’un pays en voie d’émergence certes, mais en définitive un pays  sous-développé comme devant ? Plutôt la France que le Nigéria ou l’Afrique du Sud, telle serait la pensée secrète de la plupart des élites africaines francophones. Et puis, à voir les difficultés actuelles de la zone euro dont la principale cause  est la difficulté d’une politique monétaire commune, une zone monétaire de la CEDEAO ne créerait-elle pas beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en puisse résoudre ? Ce qui est sûr, le simple bon sens ferait voir à tous les Africains, quelles que soient les professions de foi, que plutôt qu’une gestion de leur monnaie par le Trésor français, lui-même soumis aux dictats des partenaires européens de l’euro, il vaudrait mieux comme dans le cas de transfert de souveraineté lors de l’éphémère Communauté Franco-africaine, que le franc CFA, monnaie commune si possible aux anciennes colonies françaises d’Afrique, soit autonome de toute garantie du Trésor français. Il est temps que l’UEMOA prenne et assume la gestion pleine et entière du franc CFA en Afrique Occidentale. Idem pour l’Afrique centrale. Certes, l’ancien militant anti-impérialiste repenti que je suis devenu se méfie de toutes les prises de position alimentées par des surenchères idéologiques. On ne conduit pas une politique sereine avec des sautes d’humeur idéalistes. Avec sa célèbre phrase : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’esclavage dans l’opulence », Sékou TOURE n’a guère fait progresser la cause du peuple guinéen en 1958 ; d’autant plus que moins de deux ans après, tous les pays africains de l’ex-A.O.F. et de l’ex-A.E.F. étaient contraints d’accepter l’indépendance de leur territoire ! Il n’était donc pas du tout réaliste de sortir avec fracas de la fameuse Communauté franco-africaine que tous les analystes de stratégie géopolitique  savaient condamnée à terme parce que non viable : il fallait seulement patienter pour cueillir l’indépendance  comme un fruit mûr, au lieu d’engager la Guinée dans une aventure sanglante dont elle peine à se relever ! Patience, chers concitoyens ; la zone franc est condamnée à plus ou moins brève échéance. En tout cas, ce serait suicidaire pour n’importe quel pays actuel membre de cette zone de la quitter en solo et d’aller battre sa propre monnaie. Aussi toute philippique virulente contre le franc CFA dans son organisation structurelle actuelle ne sert-elle à rien : le Bénin seul ne pourra jamais quitter la zone franc sans se faire hara-kiri sur le plan financier et économique. Les débats houleux actuels sur l’opportunité ou non d’une  dévaluation du franc CFA montrent bien à souhait que le ver est déjà dans le fruit.

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