Le deuil vient à nouveau de frapper le monde de la presse. Le journaliste chroniqueur Tingbo Louis Folly plus connu sur le diminutif de Tlf s’en est allé. Selon des sources proches de sa famille, ce décès brutal, douloureux et inattendu remonte à la nuit du jeudi au vendredi dernier.
Son corps aurait été retrouvé dans sa chambre, dans un état de décomposition avancée dimanche dernier, dans sa résidence de Kindonou -sise aux encablures du Ceg le Nokoué- où il vivait reclus, depuis son retour de Paris où réside sa famille . Ce sont des voisins du quartier qui ont donné l’alerte, quand ils ont senti une odeur pestilentielle autour du domicile du défunt d’où sortait une nuée de mouches. Le corps ainsi découvert dans des conditions insoutenables a été inhumé par la famille dans les heures qui ont suivi au cimetière de Somè dans la commune d’Abomey Calavi , après autorisation des autorités municipales de la ville de Cotonou. Pour le moment, nous n’avons pas tous les détails sur les circonstances exactes et la cause de sa mort. Ce qui est certain c’est que le défunt avait été victime d’un accident vasculaire cérébral(Avc) qui avait failli déjà l’emporter il y a deux ans. Il s’en est sorti, de sources proches de la famille, grâce à la diligence des médecins du service de cardiologie du professeur Agboton et à la grande sollicitude du professeur Marina d’Almeida Massougbodji qui , dit-on, vouait une admiration sans borne pour le chroniqueur politique qu’il était. TLF se rendit par la suite en France rejoindre sa famille et pour suivre des soins complémentaires que nécessitait son état de santé. A-t-il succombé à une nouvelle crise ? Seule une autopsie aurait pu le confirmer .Mais étant donné les circonstances, il y a fort à parier qu’elle n’a pas été effectuée. Tout ce que l’on sait à ce jour est que, revenu de son séjour parisien depuis quelques mois, il menait , toujours selon nos sources ,une vie d’ermite pour ainsi dire, dans cette résidence qu’il n’avait pas fini de construire jusqu’à cette mort brutale. Il était le directeur fondateur du seul journal satirique de très bonne facture, Le canard du Golfe qu’il a cessé de faire paraître, faute de moyens , affirme-t-on du côté de sa famille.
Le parcours de TLF
Très peu de gens, même de la profession, peuvent se targuer de connaître TLF. Il n’était connu que sous le nom de Tlf mais il n’y a guère que ces dernières années qu’il a levé un coin de voile sur sa véritable identité.TLF était-il journaliste ?Oui et Non ! Oui, Il était journaliste par la pratique du métier dont il a tiré « l’essentiel de ses revenus » ces dernières années, comme le stipulent les textes. Non ! Il n’en a pas reçu la formation stricto sensu mais il en avait la vocation .Né en 1953 sous le nom de Tingbo Louis Folly, il aurait soixante ans en 2013, sans que, ni son physique ni sa silhouette longiligne ne le laissent paraître. Titulaire du Baccalauréat au milieu des années 70, il s’inscrit au département d’anglais de la Flash d’alors (faculté des lettres et sciences humaines ) et obtient deux ans plus tard, le Duel2 (le diplôme universitaire d’études littéraires).Il accomplit alors le service militaire obligatoire connu sous le nom de « mission patriotique d’enseignement » Il ne retourne plus à l’université pour faire sa licence comme ses camarades ni à l’Ecole normale supérieure ouverte deux ans plus tôt. Mais il passe avec succès le concours du Cesti de Dakar pour faire du journalisme. Il n’ira pas à Dakar non plus. La raison : son frère aîné l’appelle à ses côtés pour diriger l’entreprise familiale alors en plein essor. C’est à la fin des années 80 qu’il contracta le virus du journalisme qui ne le quittera plus. Il fonde le Canard du golfe, le seul journal satirique de très bonne facture qu’il a cessé de faire paraître,précise-t-on du côté de ses proches. La suite ,on la connaît….
Encadré de V. FOLY
TLF ou l’obsession de l’intégrité
S’il a un seul mot pour camper le personnage , ce serait le mot « intégrité » Tingbo Louis était l’intégrité même faite homme qui abhorrait la corruption et tout ce qui s’y apparentait. Il était incorruptible et avait l’honnêteté et l’esprit de justice chevillé au corps. Il avait du talent et s’il le voulait, il pouvait se faire » acheter » par les » hommes d’argent », selon l’expression pittoresque de G.G. Vickey qui n’ont pour seul souci que d’instrumentaliser les hommes des médias. Tingbo Louis Folly à 59 ans bientôt, ne paraissait pas son âge . On lui en aurait donné trente ou quarante , selon la période de l’année. Visage poupin ,Toujours bien habillé(le blanc est sa couleur préférée), il dégageait un charme naturel sous un faux air de dandy efféminé .Ce « Wxla » sans frontière, originaire de la presqu’île de Djègbadji , était un homme affable et téméraire, un des plus brillants journalistes de sa génération. Au journal « Le Canard du Golfe » qu’il a dirigé avec beaucoup de professionnalisme et sans concession et à la radio Planète où il a animé des chroniques très écoutées aux allures de brûlot , il était connu entre autres pour son esprit frondeur et sa soif de justice et de bonne gouvernance . Sa plume acerbe et sa voix de stentor qu’il savait si bien moduler au rythme et au ton de ses chroniques ont réussi à faire de lui une icône dans ce métier combien difficile.TLF était un homme au caractère bien trempé qui avait du métier du journalisme une conception proche du sacerdoce. « Le style c’est l’homme dit- on ».TLF avait un style propre à lui, un style fait de longues phrases emphatiques où chaque mot a son sens. Les mots chez lui ont la force d’un projectile qui frappe là où ça fait mal. Il ne fait pas bien de se trouver dans son collimateur. Il ne fait aucune concession aux tricheurs , fraudeurs et autres pilleurs de l’économie nationale. Il a un art consommé de la formule choc et du mot qui fait mouche. De ce seul point de vue, TLF n’avait pas « son pareil » dans la presse. Le Canard du golfe était « sa chose » qu’il a créée et soutenue des années durant avec des économies de bouts de chandelle. Et il ne voulait, pour rien au monde et surtout, pout tout l’or du monde , saborder sa ligne éditoriale dont il était jaloux. Le Canard du golfe, était notre « Canard enchaîné », écrit dans un style corrosif à vous couper le souffle, où se mêlent sarcasmes, dérision, et auto dérision. Il lui a donné une ligne éditoriale sans concession, avec un parti pris affiché pour la bonne gouvernance et la justice. Le Canard du golfe était ainsi, par le style si particulier , le ton irrévérencieux et le contenu des articles , un journal à part entière et un journal complètement à part. Avec la disparition de son géniteur, il va définitivement nous manquer. Et dans le paysage embouteillé de titres aussi ronflants et creux les uns que les autres, le poète pourrait s’écrier « un seul être vous manque et tout est dépeuplé!»
Encadré de V. FOLY
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