Le Sénégal, première «patate chaude» dans les mains de Yayi

Après les honneurs et les félicitations, le temps de poser les actes est arrivé. Si à travers son discours, le tout nouveau président de l’Ua Boni Yayi affiche une grande volonté pour changer les choses et révolutionner l’Union, on imagine difficilement quelle sera sa position sur le cas sénégalais. Et pour cause.

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Le dimanche dernier à Addis Abéba, le président Boni Yayi a été élu président en exercice de l’Union africaine(Ua). Hasard du calendrier des événements internationaux, quelques jours avant cette élection qui honore tout le Bénin le Sénégal, resté jusque là à l’abri des crises et violences,  a commencé à s’enflammer. Tout est parti de la décision du Conseil constitutionnel de valider la candidature d’Abdoulaye Wade, le président sortant, pour briguer une troisième fois la magistrature suprême. Cette décision a déclenché une grande insurrection dans le pays avec l’appel à la résistance lancé par l’opposition.  Revenu au pays après l’exploit d’Addis Abéba et accueilli dans la lisse populaire comme un Chef de l’Etat étranger, le président Boni Yayi s’est adressé à la presse et a affiché sa volonté de travailler pour que la paix revienne sur le continent. Curieusement, le Chef de l‘Etat est resté muet sur la situation du Sénégal qui tombe lui aussi dans la spirale de la violence avec quelques morts enregistrés. Même s’il n’est pas encore trop tard pour Yayi de se prononcer face à ce dossier tout nouveau, il y a bien des raisons qui pourraient susciter des interrogations sur ce silence. Et pour cause, le Sénégal passe ici pour un pays particulier surtout pour Boni Yayi. En effet, c’est dans ce pays qu’il a fait une bonne partie de ses études et mené une partie de sa carrière professionnelle. Il voue d’ailleurs une grande admiration pour le président Wade qu’il cite souvent ici en exemple pour sa rigueur et sa fermeté. Des les arcanes du pouvoir, il se raconte même que Wade serait son mentor et qu’il lui aurait reproché sa facilité à se courber pour ses collègues présidents et lui aurait demandé de ne plus baisser la tête face à ses collègues. C’est donc un conseiller et une idole pour Yayi. D’ailleurs plusieurs spécialistes n’hésitent pas à dire que le K.O béninois de 2011 s’est fortement inspiré du K.O de Wade lors de l’élection présidentielle de 2007. Il est donc clair que le Sénégal est bien présent dans les pratiques d’ici. 

Le Sénégal, un cas embarrassant pour Yayi

La situation au Sénégal a déjà fait réagir le réseau Social Watch qui  invite Abdoulaye Wade à démissionner. Yayi pourra-t-il aussi emprunter la même voie ? Difficile de le dire. En effet, bien que auréolé de la casquette de président en exercice de l’Ua, il sera impensable voire improbable de voir Boni Yayi  réagir sur ce sujet surtout si c’est pour se désolidariser de Wade comme les Etats Unis l’ont fait. Comment pourrait-il, lui, donner des leçons à son mentor ? L’exercice sera malaisé à faire. Mais le nouveau président de l‘Union africaine a la lourde responsabilité de pas laisser le Sénégal  s’enliser définitivement dans la violence. L’autre raison, fort sérieuse, c’est le lien que certains puissent faire entre ce cas et le nôtre. Pour rappel, depuis la dernière élection présidentielle, un débat sur une révision opportuniste de la constitution par Boni Yayi pollue l’atmosphère politique ici. Malgré les nombreuses professions de foi de ce dernier, des doutes et des suspicions persistent face à ses vraies intentions. Dans un tel contexte, tout silence du Chef de l’Etat sur ce dossier pourrait être perçu comme l’expression d’un soutien tacite et d’une complicité grave. Preuve qu’il serait lui-même tenté par une telle prestidigitation constitutionnelle.  Boni Yayi qui trouve du plaisir à citer les exploits de Wade ne devrait pas aussi hésiter à dénoncer ses dérives, même quand ils sont juridiquement fondés. Au nom de leur amitié et de la paix en Afrique, le président en exercice de l’Ua qu’il est doit vite se pencher sur ce dossier et amener Wade à écouter son peuple et laisser gentiment le pouvoir. Le marteau que lui a remis son prédécesseur Obiang N’guéma devrait servir à dire « Halte là » à Wade.

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