Port autonome de Cotonou : tonneau des danaïdes ou corvée de Sisyphe ?

En aout 2011, Yayi Boni installait le PVI (Programme de Vérification des Importations), nouvel instrument destiné à sécuriser les rentrées de fonds liées aux taxes des importations. Bénin Contrôle, la société attributaire de l’appel d’offres n’a pas attendu des flonflons pour se mettre à l’œuvre. Il est vrai que ce dispositif autorise tous les espoirs : scanographie des containers, numérisation des formalités, bordereau unique, suppression de contact avec les douaniers, paiement des services sur comptes bancaires, etc.

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C’est connu : l’évaporation des ressources financières de l’Etat vers les poches des kleptocrates de la République était devenue une constante. Beaucoup d’usagers de port, de l’aéroport et des différentes entrées douanières du pays, étaient l’objet de toutes sortes de rapines et de trafics. Quand ce n’étaient pas les douaniers ou leurs sous-traitants (les fameux klébés), c’étaient les transitaires, mandataires et autres petits diables qui s’offraient de joyeuses parts sur les importations. Parfois, les clients eux-mêmes se rendaient complices de cette délinquance. Il était donc normal que l’on secouât le cocotier. Surtout du côté de Port Autonome de Cotonou, la vache à lait des finances publiques.

Mais comme l’on s’y attend, la politique s’en est mêlée. Frédérique Béhanzin peut alors sortir le « vouvouzela » pour trompéter à fond la nouvelle aux quatre vents. Normal : c’est avec ses activités de transitaire et surtout ses bruitages en faveur de Yayi qu’il fait bouillir la marmite à la maison. A son renfort, d’autres corps de métier du port, les petites associations ou syndicats, tous aussi inutiles que braillards. Enfin, il y a le DG du port, le salsero Ahanhanzo. Avec son sens du rythme, il a aussi dansé au son des nouvelles réformes.

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Mais ce n’est pas seulement les partisans de Yayi qui sont aux anges : les partenaires internationaux, les Américains notamment qui avaient menacé de dégrader et de déclassifier le port de Cotonou, applaudissent des deux mains. Le Millenium Challenge Acompte, caisse à dollars qui injecte quelques millions de billets verts dans l’économie nationale et qui avait prévenu de se retirer si jamais le port continuait d’être l’usine à merde, se sent écouté. D’ailleurs, d’après certaines indiscrétions, il aurait décerné un satisfecit à Bénin Contrôle. C’est dire…

Mais au Bénin, si ce n’est dans l’Afrique entière, nous avons un mal atavique : la culture de la fraude. A peine les réformes sont-elles engagées que déjà, les esprits tortueux ont trouvé le moyen de les contourner. Certains transitaires, déclarants en douane organiseraient des piratages du système en utilisant un seul bordereau de retrait pour plusieurs marchandises. Surtout lorsqu’il s’agit des véhicules d’occasion. Incroyable, le bruit est tombé dans le tuyau des oreilles du Président qui s’est dépêché d’aller voir la chose de près. Résultat de sa curiosité : la découverte de près de deux mille dossiers irréguliers sur le sujet.

Mais le Président Yayi n’est pas au bout de ses souffrances au Port Autonome de Cotonou. La pagaille organisée dans l’établissement a atteint les hauteurs du Kilimandjaro, surtout quand on y voit l’encombrement dantesque. L’office et ses abords – immédiats et même lointains – sont devenus des voies de garage pour les camions, titans et autres gros porteurs qui agressent et détruisent allègrement les infrastructures de la ville. Le papa gardien de la maison, le Général Martin Azonyiho, plus prompte à dormir plutôt qu’à vigiler, a beau ajuster son képi et nettoyer ses lunettes, il n’y voit que dalle. Mais il n’est pas l’unique personnage de la maison à être si aveugle : tandis que le DG est occupé à réfléchir à comment être plus efficace dans son soutien politique à Yayi, le ministre de tutelle, lui, est soucieux de la coupe de sa veste et du chokobi de son langage. Dans cette situation, le Premier Ministre a beau organiser des « réunions de la dernière chance », la pagaille se renouvelle toujours avec plus d’intensité et d’ingéniosité. Même le changement du ministre de tutelle n’y changera rien.

Et pourtant, on avait pensé, à un moment, quand il levait le ton, menaçait, invectivait, que Yayi en réduirait plus d’un. On avait pensé qu’en mobilisant la garde républicaine pour assainir le port et ses abords, que tout rentrerait dans l’ordre. Erreur. Il a suffi que son ton colérique se dissipe pour que le même chao se reproduise, exactement comme des affections mal soignées qui récidivent avec beaucoup plus de virulence. Car, il ne s’agit pas d’un phénomène passager : c’est, hélas, une maladie incurable !

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